Une orientation très britannique (A Very British Tilt)

 

A Very British Tilt

Une  orientation très britannique

Vers une nouvelle stratégie britannique

dans la région indo-pacifique

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Un rapport intérimaire de la Commission indo-pacifique de Policy Exchange

présidée par le très honorable Stephen J Harper, avec une préface de l’Honorable Shinzō Abe

22 novembre 2020

Nb. Version française : Rémi Perelman, Asie21 (signaler les impropriétés à remi.perelman@gmail.com). Cette version est dépourvue des nombreuses notes bas de page de l’original. Si nécessaire, se reporter à celle-ci : https://policyexchange.org.uk/wp-content/uploads/A-Very-British-Tilt.pdf

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Lire également :

Indo-Pacifique – Royaume-Uni : Désormais, l’air du large

 Indo-Pacifique : Une politique allemande. Vers une politique européenne ?

Indo-Pacifique : un guide pour renforcer la coopération néerlandaise et européenne avec les partenaires en As

 

 

Contenu 

  • Avant-propos
    • Policy Exchange
    • Administrateurs
    • Remerciements
  • À propos de la Commission Indo-Pacifique
  • Résumé des recommandations
    • Tableau : initiatives britanniques recommandées et activités d’intégration régionale
  • Préface
  • Introduction : pourquoi l’Indo-Pacifique ?
    • Une construction géostratégique
    • L’essor de l’Indo-Pacifique
    • Pourquoi un penchant britannique vers l’Indo-Pacifique ?
  • Vision stratégique
    • Une charte indo-pacifique
  • Recommandations générales de la Commission
    • Considérations directrices
    • Une approche à deux voies
  • Recommandations spécifiques dans les domaines prioritaires
    • Commerce et technologie
    • Diplomatie
    • Gouvernance et développement
    • Changement climatique et protection de l’environnement
    • Défense et sécurité
  • Conclusion

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Avant-propos

Policy Exchange

Policy Exchange est le principal groupe de réflexion du Royaume-Uni, indépendant et non partisan, dont la mission est de concevoir, développer, proposer et promouvoir de nouvelles idées de politiques destinées à améliorer les services publics, rendre la société plus forte et dynamiser l’économie.

Policy Exchange s’est engagé à adopter une approche factuelle de l’élaboration de politiques. Il conserve le droit d’auteur et le contrôle éditorial complet de toutes ses recherches écrites. Il travaille en partenariat avec des universitaires et différents experts et commande des études majeures impliquant une recherche empirique approfondie sur des résultats politiques alternatifs. Policy Exchange pense que l’expérience politique d’autres pays offre au gouvernement britannique des leçons significatives et estime de même que celui-ci a beaucoup à apprendre des entreprises et du secteur bénévole.

Administrateurs

Diana Berry, Alexander Downer, Pamela Dow, Andrew Feldman, David Harding, Patricia Hodgson, Greta Jones, Edward Lee, Charlotte Metcalf, David Ord, Roger Orf, Andrew Roberts, George Robinson, Robert Rosenkranz, William Salomon, Peter Wall, Simon Wolfson, Nigel Wright.

Remerciements

Au nom de la Commission, je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à Michael R Auslin pour son travail de formation et son soutien tout au long de nos délibérations et à Gabriel Elefteriu pour avoir aidé à articuler les réflexions et les conclusions des commissaires dans les dernières étapes de ce rapport complexe. Des remerciements particuliers vont à Julia Mizen, au professeur Alessio Patalano, au professeur David Martin Jones et Shuvaloy Majumdar qui ont apporté leur aide de diverses manières critiques. Et surtout, ce travail n’aurait pas été possible sans le rôle moteur de Dean Godson, directeur de Policy Exchange.

Très honorable Stephen J Harper, président                   

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Préface

L’honorable Shinzō Abe, ancien Premier ministre du Japon

Le rythme de la modernisation dans la région indo-pacifique continue d’augmenter, apportant à la fois des opportunités et des défis aux pays de l’Asie. En effet, lorsque j’ai commencé à discuter du concept de « l’Indo-Pacifique », en 2007, la région était beaucoup moins intégrée qu’aujourd’hui. Au cours de la génération précédente, des millions d’Asiatiques ordinaires ont été sortis de la pauvreté alors que les nations de la région prenaient de plus en plus place dans l’ordre économique et politique mondial. Alors que nous entrons dans la troisième décennie du 21e siècle, l’Indo-Pacifique fait désormais vraiment partie d’un monde plus large, ainsi que d’une région qui partage de plus en plus une identité commune à la « Confluence des deux mers », comme je l’ai dit il y a plus de dix ans. 

La stabilité et la prospérité dans l’Indo-Pacifique ne seront assurées que lorsque toutes les nations chercheront à travailler ensemble, partageant des objectifs communs et les fruits d’efforts communs. Les capitales, de Tokyo à New Delhi et de Pékin à Canberra, ont de grandes opportunités pour résoudre les défis, afin d’assurer un avenir radieux. Il est vital que nous défendions les règles et normes qui ont contribué à enrichir les pays de l’Indo-Pacifique au cours des deux dernières générations. Ce faisant, nous ne devons pas seulement nous appuyer sur les efforts de tous les Asiatiques au cours des dernières décennies, mais accueillir de nouveaux partenaires de cette cause.

C’est pourquoi je salue chaleureusement ce rapport de la Commission Indo-Pacifique édité par Policy Exchange. En traçant la voie d’un engagement renouvelé des Britanniques dans la région, ce rapport montre la voie vers un ère mondialement coopérative dans l’Indo-Pacifique. Une puissance mondiale de premier plan, la Grande-Bretagne, a un rôle majeur à jouer dans l’Indo-Pacifique. En tant que sixième plus grande économie, l’augmentation du commerce entre le Royaume-Uni et les pays indo-pacifiques contribuera à la croissance économique globale. La Grande-Bretagne peut également travailler avec les pays de la région sur le respect des valeurs démocratiques et soutenir les institutions multinationales qui se sont développées récemment. 

Sur le front de la sécurité, l’armée britannique – et la Royal Navy en particulier – sera une présence bienvenue dans les mers de l’Indo-Pacifique.

Les partenariats entre le Royaume-Uni et les pays indo-pacifiques envisagés dans ce rapport aideront à inaugurer une nouvelle ère de pensée innovante, d’expansion d’opportunités économiques et de renforcement de la stabilité. J’approuve avec force les conclusions et propositions de ce rapport et attends avec intérêt leur adoption par la Grande-Bretagne et ses nouveaux partenaires.

 

À propos de la Commission Indo-Pacifique

Policy Exchange a réuni une commission internationale composée de dirigeants politiques, anciens et actuels, de responsables militaires et de leaders d’opinion pour aider à définir la portée de ce que devrait être une nouvelle stratégie britannique dans l’Indo-Pacifique (Liste des commissaires en annexe).

Présidée par le très honorable Stephen J Harper, 22e Premier ministre du Canada, la Commission représente le Royaume-Uni, le Canada, les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, la Corée du Sud, l’Inde, le Sri Lanka et l’Indonésie. Chaque commissaire a contribué par son expertise et son expérience particulières aux discussions et à la rédaction de la Commission. Ce rapport reflète un large consensus de vues sur le rôle de la Grande-Bretagne dans la région indo-pacifique.

Sur le plan thématique, les travaux de la Commission s’articulent autour de trois grands domaines politiques :

A. Évolution du commerce, de l’économie et de la technologie dans la région indo-pacifique, y compris les nouveaux problèmes de diversification de la chaîne d’approvisionnement, de protection de la propriété intellectuelle (PI), de normes numériques et de politique technologique et scientifique.

B. Politique et diplomatie nationales et internationales de l’Indo-Pacifique, en particulier en ce qui concerne les formats communautaires et les mécanismes de sommet pour renforcer l’ordre international fondé sur des règles.

C. Questions de défense et de sécurité indo-pacifiques, allant de la «puissance dure» et de la stabilité stratégique à la guerre d’information / politique, à la cybersécurité et aux préoccupations renouvelées concernant les armes biologiques et la sécurité sanitaire.

