Les stratégies indo-pacifiques formalisées

(par ordre alphabétique)

Allemagne. Ministère des Affaires étrangères, 2020.

Leitlinien zum Indo-Pazifik / Lignes directrices dans l’Indo-Pacifique 

Référence : https://www.auswaertiges-amt.de/blob/2380500/33f978a9d4f511942c241eb4602086c1/200901-indo-pazifik-leitlinien-1-data.pdf

Ce document-cadre exprime le souhait du gouvernement allemand d’intensifier son engagement dans la région indo-pacifique en tant que partenaire et acteur déterminant. Il détaille la doctrine et les lignes directrices de l’action de l’Allemagne dans cette région, Chine comprise. Y sont définis intérêts, principes et initiatives destinés à présenter les orientations de la politique du gouvernement fédéral dans l’ensemble des domaines de l’action internationale, bref, un guide stratégique tourné vers l’avenir. L’ambition de l’Allemagne est d’inspirer une politique européenne et de participer activement à l’organisation de l’ordre international dans l’Indo-Pacifique.

Association des Nations du sud-est asiatique, ANASE/ASEAN, 2019

ASEAN Outlook on the Indo-Pacific

Référence : https://asean.org/wp-content/uploads/2019/06/ASEAN-Outlook-on-the-Indo-Pacific_FINAL_22062019.pdf

Cette Association est partenaire stratégique des États-Unis tandis qu’à des degrés divers certains de ses membres de la région, notamment la Cambodge, se sont placés sous l’influence de la RP de Chine, premier partenaire commercial de l’Asie du Sud-Est, Philippines exceptées. Le magistral processus diplomatique régional mené par Pékin, notamment pour faire avancer l’Initiative des Routes de la soie dans la région, neutralise l’agressivité des pays de l’ASEAN riverains de la mer de Chine du Sud. L’ASEAN Outlook on the Indo-Pacific adopté en juin 2019 traduit implicitement l’ambivalence de cette double tendance en revendiquant dans l’Indo-Pacifique un rôle central fondé sur l’existence d’organisations dont la Chine est membre. 

Australie. Ministère de la Défense, 2016 

Defence White Paper. 

Référence : https://www.defence.gov.au/WhitePaper/Docs/2016-Defence-White-Paper.pdf 

Le 3 mai 2013, l’Australie publie son Livre blanc sur la défense identifiant l’Indo-Pacifique comme le nouveau théâtre et souligne le virage stratégique vers l’Asie-Pacifique et le pourtour de l’océan Indien. 

Celui de 2016 est « Le plus rigoureux et complet dans toute l’histoire de l’Australie ». Il présente le plus ambitieux plan de régénération de la Royal Australian Navy depuis la seconde guerre mondiale. Sa vision stratégique s’étend jusqu’en 2035. On en retiendra 1) une vision stratégique fondée sur l’équilibre sino-américain (c’était avant leur brouille) ; 2) un objectif : renforcer l’architecture de sécurité régionale (Asie du Sud-Est, particulièrement l’Indonésie), Pacifique Sud, Papouasie-Nouvelle Guinée, Timor-Leste, îles du Pacifique ; 3) une prévision : d’ici à 2035, la moitié des sous-marins et des avions de combat avancés existants seront opérationnels dans l’Indo-Pacifique.

Danemark. Institut danois pour les études internationales. 2020

Denmark needs an Indo-Pacific strategy / Le Danemark a besoin d’une stratégie indo-pacifique 

et note de politique associée : 

Rivalité stratégique américano-chinoise dans l’Indo-Pacifique. Implications en matière de politique de sécurité et de défense pour le Danemark

Références : 

https://www.diis.dk/en/trending-topic/denmark-needs-an-indo-pacific-strategy

https://pure.diis.dk/ws/files/3416650/PB_U.S._China_Strategic_WEB.pdf 

La position du Danemark a été esquissée en avril 2020 dans un rapport rédigé par Camilla TN Sørensen – l’une des principaux spécialistes de la Chine au Danemark, professeure  associée à l’Académie royale danoise de défense à Copenhague et à l’Institute for Strategy and War Studies – et publié par l’Institut danois pour les études internationales. À ce titre, le rapport revêt un caractère semi-officiel, d’autant qu’en août 2021, le gouvernement danois l’a chargée d’évaluer les tendances du développement dans l’Indo-Pacifique en vue du prochain rapport sur la politique étrangère et de sécurité. Le précédent, Stratégie de politique étrangère et de sécurité danoise pour 2019-2020, publié en novembre 2018, sans mention de l’Indo-Pacifique, affirmait à la fois l’alliance avec les États-Unis-OTAN et… la nécessité de développer un partenariat stratégique global avec la Chine.

Le rapport Sørensen note d’abord que le Danemark doit se doter d’une feuille de route spécifique pour Indo-Pacifique, indispensable notamment pour sa marine. Ses intérêts économiques dans la région – Inde ou Asie du Sud-Est – pourraient en effet pâtir de l’intensification de la rivalité stratégique que s’y livrent les États-Unis et la Chine, notamment en mer de Chine méridionale. Nb. Maersk, l’armateur danois est d’envergure mondiale. 

Le rapport évoque le positionnement stratégique de Copenhague. Pour un pays de puissance limitée, agir seul n’ayant pas grand sens, le cadre des alliances se réfère en premier lieu au cadre européen (implicitement : ne pas recourir d’emblée au parapluie de l’OTAN). En second, la coopération avec certains partenaires européens, notamment la France, devra être resserrée. Celle-ci a en effet adopté l’attitude qui convient au Danemark : lors des tests de passage en mer de Chine du Sud (opérations Free and Open Indo-Pacific) sa marine a pris soin d’éviter de provoquer Pékin.

États-Unis. Département de la Défense, 2019. 

Indo-Pacific Strategy Report

A Free and Open Indo-Pacific : advancing a shared Vision

Références : 

https://media.defense.gov/2019/Jul/01/2002152311/-1/-1/1/department-of-defense-indo-pacific-strategy-report-2019.pdf 

https://www.state.gov/a-free-and-open-indo-pacific-advancing-a-shared-vision/

Un premier document, le Rapport sur la stratégie indo-pacifique : préparation, partenariats et promotion d’une région en réseau, de juin 2019, déclare d’emblée : « L’Indo-Pacifique est le théâtre prioritaire du ministère de la Défense ». Raison : la RP de Chine, grâce notamment à son économie prédatrice, cherche à réorganiser la région à son avantage et en chasser les États-Unis, une nation du Pacifique. Pour contrer ce défi, les États-Unis s’engagent durablement à préserver la stabilité et la prospérité dans la région et à défendre un Indo-Pacifique libre et ouvert grâce à la poursuite de la préparation, des partenariats et de la promotion d’une région en réseau, en resserrant leurs liens avec alliés et partenaires, en particulier dans le cadre du Quad, avec l’Australie, l’Inde et le Japon. 

Nb. Le précédent, de décembre 2017, intitulé Rapport sur la stratégie de sécurité nationale, qualifiant la Chine de « puissance révisionniste », se bornait à constater qu’une concurrence géopolitique entre les visions libres et répressives de l’ordre mondial se déroulait dans la région Indo-Pacifique région.

Un second document a été publié en novembre 2019 par le Département d’État, Indo-Pacifique libre et ouvert : faire progresser une vision partagée, mettant de nouveau l’accent sur la collaboration avec les partenaires, pour faire avancer une vision commune et relever ensemble les défis. En outre, une série de programmes d’infrastructure sont décrits pour offrir des alternatives aux Routes chinoises de la soie. Ces deux documents datent de l’administration Trump. Il reste à attendre le rapport de celle de Biden.

France. Ministère des Affaires étrangères, 2021. 

La stratégie de la France dans l’Indopacifique

Référence : https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/fr_a4_indopacifique_v2_rvb_cle425385.pdf 

Depuis avril 2013, les Livres blancs sur la défense et la sécurité nationale (ministère de la Défense) accordent une place importante à l’Asie-Pacifique et aux intérêts de défense et de sécurité de la France comme de l’Europe dans ce vaste ensemble géopolitique. De plaquettes d’information à l’origine, les livraisons successives (notamment l’édition 2019, qui affirme l’engagement de la France à développer liens et actions communes avec la région) ont abouti, en juillet 2021, à La stratégie de la France dans l’Indopacifique, un substantiel document qui prend place auprès de ses homologues européens. Son sommaire porte sur les sujets suivants : l’Indopacifique, espace de polarisation des tensions et des grands enjeux mondiaux ; la France et l’Indopacifique, présence et influence ; les partenariats de la France dans l’Indopacifique ; les objectifs et les actions de la France dans l’Indopacifique et le renforcement de l’engagement de l’Union européenne en Indopacifique. 

Inde. Premier ministre, 2018.

Les « Six points de l’Indo-Pacifique »

Référence : https://www.mea.gov.in/Speeches-Statements.htm?dtl/29943/Prime+Ministers+Keynote+Address+at+Shangri+La+Dialogue+June+01+2018 

La politique indienne Look East, initiée au début des années 90, visait initialement un engagement politico-économique plus poussé. Sa connotation stratégique s’est renforcée avec l’avènement des politiques indo-pacifiques qui fleurissent dans le monde. À défaut d’un document, les « Six points de l’Indo-Pacifique » tels que le Premier ministre Narendra Modi les a énumérés lors du Shangri La Dialogue du 1er juin 2018, fournissent le cadre de la position de l’Inde.

1) Il représente une région libre, ouverte et inclusive ;

2) L’Asie du Sud-Est est le centre et sera au cœur de son avenir ;

3) Notre prospérité et notre sécurité communes exigent que l’évolution de l’ordre commun fondé sur des règles pour la région se fasse par le dialogue et non sur le pouvoir de quelques-uns ;

4) Chacun doit avoir un égal accès aux espaces communs sur mer et dans les airs ;

5) Dans le cadre de la mondialisation nous soutiendrons le commerce fondé sur des règles, ouvert, équilibré et stable dans la région indo-pacifique, qui élève toutes les nations sur la vague du commerce et des investissements ;

6) La connectivité est un facteur vital de la prospérité, les initiatives dans ce domaine doivent être fondées sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, la concertation, la bonne gouvernance, la transparence, la viabilité et la durabilité. En conclusion, l’engagement de l’Inde dans la région indo-pacifique – des rives de l’Afrique à celles des Amériques – sera inclusif. 