Résumé des recommandations

  • Cet article propose une nouvelle vision pour une communauté revigorée de nations libres et indépendantes avec un objectif primordial en tête : renforcer un ordre durable fondé sur des règles dans la région indo-pacifique (RIP) à la fois résilient et adaptable aux réalités des grandes puissances du 21e siècle.
  • Les principes d’une « Charte indo-pacifique » devraient jeter les bases d’une nouvelle approche de la stabilité et de la prospérité régionales.
  • Le gouvernement devrait créer un sous-comité indo-pacifique au sein du Conseil national de sécurité présidé par le Premier ministre. En outre, celui-ci devrait envisager de créer le poste d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire spécial pour l’Indo-Pacifique, une position politique relevant du FCDO (Foreign, Commonwealth and Development Office, affaires étrangères, Commonwealth et développement) et rattaché conjointement au Premier Ministre et au Ministre des affaires étrangères.
  • Le gouvernement britannique devrait promulguer une « stratégie indo-pacifique » indépendante définissant son approche globale d’engagement avec la région.
  • Les intérêts permanents du Royaume-Uni dans la région indo-pacifique devraient être mis en avant grâce à une approche d’engagement à deux volets :
    • Premièrement, un « programme de prospérité » axé sur les questions de commerce, d’économie et de technologie dans l’Indo-Pacifique, y compris celles, récemment soulevées, de la diversification de la chaîne d’approvisionnement de la Chine, la propriété intellectuelle, les normes numériques, la coopération scientifique, le développement durable et la protection de l’environnement.
    • Deuxièmement, un « programme de sécurité » visant à renforcer la sécurité régionale et la résilience des institutions sociopolitiques nationales dans les pays les plus vulnérables de la RIP.
  • Ces deux agendas se traduisent en politiques spécifiques dans cinq domaines prioritaires: a) commerce et technologie, b) diplomatie, c) coopération en matière de gouvernance, d) changement climatique et protection de l’environnement et e) coopération en matière de sécurité.
  • Dans le commerce et la technologie 
    • Poursuivre l’adhésion à l’Accord global et progressif pour le partenariat transpacifique (PTPGP) ;
    • Conclure des accords de libre-échange numérique ;
    • Établir un mécanisme d’investissement indo-pacifique pour soutenir les initiatives émergentes d’aide économique et de développement menées par les États-Unis et les régions ;
    • Créer un traité d’investissement multinational indo-pacifique pour protéger les investisseurs contre les pratiques discriminatoires et permettre aux investisseurs d’entrer en arbitrage conformément au droit international ;
    • Encourager davantage d’entreprises indo-pacifiques à s’inscrire sur les bourses britanniques et alliées ;
    • Établir une initiative stratégique de résilience (IRS) pour réduire les vulnérabilités de la chaîne d’approvisionnement. Un domaine prioritaire immédiat pour l’IRS devrait être celui des fournitures médicales telles que les équipements de protection individuelle, les produits pharmaceutiques, les médicaments clés et les équipements complexes, tels que les ventilateurs.
    • Développer une plate-forme de croissance de la technologie financière dans la RIP pour aider à assurer la résilience et la coopération dans le domaine des technologies financières ;
    • Proposer une initiative Internet libre et ouverte, pour promouvoir le concept d’un Internet ouvert basé sur la libre circulation de l’information ;
    • Diriger une nouvelle Alliance pour les technologies spatiales destinée, sur le modèle de l’Agence spatiale européenne, à mutualiser les ressources et permettre aux pays membres de développer conjointement des projets spatiaux ambitieux.
  • En diplomatie
    • Viser une tournée annuelle des pays de la RIP par le ministre des Affaires étrangères, le chancelier de l’Échiquier et le secrétaire à la Défense, tandis qu’un nouvel Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire spécial pour l’Indo-Pacifique devrait effectuer des voyages réguliers au cours de l’année ;
    • Préserver une proportion spécifique des budgets institutionnels pertinents pour les activités de la RIP au sein du FCDO (Foreign, Commonwealth and Development Office), British Council, Wilton Park (Organisme d’appui aux activités du FCDO), etc.
    • Élargir le programme de partenariat international géré par l’Agence spatiale britannique et financé par le budget d’aide au développement outre-mer.
    • Rechercher la participation au dialogue quadrilatéral sur la sécurité entre l’Inde, l’Australie, le Japon et les États-Unis, Quad ;
    • Obtenir le statut de partenaire de dialogue avec l’ASEAN en vue de rejoindre la Réunion des ministres de la Défense de l’ASEAN Plus (ADMM +) et le Forum régional de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) ;
    • Renforcer l’engagement du Royaume-Uni avec le Forum des îles du Pacifique ;
    • Soutenir l’autonomie et les libertés de Hong Kong en vertu de la Déclaration conjointe sino-britannique de 1984 ; mobiliser des alliances et des partenariats au sein de la RIP et au-delà pour faire face aux effets de la loi sur la sécurité nationale imposée à Hong Kong ;
    • Poursuivre une coopération pratique accrue avec Taïwan, en particulier sur des questions mondiales telles que la santé et la cybersécurité.
  • En bonne gouvernance
    • Créer un forum indo-pacifique officiel sur l’intégrité publique pour promouvoir et renforcer les valeurs démocratiques dans les pays de la RIP et faire respecter les principes clairs, concis et rigoureusement définis articulés dans les trente articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme ;
    • Organiser une conférence sur les « sociétés fortes » pour impliquer les organisations de masse et de base dans les pays de la RIP et favoriser le consensus sur les valeurs partagées essentielles, pour maintenir un ordre fondé sur des règles dans l’Indo-Pacifique ;
    • Lancer une initiative de bonne gouvernance indo-pacifique axée sur la formation à la lutte contre la corruption, la formation de la police, la réforme judiciaire, le renforcement des systèmes d’enseignement primaire et secondaire et la promotion de la protection de l’environnement ;
    • Faciliter la création de nouveaux instruments financiers dans les pays de la RIP pour lever les fonds nécessaires au relèvement des défis du développement et des infrastructures dans la région ;
    • Contribuer au réseau d’aide au développement « Blue Dot » dirigé par les États-Unis (Opération lancée en novembre 2019 par l’Overseas Private Investment Corporation [of America], destinée à concurrencer l’initiative chinoise des Routes de la soie par l’aide au financement, assortie d’une garantie de qualité de réalisation, des projets d’infrastructure (respect des principes et normes, transparence et viabilité financière).
    • Mettre l’accent sur la « diplomatie réglementaire » pour encourager l’établissement de normes régionales pour les flux de données, la réassurance et les services actuariels.
  • Dans le domaine du changement climatique et de la protection de l’environnement 
    • Envisager la création d’une version propre (clean) de l’Initiative des Routes de la soie avec des partenaires régionaux, soutenus par les Fonds verts ;
    • Créer une division commerciale internationale du Comité britannique sur le changement climatique pour aider à développer les capacités institutionnelles des pays de la RIP qui souhaitent établir leurs propres systèmes de « budgets carbone » ;
    • Soutenir la transition énergétique dans toute la RIP grâce à des partenariats, au commerce de technologies propres et à des programmes de partage des connaissances ; créer des procédures d’autorisation accélérées pour le financement des exportations britanniques pour les entreprises britanniques de technologies propres qui peuvent fournir de l’énergie propre et d’autres services dans la région indo-pacifique, liées aux programmes d’aide à l’étranger du Royaume-Uni ;
    • Soutenir avec la Space Technology Alliance, le développement des capacités des satellites d’observation de la Terre pour la surveillance de l’environnement ;
    • Travailler à un traité multilatéral de gestion et de suivi des déchets ;
    • Coopérer avec les partenaires de la RIP au soutien d’un réseau de centres de recherche afin de développer la compréhension des solutions de gestion des paysages naturels en climat tropical ;
    • Soutenir les centres d’assistance humanitaire et de secours en cas de catastrophe dans la région ;
    • Promouvoir le modèle britannique de protection de l’environnement marin « Blue Belt ».
  • Dans le domaine de la sécurité :
    • Créer une direction générale « 3 étoiles » (civile) pour la RIP au sein du ministère de la Défense ;
    • Élargir la présence régulière des moyens militaires britanniques dans les pays de la RIP ;
    • Rechercher des accords d’accès réciproque et de soutien de base avec des partenaires clés ;
    • Renforcer la participation du Royaume-Uni au groupe Five Power Defence Arrangements, FPDA (Ces cinq puissances sont l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, Singapour et le Royaume-Uni) ; promouvoir des réunions de travail plus régulières du groupe et affecter davantage de ressources à un programme élargi d’exercices d’entraînement militaire ;
    • Explorer de nouveaux domaines de coopération dans le partage d’informations et le renforcement des capacités maritimes ;
    • Respecter le principe de la libre navigation sur les voies navigables internationales ;
    • Proposer une « initiative de sécurité indo-pacifique » axée sur le renforcement des capacités des pays chargés, au sein des pays de la RIP de la sensibilisation au domaine maritime, de la formation civilo-militaire et de la formation conjointe ainsi que de la lutte contre les menaces d’acteurs non étatiques telles que la piraterie, le terrorisme, le trafic d’êtres humains, le trafic de drogue et la pêche illégale ;
    • Établir un partenariat de cybersécurité indo-pacifique pour développer et instituer les meilleures pratiques en matière de cybersécurité dans la région, en particulier dans la protection de la propriété intellectuelle et la sécurité des entreprises.

 

Tableau des initiatives britanniques recommandées et des activités d’intégration régionale

Initiative / Organisation (UK Role : Lead) Priority Indo-Pacific Region Partners
Indo-Pacific Investment Mechanism No particular priorities
Strategic Resilience Initiative (SRI) US, Japan, Australia, South Korea, Malaysia, Indonesia and India
Financial Technology Growth Platform Canada, Japan, Singapore, India, South Korea, Australia, New Zealand
Free and Open Internet Initiative (FOII) India, Australia or Japan
Space Technology Alliance Canada, Australia, New Zealand, India, Japan and potentially South Korea
Indo-Pacific Public Integrity Forum (IPPIF) Southeast Asian countries, especially Indonesia
Conference on Strong Societies Southeast Asian countries, especially Indonesia
Indo-Pacific Good Governance (IPGG) US, South and Southeast Asia and the Pacific Islands
Indo-Pacific Security Initiative (IPSI) Japan, Australia, Canada, India, South Korea, Taiwan ; plus Southeast Asian countries
Indo-Pacific Cyber-security Partnership Australia, Japan and South Korea
Green Funds Partner India
Multilateral waste management and monitoring treaty Partner No particular priorities
Humanitarian assistance and disaster relief hubs Partner No particular priorities
ASEAN (Dialogue Partner status) Join ASEAN
Quadrilateral Security Dialogue Participate Japan, Australia, India, US
Pacific Islands Forum Enhance relationship Australia, New Zealand
Commonwealth Enhance relationship IPR Commonwealth
Blue Dot Network Join US, Australia, and Japan
Fintech Bridges Partner Australia, Singapore and South Korea (to date)
APEC Join (when current moratorium is lifted)
Regulatory diplomacy dialogues Partner Japan, South Korea, Canada, Australia, Singapore, and New Zealand
Reciprocal access and base support agreements; naval cross-servicing agreements Partner Japan, India, Australia, Singapore
Community of maritime interests (informal) Partner France, India, Australia, Japan
Five Power Defence Arrangements (FPDA) Expand exercises FPDA plus: Japan, India, US

 

Introduction : pourquoi l’Indo-Pacifique ?

Une construction géostratégique

La région indo-pacifique (RIP) est une construction géostratégique relativement nouvelle plutôt qu’une notion géographique établie. Conceptuellement ancrée dans les deux grands espaces océaniques, la RIP est limitée davantage par des réalités que par des impératifs strictement géographiques. Formellement, les pays situés sur les bordures américaines ou africaines et moyen-orientales des océans Pacifique et Indien sont des « états littoraux » de la RIP lorsqu’ils sont considérés dans leur extension géographique, mais leur relation avec l’Indo-Pacifique en tant qu’arène géostratégique est – sauf dans le cas de la superpuissance mondiale – nettement différente lorsqu’ils sont comparés à celui des nations « intérieures » à la RIP. C’est en grande partie dans ce dernier sens, focalisé sur la partie centrale ou intérieure de cette demi-section du monde, que la « région indo-pacifique » est interprétée dans ce document aux fins d’analyse stratégique.

La RIP « intérieure » s’étend donc du sous-continent indien, à travers l’Asie du Sud-Est jusqu’à la Chine et les pays d’Asie du Nord-Est, le Japon et les Corées, et englobe les régions continentales, péninsulaires et reliefs archipélagiques. Les voies navigables qui parcourent les océans Indien et Pacifique, mers intérieures et vastes baies comprises, forment un réseau intégré vital pour l’économie mondiale, reliant l’Europe et l’hémisphère occidental avec les ateliers du monde. En effet, l’Indo-Pacifique représente désormais près de la moitié de la production économique mondiale et contient plus de la moitié de la population mondiale. Il contient les deux nations les plus peuplées du monde, Chine et Inde ; les deuxième et troisième plus grandes économies, Chine et Japon ; la plus grande démocratie du monde, l’Inde ; et deux des plus grandes populations musulmanes du monde, l’Inde et l’Indonésie.

C’est une région où les voies maritimes passent par les points les plus critiques du monde, le détroit de Malacca reliant l’océan Indien à la mer de Chine méridionale, et en même temps, une région déchirée par d’innombrables conflits territoriaux, continentaux et marins, rappelant la politique de pouvoir du 19e siècle. L’Indo-Pacifique – selon la définition de USINDOPACOM – contient également certains les armées et les puissances nucléaires les plus importantes et les plus sophistiquées du monde, la RPC, l’Inde et la Corée du Nord. C’est, en bref, une région vitale pour la paix et la prospérité du monde entier. 

Ces derniers temps, la construction conceptuelle de l’« indo-pacifique » a pris de l’importance à la suite d’une transformation des imaginaires géographiques, eux-mêmes engendrés par les tendances économiques, géopolitiques et diplomatiques des décennies récentes. Alors que, dans un passé pas trop lointain, cette partie du monde était autrefois appelée « Asie-Pacifique », le terme « Indo-Pacifique » est entré le courant dominant après le discours historique de Shinzō Abe en 2007 au Parlement indien, intitulé « La confluence des deux mers » . À cette occasion, Le Premier ministre japonais a déclaré que : « Le Pacifique et les océans indiens créent désormais une dynamique couplage en tant que mers de liberté et de prospérité. Une ” Asie élargie ” qui s’est libérée des frontières géographiques commencent maintenant à prendre une forme distincte. »

Abe a ensuite esquissé une nouvelle vision pour la région : « En réunissant ainsi le Japon et l’Inde, cette « Asie élargie » va évoluer vers un immense réseau couvrant l’ensemble de l’océan Pacifique, incorporant les États-Unis d’Amérique et l’Australie. Ouvert et transparent, ce réseau permettra aux personnes, aux biens, aux capitaux et aux connaissances de circuler librement. »

Depuis, cette confluence géographique s’est accélérée. Le gouvernement des États-Unis a officiellement reconnu ce changement en mai 2018 en substituant au nom du United States Pacific Command celui de « US Indo-Pacific Command ». Selon le secrétaire américain à la Défense, Jim Mattis, ce changement de nomenclature a été une « reconnaissance de la connectivité croissante entre les océans Indien et Pacifique ». En 2018, le Premier ministre indien Narendra Modi a également décrit « La vision de l’Inde pour l’Indo-Pacifique » dans un discours historique prononcé à Singapour lors du Dialogue du Shangri La. Un an plus tard, l’Association des nations du Sud-Est, ASEAN, reconnaissaient de la même manière la centralité de la région indo-pacifique au regard de la politique internationale, soulignant le fait que cette confluence géographique représentait également une opportunité géopolitique pour la promotion d’une plus grande inclusivité et relever les défis du développement et de la stabilité.

Il n’est pas surprenant que la manière dont l’« Indo-Pacifique » est conceptualisé aux États-Unis, en Australie et au Japon – les alliés de la région les plus proches de la Grande-Bretagne – diffèrent considérablement. Et pourtant, ces constructions conceptuelles révèlent quatre hypothèses semblables, d’une importance cruciale pour un cadre indo-pacifique britannique :

A. Leur cadre est centré sur la mer. Géographiquement, le terme « Indo-Pacifique » met l’accent sur la connectivité reliant l’océan Indien à l’Asie du Nord-Est, via les mers de Chine méridionale et orientale et le Pacifique Sud.

B. L’accent est placé sur l’importance d’un ordre fondé sur des règles. En terme de valeurs, la notion géopolitique de l’« Indo-Pacifique » est centrée sur la sécurité et l’ordre juridique actuels comme garantie de la stabilité et la prospérité.

C. Ils mettent tous l’accent le retour de l’État dans la concurrence entre États, notamment dans le domaine maritime traditionnel. Dans une perspective sécuritaire, l’« Indo-Pacifique» est une notion qui reconnaît l’utilisation de la mer comme espace pour l’exercice de la domination, pour l’affirmation du contrôle autant que pour la projection de puissance dans et au-delà des limites de la région.

D. Tous reconnaissent l’approfondissement de l’engagement avec l’Inde comme fondamental pour une architecture géostratégique évoluée en Indo-Pacifique.

Ces hypothèses sont pertinentes pour la manière dont le Royaume-Uni devrait aborder son engagement envers les pays de la RIP. Sur le plan géopolitique, un cadre indo-pacifique conçu selon les principes énoncés ci-dessus joue sur les atouts du Royaume-Uni en tant que puissance maritime et co-auteur d’après-guerre des normes et règles internationales qui sous-tendent la connectivité et la prospérité mondiales d’aujourd’hui. Par conséquent, une vision britannique de l’Indo-Pacifique qui s’appuie sur ces principes indique également une nouvelle compréhension du rôle de la Grande-Bretagne dans le monde au sens large, une vision dans laquelle les ambitions nationales s’alignent fermement sur les attentes et les objectifs de ses alliés régionaux les plus proches. Ceux-ci se concentrent fortement sur le maintien de la stabilité dans les espaces maritimes communs par le respect de l’état de droit et la prévention de l’érosion de l’ordre international, deux points essentiels pour favoriser le commerce mondial et la prospérité.