Japon. Ministère des Affaires étrangères, 2019.

Bluebook diplomatique

Références 

Blue Book : https://www.mofa.go.jp/policy/other/bluebook/2019/html/fr/main02.html 

Annexe :  https://www.mofa.go.jp/files/000430632.pdf 

Ce document rend compte de la situation internationale et diplomatie japonaise en 2018. Il consacre son point 6 à la promotion d’un « Indo-Pacifique libre et ouvert », pierre angulaire de la stabilité et de la prospérité de la communauté internationale. Dans cette perspective, en étroite collaboration avec les pays partenaires (États-Unis, Australie, Inde, Nouvelle-Zélande, ASEAN – « charnière de deux océans » –, îles du Pacifique, principaux pays européens), le Japon fera progresser les principes fondamentaux que sont l’état de droit, la liberté de navigation et le libre-échange ; la prospérité économique (amélioration de la connectivité de qualité entre l’Asie et l’Afrique ; la paix et la stabilité (renforcement des capacités d’application de la loi maritime ; mesures de lutte contre la piraterie ; réduction des risques de catastrophe et de non-prolifération). 

Nb. Le Premier ministre Abe avait préconisé la « Stratégie Indo-Pacifique libre et ouverte » lors de la sixième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD VI), en août 2016.

Pays-Bas. Ministère des Affaires étrangères, 2020.

Indo-Pacific: een leidraad voor versterking van de Nederlandse en EU- samenwerking met partners in Azië / Indo-Pacifique : un guide pour renforcer la coopération néerlandaise et européenne avec les partenaires en Asie

Référence : https://www.rijksoverheid.nl/documenten/publicaties/2020/11/13/indo-pacific-een-leidraad-voor-versterking-van-de-nederlandse-en-eu-samenwerking-met-partners-in-azie 

Avant même le renforcement des relations bilatérales dans cette région, ce guide pour l’action affirme la volonté de voir se forger une vision européenne de l’Indo-Pacifique (« L’UE doit… peut… »), laquelle viserait : 1) La durabilité des chaînes de valeur en diversifiant les fournisseurs de la région indo-pacifique ; 2) La promotion de la paix et de l’ordre juridique international – liberté de navigation –, les conflits ayant un impact sur la prospérité et la sécurité européenne et néerlandaise ; 3) L’intensification de la coopération – notamment pour protéger les biens communs – avec des pays aux vues similaires de la région ; 4) Un partenariat pour le développement de la connectivité – y compris numérique – et de la lutte pour la transition climatique, conditions nécessaires à la croissance économique.

Royaume-Uni. Commission internationale ad hoc, 2020. 

A Very British Tilt, Towards a new UK strategy in the Indo-Pacific Region

Référence : https://policyexchange.org.uk/wp-content/uploads/A-Very-British-Tilt.pdf 

Ce document intérimaire esquisse le rôle souhaité du Royaume-Uni dans l’Indo-Pacifique et ce, dans trois domaines : 1) Commerce et technologie (diversification de la chaîne d’approvisionnement, protection de la propriété intellectuelle, normes numériques, connectivité : état de droit et stabilité dans les espaces communs – maritimes, espace et cyber) ; 2) Défense et sécurité (y compris la guerre de l’information, la cybersécurité, armes biologiques et la sécurité sanitaire…) ; accords d’accès réciproque et de soutien ; renforcement des capacités maritimes et « initiative de sécurité indo-pacifique » ; 3) Diplomatie. Dotée d’une unité Indo-Pacifique – chargée d’épauler ces deux programmes avec une attention particulière aux formats communautaires, ASEAN, Partenariat Transpacifique ou Quad notamment, et au mécanisme des sommets – elle aura pour objectif de renforcer les liens avec les États-Unis et de tenir la Chine en lisière (« gérer Pékin à long terme »). 

Dans chacun de ces domaines, l’action doit respecter un double impératif moral : 1) le renforcement d’un ordre durable fondé sur des règles, à la fois résilient et adaptable aux réalités des grandes puissances du 21e siècle ; 2) la protection de l’environnement et lutte contre le changement climatique. 

Union européenne. Conseil de l’Union, 2021.

Référence : https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-7914-2021-INIT/fr/pdf 

Le 16 avril 2021, le Conseil de l’UE a adopté un document intitulé « Stratégie de l’UE pour la coopération dans l’IP ». Il annonce la détermination de l’Europe à renforcer son influence dans la région en s’y réengageant politiquement pour contribuer à sa stabilité, sa sécurité, sa prospérité et son développement durable, sur la base de la promotion de la démocratie, de l’état de droit, des droits de l’homme et du droit international. 

Rémi Perelman, Asie21

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