Zones de compétence de l’USINDOPACOM

Dans ce contexte conceptuel en évolution, le moment est venu pour la Grande-Bretagne de déplacer le poids de sa politique stratégique vers l’Indo-Pacifique alors qu’elle réexamine son rôle dans le monde. Ce faisant, la Grande-Bretagne pourrait pousser les principes ci-dessus un peu plus loin. La connectivité maritime est, et restera probablement, un pilier central de la prospérité et de l’interdépendance régionales. Mais aujourd’hui, la connectivité a aussi une dimension numérique – une dimension qui relie le contexte maritime à la croissance future grâce à la technologie et aux télécommunications. Les concepts actuellement utilisés pour poursuivre la stabilité maritime doivent désormais être intégrés à de nouveaux domaines, notamment le cyber et l’espace, qui sont désormais devenus une scène à part entière pour une concurrence entre grandes puissances. Un concept indo-pacifique britannique devrait donc garantir que ces nouveaux domaines de concurrence ne portent pas atteinte à l’ouverture et à l’inclusivité qui sont essentielles au libre-échange et à l’état de droit.

Aujourd’hui, la stabilité mondiale est menacée par des acteurs opportunistes et illibéraux, utilisant souvent les moyens technologiques les plus avancés pour menacer et déstabiliser les États-nations, les entités économiques et les institutions internationales. Si tous les dangers ne peuvent pas être abordés, il est de la responsabilité commune de toutes les nations, mais en particulier de ceux qui ont traditionnellement fourni des biens publics mondiaux, de contrer les menaces qui frappent les piliers du système international de normes et de règles de l’après 1945 – le système dans la création duquel la Grande-Bretagne a pris une part essentielle et dont la disparition nuirait à la sécurité et à la prospérité du pays. Malgré le resserrement des budgets et le défi économique posé par la pandémie mondiale de la COVID-19, les décideurs politiques ne devraient pas sous-estimer les compétences, l’expérience et les capacités que ce pays peut apporter pour relever les défis mondiaux : les amis de la Grande-Bretagne dans l’Indo-Pacifique ne le font certainement pas.

L’essor de l’Indo-Pacifique 

Au cours des dernières décennies, les pays de la RIP ont considérablement accru leur part dans l’économie mondiale tout en progressant dans la chaîne de valeur de la production. Ce processus est allé de pair avec un développement technologique haut de gamme et une croissance économique dans toute la région.

Bien que posé pour la première fois dans les années 80, le récit de « la montée de l’Asie », qui a émergé du début des années 2000, a trop souvent mis l’accent sur le rôle de la Chine aux dépens du reste de la RIP. Une vision centrée sur la Chine a souvent occulté le fait que cette transformation historique est une entreprise plus large dont le développement a été conduit par les contributions de tous les acteurs de la région : Japon, Taiwan, Australie comme ceux de la Corée du Sud à l’Inde et de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). Un système régional complexe a émergé avec sa propre diplomatie distinctive. C’est nouveau et stratégiquement significatif.

Enfin, la croissance de l’Asie en général – y compris l’Indo-Pacifique – s’accompagne de celle des capacités militaires dans l’ensemble de la RIP et d’une augmentation des conflits territoriaux. Cela a été en grande partie dû au renforcement militaire de la Chine, mais la région génère de nouveaux intérêts et ambitions nationaux – et de nouvelles possibilités d’équilibre stratégique et de diplomatie prudente.

Même avant la COVID-19, l’histoire de l’Asie, en gros, portait sur un nouvel ordre qui commençait à émerger – de plus en plus façonné par la croissance rapide de la Chine et son ascension vers la primauté régionale. La pandémie accélérera inévitablement les événements. Cela apporte déjà une urgence inattendue à des questions critiques sur la mondialisation, les chaînes d’approvisionnement mondiales et la façon de gérer Pékin à long terme, alors que les pays occidentaux et indo-pacifiques tentent d’équilibrer leurs réponses au coronavirus avec leur politique sur la Chine.

Pourquoi un penchant britannique vers l’Indo-Pacifique ?

La rencontre de la Grande-Bretagne avec le monde indo-pacifique remonte à des siècles, de la concurrence commerciale avec les Portugais et les Espagnols au XVIe siècle, en passant par les voyages de découverte du capitaine Cook, jusqu’à la colonisation de l’Inde et au-delà jusqu’au XX e siècle. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les relations décolonisées du Royaume-Uni avec les nations indo-pacifiques ont une large assise, tout comme ses échanges commerciaux et culturels.

La décision de se retirer à l’est de Suez à la fin des années 60 a réduit une grande partie, mais pas la totalité, de la présence sécuritaire du Royaume-Uni dans l’Indo-Pacifique. Le Royaume-Uni déjà présent dans presque tous les pays dans le cadre des pays de la RIP, le devient de plus en plus pour protéger le système fondé sur des règles au XXI e siècle, car il chevauche une mer cruciale, y compris dans certains pays où les États-Unis sont absents, comme les Maldives et les Seychelles. La base britannique de Diego Garcia, louée aux États-Unis, stratégiquement importante pendant la guerre froide, continuera à l’être pour les routes empruntées par un trafic naval en provenance de Chine, d’Inde, du Japon et des États-Unis qui connaît une augmentation spectaculaire. Bien que ne possédant que les îles Pitcairn, petites et éloignées, comme territoire souverain dans le Pacifique Sud, le Royaume-Uni – en la personne de la souveraine, la reine Elizabeth II – partage des droits souverains avec cinq autres pays de la région et reste engagée dans la diplomatie océanienne, aux côtés de la France et des États-Unis. Le Royaume-Uni n’a cependant pas réussi à faire connaître son rôle dans la région indo-pacifique ni à articuler ses objectifs et la manière dont il interagit avec les nations de la région. Pourtant, ces dernières années, grâce au commerce croissant avec la République populaire de Chine (RPC), d’une part, et aux efforts de l’ancien Premier ministre japonais Shinzō Abe, d’autre part, l’engagement de la Grande-Bretagne avec les pays clés de l’Indo-Pacifique s’est approfondi.

Le sort de l’Indo-Pacifique porte directement sur celui de l’Occident. Nos destins, en tant qu’États libres et indépendants de différents hémisphères, sont étroitement liés. Nos stratégies doivent être alignées. Renforçant son attachement à un ordre international fondé sur des règles, le Royaume-Uni peut fournir une plate-forme pour forger un nouveau consensus international sur des questions de premier ordre. En outre, le Royaume-Uni a une marge de manœuvre étonnamment large pour prendre les devants en s’attaquant à une variété de problèmes non résolus et de lacunes de capacité dans la région via des projets conjoints avec des partenaires partageant les mêmes idées.

Le Brexit a créé de nouvelles pressions pour un engagement renforcé avec le reste du monde – sous la bannière de « Global Britain ». Comme le gouvernement britannique le reconnaît de plus en plus, les affaires indo-pacifiques auront inévitablement un impact majeur sur la stratégie britannique après le Brexit, tout comme elles ont un impact majeur sur la sécurité mondiale et les perspectives économiques. D’importants aspects des perspectives de la Grande-Bretagne sont liés à l’Indo-Pacifique – par exemple, la région compte plus de 1,5 million de citoyens britanniques.

1 693 074 citoyens britanniques dans les pays de l’Indo-Pacifique

Australie 1 200 000 Nouvelle-Zélande nde
Corée du Sud 8 000 Philippines 10 000
Taiwan 2 398 Hong Kong* 33 733
Japon 17 943 Thaïlande 55 000
Malaisie 16 000 Inde 36 000
Singapour 50 000 Chine (en comptant HK) 36 000
Indonésie 11 000 *3 millions en comptant les British National Overseas  

Remarque : ce sont les meilleurs chiffres disponibles, mais ils représentent une estimation prudente et, dans de nombreux cas, ils sont probablement obsolètes, en particulier en ce qui concerne l’Inde. On s’attend à ce que le nombre total actuel de détenteurs de passeports britanniques résidant dans l’Indo-Pacifique dépasse largement les 1,7 million environ mentionnés ci-dessus. Les chiffres ci-dessus excluent les BNO. Sources : voir version originale.

En outre, la relation spéciale extrêmement importante avec les États-Unis est de plus en plus affectée par les grandes décisions stratégiques américaines et les préoccupations liées à la Chine, que ce soit directement (affaire Huawei), ou indirectement (conséquence des nouvelles politiques militaro-économiques américaines fondées sur un « indo-pacifique libre et ouverte »). Ceci, ajouté aux opportunités inhérentes que présente l’Indo-Pacifique, doit être pris en compte dans tout programme futur.

Une libre circulation ininterrompue des marchandises sur les routes commerciales maritimes de l’océan Indien est au cœur de la future prospérité du Royaume-Uni et de celle de ses partenaires commerciaux en Europe. Il est essentiel de veiller à ce que les pays souverains concernés par les pays de la RIP puissent choisir leur propre destin économique et politique pour maintenir la stabilité dans la région la plus peuplée et la plus dynamique du monde. La Grande-Bretagne cherche donc à récupérer au moins une partie de son ancien rôle en tant que gardien d’un consensus multilatéral sur l’ordre régional, en collaboration avec les partenaires de la RIP.

En tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et sixième puissance économique mondiale, la Grande-Bretagne est investie dans l’avenir de l’Indo-Pacifique – non seulement dans un sens économique étroit, comme il l’était au début des années 2010, mais dans un sens stratégique plus profond. Cette prise de conscience offre une base pour la Grande-Bretagne, complétant les institutions multilatérales existantes comme le Forum régional de l’ASEAN en tant que partenaire de dialogue et rejoignant l’Accord global et progressif pour le partenariat transpacifique (PTPGP, qui réunit le Canada, l’Australie, Brunei, le Chili, le Japon, la Malaisie et le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam) ou le Quad, Dialogue informel quadrilatéral sur la sécurité impliquant le Japon, l’Inde, l’Australie et les États-Unis. Le Royaume-Uni a également la possibilité de lancer de nouvelles initiatives et de créer des réseaux là où il n’en existe pas aujourd’hui.

Plus important encore, et en contradiction avec certains des récits dominants sur la non-pertinence présumée de la Grande-Bretagne après le Brexit, les pays amis de la RIP sont impatients de voir une plus grande implication du Royaume-Uni dans leur partie du monde. Pour rentrer pleinement dans la mondialisation, le Royaume-Uni doit faire de la région indo-pacifique – qui s’étend de l’est de l’océan Indien au Pacifique occidental et à l’Océanie – sa priorité en matière de politique étrangère et de sécurité globale. Il devrait embrasser l’espace politique, économique et sécuritaire intégré qui est maintenant largement vu dans les capitales mondiales en termes d’une sphère indo-pacifique cohérente.

Vision stratégique

Ce document propose une nouvelle vision pour une communauté revigorée de nations libres et indépendantes, avec un objectif primordial en tête : renforcer un ordre basé sur des règles durable dans l’Indo-Pacifique à la fois résilient et adaptable à la réalité des grandes puissances du 21e siècle.

Un ordre indo-pacifique renforcé, fondé sur des règles, nécessite une forme améliorée d’association et de communication qui s’appuie sur les institutions régionales existantes et les améliore, comme le mécanisme du Sommet de l’Asie de l’Est, ainsi que la création de nouvelles initiatives là où il y a un besoin évident d’une amélioration conforme aux règles et à la coordination régionale. 

La stabilité et la prospérité dans la région ne peuvent être obtenues sans un dialogue aboutissant à des normes de comportement convenues.

La nécessité d’une réponse régionale coordonnée, voire mondiale, à la désinformation chinoise autour de la COVID-19 n’est qu’une illustration récente de ce principe. Ce sont des valeurs partagées par tous les États-nations indépendants – et pas seulement démocratiques – qui ont un intérêt souverain à pouvoir choisir librement leurs partenaires commerciaux et sécuritaires.

L’intérêt national du Royaume-Uni exige donc une stratégie à l’égard de la région indo-pacifique dans son ensemble pour éviter une focalisation trop étroite sur la Chine. Cela signifie un Programme de prospérité – englobant des questions « macro » telles que le commerce et la sécurité de la chaîne d’approvisionnement – ainsi qu’un programme de sécurité régional reposant sur la résolution des problèmes militaires, de sécurité et de résilience au sens large. Dans un monde où la concurrence du pouvoir définit la dynamique systémique des affaires internationales, il n’y a pas de prospérité sans sécurité.

Enfin, en faisant respecter ses valeurs, la Grande-Bretagne reconnaît la concurrence stratégique croissante entre deux visions concurrentes de l’ordre régional, offerte par la Chine et les États-Unis. Le Royaume-Uni ne souhaite pas de nouvelle guerre froide, mais il défendra ses intérêts dans son pays et à l’étranger. Dans le même temps, le gouvernement britannique ne peut pas adopter une position de valeur neutre entre Pékin et Washington, et il ne doit pas non plus se considérer comme dirigeant un nouveau mouvement « non aligné » de petits États en opposition aux deux grandes puissances de la région. La Grande-Bretagne doit défendre la coopération mondiale, l’ouverture, le respect de la loi et l’adhésion aux normes de comportement acceptées de concert avec les États-Unis et les nations partageant les mêmes idées dans la RIP et au-delà.

C’est la raison pour laquelle le Royaume-Uni devrait formuler une déclaration claire des principes directeurs qui façonneront la stratégie britannique dans cette région. Ceux-ci devraient constituer l’essence d’un manifeste de ce à quoi ressemble une Grande-Bretagne mondiale dans les années 2020 et au-delà.

Une charte indo-pacifique

Les pays de la région devraient prendre l’initiative de façonner un ensemble clair d’aspirations mutuellement partagées pour l’avenir des relations indo-pacifiques que d’autres grands acteurs mondiaux comme le Royaume-Uni peuvent soutenir. Il y a là une occasion de créer un consensus autour d’une déclaration de principes acceptée conjointement qui peut être aussi importante au XXIe siècle que la Charte atlantique l’était au XXe siècle pour les affaires internationales.

Ce dernier document, approuvé il y a près de quatre-vingts ans dans des circonstances très différentes, représentait la première formulation de ce que l’on a appelé l’ordre d’après-guerre. Ses idées restent au cœur de la coopération internationale et sous-tendent le droit international. Bien qu’ils aient été concernés dans leur violation autant que dans leur respect, ils n’en demeurent pas moins l’objectif d’une société mondiale pacifique et prospère. En fin de compte, ce sont les principes inscrits dans la Charte atlantique qui fournissent la base des actions de sécurité coopératives visant à maintenir la liberté de navigation et de survol, qui à leur tour ont permis la modernisation économique à travers le monde, notamment dans l’Indo-Pacifique.

Ces principes reflètent également les objectifs et les convictions avalisés et souvent exprimés par la majorité des nations de l’Indo-Pacifique aujourd’hui : de l’Inde, la plus grande démocratie du monde, au Japon, troisième économie mondiale, aux Fidji, un petit membre du Commonwealth. Les décideurs doivent veiller à ce que notre monde de plus en plus interconnecté soit guidé par ces normes communes de conduite coopérative, où des nations capables comme la Grande-Bretagne assument davantage le fardeau du maintien de la stabilité.

La vision d’une charte indo-pacifique doit avoir l’adhésion régionale et être portée par les acteurs régionaux. Mais la diplomatie britannique devrait également clarifier la nécessité de mettre dès le départ une nouvelle ère de relations stratégiques indo-pacifiques sur une base solide, capable de résister aux crises géopolitiques.

D’un point de vue politique, par conséquent, une volonté des nations de la RIP de prendre l’initiative et de soutenir une charte indo-pacifique à ce stade de l’histoire de la région serait, tout d’abord, un signal puissant de leur ferme intention de coopérer entre eux. À l’instar du contexte européen de l’après-1945, cette étape établirait à son tour des fondations puissantes, la construction d’alliances à long terme dans la région avec une implication majeure de partenaires extérieurs, dont le Royaume-Uni.

On peut donc espérer que les principes suivants constitueront la base d’un consensus régional de vues dont le but serait de garantir la liberté et l’indépendance de toutes les nations de la région indo-pacifique et de bâtir un avenir pacifique et prospère.

Charte indo-pacifique, principes

Premièrement, aucun pays de l’Indo-Pacifique ne cherche à obtenir un agrandissement territorial ou autre.

Deuxièmement, qu’aucun changement territorial ne se produit dans l’Indo-Pacifique sans la volonté librement exprimée des peuples concernés, ni par l’usage de la force ;

Troisièmement, qu’aucune nation ne soit empêchée par une autre d’avoir un accès libre et complet à la haute mer et aux biens communs de l’Indo-Pacifique, à des fins pacifiques, y compris le commerce ;

Quatrièmement, qu’aucune nation n’utilise des moyens technologiques pour interférer avec l’ordre politique, social ou économique intérieur d’une autre nation ;

Cinquièmement, qu’aucune nation par des moyens ouverts ou cachés ne prend illégalement des informations IP numériques, qu’elles soient publiques ou privées, du gouvernement, des entreprises ou des citoyens de toute autre nation ;

Sixièmement, que l’utilisation des technologies de télécommunications telles que l’Internet et les câbles sous-marins reste libre et ouverte entre les nations indo-pacifiques et à tous leurs citoyens ;

Septièmement, que tous les accords économiques, y compris l’aide financière et le commerce, entre les nations de l’Indo-Pacifique adhèrent aux normes mondiales les plus élevées de transparence et de pratiques de prêt équitables, afin de garantir la souveraineté économique et politique, l’avancement et le bien-être des nations et peuples de l’Indo-Pacifique.

La Grande-Bretagne devrait apporter son poids stratégique à ses amis et alliés régionaux qui soutiennent les principes de cette Charte comme fondement d’une vision actualisée des relations pacifiques et coopératives entre les pays indo-pacifiques, conduisant au maintien d’un ordre géopolitique stable et d’une région libre et ouverte.

Recommandations générales de la Commission

Considérations directrices

Ambition calibrée

Le besoin d’une stratégie britannique solide dans la région est motivé avant tout par son propre intérêt national, car l’Indo-Pacifique devient de plus en plus important pour lui d’un point de vue géopolitique et géoéconomique. En même temps, travailler avec et via des alliés fait partie du tissu même de la stratégie et de la position britanniques dans le monde. La politique britannique peut être indépendante en ce sens qu’elle fait progresser des objectifs souverains ; mais ces mêmes objectifs incluent le soutien des alliés et la nécessité d’agir à leurs côtés comme multiplicateur de force pour la sécurité et moteur de prospérité : indépendant mais pas seul.

Toute discussion d’une nouvelle approche britannique de l’Indo-Pacifique doit donc se fonder sur une appréciation réaliste du paysage stratégique – et doit commencer par reconnaître le rôle de premier plan que jouent les États-Unis en tant que principal acteur stratégique extérieur dans la région – l’indispensable grande puissance alliée de la RIP. La Grande-Bretagne peut et doit certainement renforcer son implication et élaborer une stratégie beaucoup plus forte, plus large et cohérente pour les pays de la RIP qui reflète les intérêts du Royaume-Uni, et elle devrait même viser à prendre la tête d’initiatives spécifiques comme le suggère ce rapport. Mais, à ce nouveau niveau d’ambition, on doit garder en tête les principes fondamentaux du réengagement du Royaume-Uni dans la RIP : le partage du fardeau sur la sécurité, l’encouragement à progresser et le soutien porté à ses alliés et partenaires régionaux. La Grande-Bretagne devrait éviter d’exposer des aspirations de leadership trop ambitieuses que d’autres dans la région pourraient interpréter comme excessive et donc entraîner une perte – plutôt qu’un gain – de crédibilité.

La clé d’une stratégie réussie pour la RIP est donc de trouver le juste équilibre entre :

  1. La manifestation d’un engagement majeur et durable du Royaume-Uni dans la région, accompagnée de projets nouveaux et d’initiatives importantes et crédibles ; 
  2. Le réalisme quant à la configuration des forces en présence, des intérêts et des perspectives nationales dans la région.

La question n’est pas de savoir comment créer un rôle de leadership régional distinct ou exclusif pour le Royaume-Uni, mais comment intégrer les atouts clés du Royaume-Uni dans un espace géostratégique dont la stabilité (en particulier, à l’est de l’océan Indien) est finalement étayée par le États-Unis – à la fois par le biais de son modèle de « réseau » de sécurité régionale ainsi que de son approche plus traditionnelle « en étoile (hub-and-spokes) ».

Les capacités uniques que le Royaume-Uni apporte à cette partie du monde sont souvent celles qui manquent, sont sous-développées ou sous-utilisées par les pays indo-pacifiques ou même les États-Unis. Dans certains cas, ce qui peut sembler un objectif ambitieux, nécessite simplement un pouvoir solide, compétent et actif à l’échelle mondiale, avec la vision et la volonté d’exploiter l’intérêt particulier des pays indépendants de la RIP dans des initiatives mutuellement avantageuses. La coopération stratégique entre États indépendants qui respectent la souveraineté est le fil conducteur de l’approche stratégique proposée dans ce document.

Engagement ferme

L’engagement renouvelé du Royaume-Uni en faveur des pays de la RIP doit être ancré dans un nouvel engagement crédible à l’échelle de toute la région. Pendant de trop nombreuses années, ces pays ont été une priorité secondaire pour les décideurs politiques britanniques, lesquels, depuis le début des années 2010, se sont trop concentrés sur le commerce avec la Chine. On a sous-estimé les conséquences dans les autres pays de la région d’années de diplomatie et de partenariat en mode mineur, ce qui a conduit à l’impression erronée que la Grande-Bretagne s’était complètement désengagée de l’Indo-Pacifique. L’absence d’une stratégie cohérente du gouvernement britannique pour cette région a renforcé le sentiment que la Grande-Bretagne n’était pas un acteur important dans cet espace. Un engagement sporadique ou un travail silencieux et invisible ne suffit plus. À l’inverse, le gouvernement britannique doit clairement articuler ses intérêts dans la RIP, définir son niveau d’ambition et sa stratégie pour jouer un rôle important dans l’avenir de la région.

Les partenaires régionaux sont impatients de voir le gouvernement britannique s’engager fermement en faveur des pays de la RIP, seul moyen susceptible de faire une différence majeure dans la façon dont la Grande-Bretagne est perçue. Il est recommandé au gouvernement de :

  • Publier une stratégie indo-pacifique officielle du Royaume-Uni – à la fois sous forme abrégée en tant que chapitre distinct de l’Examen intégré (Integrated Review : Integrated Review of Security, Defence, Development and Foreign Policy. Devrait être publiée fin janvier 2021.) et en tant que document autonome, sous une forme plus élaborée accompagnant l’Examen.
  • Créer un sous-comité indo-pacifique au sein du Conseil de sécurité nationale présidé par le Premier ministre, étant donné les exigences interministérielles d’une nouvelle approche globale de la RIP au Royaume-Uni. Ce sous-comité devrait être doté d’un soutien officiel de haut niveau approprié. De plus, la création d’un poste d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire spécial du Premier Ministre pour l’Indo-Pacifique à caractère politique devrait être envisagée. Son rôle, non ministériel, devrait celui de la coordination générale des politiques et de la supervision des activités commerciales, diplomatiques et de sécurité du Gouvernement dans le cadre de la RIP, faisant rapport conjointement au Premier Ministre et au Secrétaire aux affaires étrangères.

Stratégies indo-pacifiques

Le besoin d’un document de stratégie britannique formel axé sur la RIP est rendu plus pressant par le fait que non seulement les États-Unis, mais aussi la France et l’Allemagne ont publié des livres blancs ou des lignes directrices pour encadrer leurs politiques indo-pacifiques.

L’Approche stratégique des États-Unis à l’égard de la République populaire de Chine, United States Strategic Approach to the People’s Republic of China, publiée en mai 2020, est le premier document américain de haut niveau exposant la vision de Washington sur les relations sino-américaines, reconnaissant franchement la concurrence stratégique entre les deux acteurs. Ce document faisait suite au rapport sur la stratégie indo-pacifique du département américain de la Défense de juin 201918 et à la stratégie de sécurité nationale américaine de décembre 2017.

L’élaboration de la stratégie française vis-à-vis de la RIP a débuté en 2016 avec un document axé sur la défense, « La France et la sécurité dans l’Indo-Pacifique », largement axé sur les possessions territoriales françaises dans l’océan Indien et le Pacifique Sud. Cela a été suivi en 2019 d’un document de synthèse, « La stratégie française dans l’Indo-Pacifique : pour un indo-pacifique inclusif », selon une portée géographique allant de la côte ouest de l’Afrique à la Polynésie française.

Plus récemment, en septembre 2020, l’Allemagne a publié ses premières lignes directrices pour l’Indo-Pacifique, sous-titrées « Allemagne-Europe-Asie : façonner ensemble le 21e siècle ». Reconnaissant l’importance des chaînes d’approvisionnement asiatiques et des routes maritimes de l’océan Indien et Pacifique, Berlin a centré sa stratégie sur le renforcement de l’engagement de l’UE avec la région et mis un accent particulier sur le renforcement des relations germano-indiennes, tout en identifiant la liberté et la sécurité, les routes maritimes ouvertes, les marchés ouverts et le libre-échange comme des intérêts fondamentaux.

Coordination avec les États-Unis

Il est particulièrement important pour le Royaume-Uni de consulter les États-Unis sur les questions de propriété intellectuelle, étant donné le rôle de premier plan de l’Amérique dans la région. En même temps qu’il poursuit ses autres partenariats, le Royaume-Uni doit :

  • impliquer systématiquement les États-Unis dans une coopération renforcée dans la RIP ;
  • identifier les problèmes et les domaines dans lesquels Washington est soit moins engagé, non impliqué, ou a besoin d’un soutien supplémentaire ; 
  • viser un partenariat plus fort avec les États-Unis pour assurer une plus grande stabilité dans la RIP.

Coordination avec les alliés et partenaires essentiels

Au-delà des États-Unis, une approche britannique robuste des affaires indo-pacifiques devrait identifier dès le départ les alliés avec lesquels les coalitions les plus efficaces et les plus étendues peuvent être construites autour de questions clés. Les partenaires les plus clairs et les plus naturels de la Grande-Bretagne pour ces coalitions essentielles comprennent ses alliés Five Eyes dans la région – Australie, Canada et Nouvelle-Zélande – ainsi que le Japon et l’Inde.

  • L’Australie et le Royaume-Uni partagent des valeurs profondément ancrées qui en font des partenaires naturels. Les deux pays ont renforcé leurs relations de défense et de sécurité ces dernières années – l’Australie va acheter une variante de la frégate britannique T26 – et sont étroitement liés dans le domaine de la sécurité à la fois par le FPDA et Five Eyes. La réunion ministérielle annuelle Australie-Royaume-Uni des ministres des Affaires étrangères et de la Défense constitue un forum bilatéral de haut niveau pour la consultation sur les questions stratégiques.
  • Le Canada et le Royaume-Uni partagent de même des valeurs fondamentales ainsi que des intérêts stratégiques dans les régions de l’Atlantique et du Pacifique. Ce sont les deux seuls pays à être à la fois membres du G7, de l’alliance du renseignement Five Eyes, de l’OTAN et du Commonwealth. Fait important, les forces armées britanniques et canadiennes bénéficient d’un niveau d’interopérabilité particulièrement élevé – la Marine royale canadienne s’apprêtant également à acheter des frégates britanniques T26 modifiées.
  • La Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni partagent également des valeurs fondamentales et ne sont pas seulement des alliés de Five Eyes et de la FPDA, mais ont également un intérêt commun à travailler plus étroitement sur les questions liées aux nations insulaires du Pacifique, en particulier celles qui sont également membres du Commonwealth, comme les Fidji et Papouasie Nouvelle Guinée.
  • Le Japon, comme indiqué dans la Revue stratégique de défense et de sécurité 2015 du gouvernement britannique, est le partenaire de sécurité le plus proche de la Grande-Bretagne en Asie et est sur le point de devenir un partenaire commercial encore plus important, après la signature, en septembre 2020, de l’accord de libre-échange Royaume-Uni-Japon. Les gouvernements britannique et japonais ont une tradition de coopération dans les opérations de lutte contre la piraterie dans l’océan Indien occidental et dans les opérations de secours en cas de catastrophe aux niveaux régional et mondial. De plus, les deux pays ont déjà initié une collaboration industrielle de défense de haute technologie tandis que la Royal Navy et les Forces maritimes d’autodéfense japonaises ont approfondi leur coopération avec la marine américaine.
  • L’Inde et la Grande-Bretagne entretiennent des relations complexes, compte tenu de l’histoire passée, mais New Dehli réévalue sa politique stratégique traditionnelle et il y a place pour une « réinitialisation » majeure entre ces deux pays. Ce serait une évolution nécessaire et opportune. En tant que rempart de l’Asie du Sud et principale puissance située à cheval sur l’océan Indien, l’Inde a le potentiel d’être un partenaire commercial majeur – en particulier dans le domaine de la technologie – ainsi qu’un partenaire de sécurité dans la RIP.

Ce groupement « CANZUK-J-I » comprend quatre des « Cinq yeux », trois des nations militairement les plus capables de l’Indo-Pacifique (Japon, Inde et Australie), ainsi que les démocraties les plus établies et les plus grandes importantes de la RIP. Ce devrait être le groupe de pays à qui le Royaume-Uni peut proposer les initiatives conjointes les plus ambitieuses et auquel il cherche à développer l’engagement le plus étendu dans toute la région, ceux qui peuvent « supporter la charge ».

La Grande-Bretagne peut également explorer des domaines d’intérêt et d’activité communs dans le domaine de la RIP avec certains de ses partenaires européens, à commencer par la France. Cela vaut en particulier dans le domaine militaire, dans des domaines tels que la formation et les déploiements conjoints – compte tenu de la présence souveraine de la France dans la région – un exemple ces dernières années, le personnel britannique déployé avec la force opérationnelle « Jeanne d’Arc » de la Marine nationale en 2017.

Partenariats flexibles

Une stratégie britannique en matière de droits de propriété intellectuelle doit faire preuve d’équilibre dans ses activités d’engagement régional. Pour commencer, il y a les démocraties libérales les plus avancées et les plus prospères qui devraient être considérées comme les principaux partenaires de la Grande-Bretagne dans la région. Mais non moins important, dans l’ensemble, est l’engagement du Royaume-Uni avec d’autres pays géopolitiquement alignés qui valorisent leur intégrité et leur indépendance continue et un ordre fondé sur des règles par lequel poursuivre leurs objectifs nationaux. La Grande-Bretagne devrait viser à ancrer ses efforts dans la RIP dans ces partenariats prioritaires (avec l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Japon et l’Inde, ainsi que la Corée du Sud, Singapour, la Malaisie, l’Indonésie et le Sri Lanka), tout en développant une coopération flexible et une ouverture aux pays émergents et partenaires importants (par exemple le Vietnam, mais aussi la Thaïlande et les Philippines) qui jouent tous des rôles géopolitiques clés dans la RIP. Une « géométrie variable » d’États de plus en plus petits autour d’intérêts communs favorisera de nouvelles options pour relier les gouvernements engagés dans la coopération stratégique.

La stratégie britannique devrait viser une association libre de partenariats dans l’Indo-Pacifique. La Grande-Bretagne doit s’engager à la fois avec des démocraties plus avancées et avec des pays non démocratiques mais géopolitiquement alignés qui valorisent leur souveraineté, le maintien de leur indépendance et qui soutiennent la coopération stratégique dans la poursuite de leurs objectifs nationaux. Le Foreign, Commonwealth and Development Office, FCDO, et le Ministry of Defence, MOD, devraient chercher à travailler avec les pays de la RIP sur un large éventail d’initiatives dans ses domaines prioritaires, en engageant de manière flexible différents partenaires sur différentes questions et causes.

Une approche à deux voies (twin-track approach)

Pendant trop longtemps, la Grande-Bretagne a négligé d’articuler clairement ses objectifs dans la région indo-pacifique, sans parler de construire une stratégie d’action à part entière. Ce travail doit désormais partir des premiers principes et poser les bases d’une nouvelle approche stratégique. Les intérêts du Royaume-Uni dans la région indo-pacifique devraient être mis en avant grâce à un engagement à deux volets.

Programme de prospérité

La première voie de l’engagement de la Grande-Bretagne dans le domaine des DPI devrait être un « programme de prospérité » axé sur les questions commerciales, économiques et technologiques, y compris les questions récemment soulevées de « découplage » technologique de la Chine, de propriété intellectuelle, de normes numériques, de coopération scientifique, de développement durable, changement climatique et protection de l’environnement. Une autre question qui mérite plus d’attention est la montée en puissance de la forme numérique de la monnaie chinoise, le renminbi, associée aux implications de la volonté de la Chine de contourner les autres systèmes de paiement et de transaction occidentaux.

Programme de sécurité

Simultanément, un « programme de sécurité » au sens large renforcerait la sécurité régionale et la résilience des institutions sociopolitiques nationales dans les pays les plus vulnérables à travers la RIP. Les contributions potentielles du Royaume-Uni à la sécurité vont de la « puissance dure », soutenant l’équilibre stratégique régional, à la lutte contre la guerre informationnelle/politique, les cyber menaces ou les préoccupations renouvelées concernant les armes biologiques et la sécurité sanitaire. Enfin, en tant que l’une des principales puissances diplomatiques du monde avec des connexions mondiales, la Grande-Bretagne peut ajouter un poids important à divers forums régionaux et mécanismes de sommet pour étayer les alliances, augmenter les coûts diplomatiques pour les transgresseurs potentiels des normes internationales et renforcer un ordre indo-pacifique fondé sur des règles.

En élaborant une stratégie et des politiques visant à mettre en œuvre ces deux programmes interdépendants, le Royaume-Uni jouera un rôle accru en aidant les pays de l’Indo-Pacifique à relever certains des défis les plus urgents auxquels ils sont confrontés, et il augmentera également son propre bien-être économique et son prestige international.

Recommandations spécifiques dans les domaines prioritaires

Les priorités de la Grande-Bretagne devraient être de promouvoir le développement économique, d’aider à maintenir la stabilité et de créer une vision stratégique commune des droits de propriété intellectuelle. Plus précisément, une stratégie indo-pacifique crédible devrait être basée sur un cadre d’engagement basé sur le partenariat basé sur les domaines prioritaires suivants

I. Commerce et technologie

II. Diplomatie

III. Coopération en matière de gouvernance

IV. Changement climatique et protection de l’environnement

V. Coopération en matière de sécurité

Il s’agit de domaines dans lesquels le Royaume-Uni a un bilan établi de réalisations et de compétences mondiales, qui, dans certains cas, ne sont pas suffisamment disponibles dans les pays de la RIP. Par coïncidence, ce sont des domaines dans lesquels ceux-ci cherchent activement à s’associer avec des acteurs extérieurs.

Commerce et technologie

La nouvelle ère d’engagement du Royaume-Uni dans la RIP est garantie par le commerce et l’économie. Le commerce est une stratégie, pas seulement de l’argent. Un élément central du projet gouvernemental « Global Britain » est l’ambition de conclure des accords de libre-échange (ALE) couvrant 80 % du commerce britannique au cours des trois prochaines années, y compris avec les États-Unis. La région la plus importante pour l’expansion du poste commercial britannique post-Brexit est l’Indo-Pacifique, qui représente près de 50 % de la production économique mondiale. Les sceptiques affirment que la valeur de ces accords en termes strictement économiques serait moindre que prévu (étant donné les avantages déjà récoltés sous les règles de l’OMC au cours des dernières décennies) – mais il est important de souligner que le succès des négociations d’ALE remplit également une fonction stratégique et géopolitique.

Malgré les vents contraires importants de la pandémie mondiale du COVID-19, la RIP restent la zone économique la plus dynamique du monde. De plus, la confluence de la COVID-19 et de la « guerre commerciale » sino-américaine la positionne plus largement comme une nouvelle ère de diversification économique et la croissance, alors que la dépendance excessive du monde envers les fabricants chinois commence à diminuer. Selon Natalie Black, déléguée commerciale britannique pour l’Asie-Pacifique, le commerce annuel du Royaume-Uni dans la région Asie-Pacifique représente plus de 113,2 milliards de livres sterling, Chine non comprise.

 

Poursuivre des accords de libre-échange de référence et constituer des coalitions sur les questions commerciales mondiales.

En tant que sixième économie mondiale, le Royaume-Uni offre un marché majeur aux exportateurs de toute l’Asie et aux pays de la RIP en particulier. Les négociations d’ALE avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont désormais une priorité après le récent accord réussi avec le Japon, qui rapprochera les troisième et sixième plus grandes économies du monde. On devrait s’attendre à ce que cet accord permette d’obtenir le soutien maximal du Japon pour l’adhésion du Royaume-Uni au Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), qui unirait le Royaume-Uni à plus de 13 % du PIB mondial et à la troisième plus grande zone de libre-échange du monde. Cette feuille de route à plus long terme devrait être reflétée dans les orientations stratégiques du gouvernement britannique, car elle sera lue par les observateurs comme une indication de l’engagement du Royaume-Uni dans la région.

Au-delà, le gouvernement devrait se concentrer particulièrement sur le commerce des services, et non seulement sur les biens, car là se tient l’une des clés de la croissance économique future – en particulier dans le domaine du numérique. L’accord commercial entre le Royaume-Uni et le Japon récemment conclu contient les dispositions numériques les plus avancées et les plus complètes au monde. Il existe de nombreuses possibilités de tirer parti de ce succès et de créer une communauté indo-pacifique pour protéger le commerce des données. Cela favoriserait de nouvelles approches innovantes entre le Royaume-Uni et les alliés pays de la RIP comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Singapour, l’Inde, la Corée du Sud ou le Canada, avec à terme un impact potentiellement mondial sur la gouvernance d’Internet et des données. Par exemple, le PTPGP et l’Accord de partenariat pour l’économie numérique (DEPA), établis par la Nouvelle-Zélande, le Chili et Singapour, sont tous deux à la pointe de l’innovation dans l’établissement des règles du commerce numérique, soulignant l’importance de la région en tant que forum pour l’établissement des règles mondiales.

De même, la ville de Londres, en tant que centre financier mondial, ne devrait pas être une réflexion après coup, mais un élément constitutif de la stratégie du Royaume-Uni, en particulier en ce qui concerne l’intégration plus complète des pays de la RIP dans le système financier mondial. En ce sens, le gouvernement devrait explorer les accords de services financiers avec ces pays – par exemple Singapour – en suivant le modèle de celui que le Royaume-Uni a récemment conclu avec la Suisse.

Une forte présence commerciale du Royaume-Uni dans la région Asie élargie contribuera à contrebalancer l’Initiative chinoise des Routes de la soie, qui vise à construire un réseau de commerce et d’investissement centré sur Pékin, ce qui implique souvent d’ignorer les normes mondiales et d’offrir une dette bon marché pour un accès stratégique. 

Principales relations commerciales dans l’Indo-Pacifique

Mécanisme et traité d’investissement indo-pacifique

La Grande-Bretagne est bien placée pour mettre en place un mécanisme international d’investissement indo-pacifique (Indo-Pacific Investment Mechanism, IPIM) comme alternative à long terme, à la fois au volume considérable d’investissements chinois dans les pays de la RIP et aux méthodes de Pékin pour déployer ces flux de capitaux. Un objectif clé de l’IPIM devrait être d’établir un traité d’investissement multinational indo-pacifique pour protéger les investisseurs contre les pratiques discriminatoires et permettre aux investisseurs de recourir à l’arbitrage en vertu du droit international. La Cour d’arbitrage international de Londres peut devenir une plaque tournante pour les procédures d’arbitrage liées à l’Indo-Pacifique. Une fois établi, l’IPIM pourra :

  • renforcer la confiance des investisseurs, créant ainsi des incitations à accroître les IDE dans la région de la part d’acteurs financiers orientés vers l’Occident ;
  • encourager davantage d’entreprises asiatiques à s’inscrire à la Bourse de Londres ;
  • encourager les banques centrales au Royaume-Uni et ailleurs à alléger les exigences de fonds propres pour les prêts destinés à des projets commerciaux liés aux pays de la RIP, en particulier une fois qu’un traité d’investissement collectif est signé.

Cette initiative devrait être utilisée pour générer des solutions pour des rapports transparents sur l’investissement/la dette, pour suivre la Belt and Road Initiative et d’autres projets d’infrastructure, des prêts subventionnés et d’autres formes d’activité financière dans la région.

Initiative de résilience stratégique

Alors que le monde entier apprend de plus en plus – en particulier de l’expérience de la COVID-19 – , il existe une dépendance de plus en plus étroite entre la prospérité économique et la résilience au sens large, tant au niveau national que transnational, dans différents secteurs. Cela ouvre la possibilité au Royaume-Uni de jouer également un rôle important dans le soutien de l’avenir économique des pays de la RIP grâce à une approche indirecte, axée sur la résilience, avec des avantages mutuels.

En ce sens, le Royaume-Uni devrait explorer des options pour établir une « Initiative de résilience stratégique » (SRI) plus formelle avec des partenaires clés de la RIP, notamment l’Australie, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, la Malaisie et la Corée du Sud. Cela devrait se faire en étroite concertation avec les États-Unis, qui développent déjà leurs propres initiatives dans ce domaine.

Par exemple, dans le domaine de la résilience des systèmes de santé nationaux, les priorités du SRI pourraient viser les fournitures médicales telles que les équipements de protection individuelle, les produits pharmaceutiques, les médicaments clés et les équipements complexes de test ou de survie. Un autre exemple est le développement d’infrastructures qui soutient les objectifs nationaux de résilience, où SRI peut chercher à s’associer sur des projets partagés avec le « Blue Dot Network » géré par les États-Unis, l’Australie et le Japon.

Dans ce contexte, les retombées de la COVID-19 ont souligné l’importance de réduire les vulnérabilités de la chaîne d’approvisionnement britannique et alliée liées à une dépendance excessive à la fabrication chinoise.

Plateforme de croissance Fintech

En tant que leader mondial de la technologie financière, la Grande-Bretagne est bien placée pour soutenir le développement, l’adoption et l’expansion des innovations fintech dans les pays de la RIP afin de lutter contre l’entrée de nouveaux concurrents soutenus par les géants chinois de la technologie. Pour y parvenir, le Royaume-Uni doit collaborer avec eux pour supprimer les barrières à l’entrée des entreprises fintech occidentales qui tentent d’établir des opérations dans la RIP et des partenariats avec des entreprises qui y sont basées, et vice-versa. Ces barrières sont le principal obstacle à l’investissement et à la coopération.

Le Royaume-Uni a déjà signé dix « Fintech Bridges », autrement dit, des accords bilatéraux entre deux gouvernements nationaux et leurs organismes de réglementation respectifs pour encourager le développement de la fintech, dont un certain nombre de la RIP, tels que l’Australie, Singapour et la Corée du Sud. Le Royaume-Uni devrait chercher non seulement à élargir la portée des Fintech Bridges existants, mais également à en établir de nouveaux avec d’autres pays de la RIP et à moderniser son dialogue Fintech actuel avec l’Inde.

En outre, une nouvelle « plateforme de croissance des technologies financières » (FGP) dirigée par le Royaume-Uni devrait s’appuyer sur l’expertise financière, technique et réglementaire britannique pour diffuser les meilleures pratiques réglementaires et soutenir la croissance régionale de l’écosystème des API, c’est-à-dire les règles d’accès aux données et la programmation protocoles permettant aux applications numériques d’interagir les unes avec les autres. Le FGP pourrait également être utilisé pour soutenir la coopération avec les pays de la RIP dans la lutte contre la corruption, la fraude et le blanchiment d’argent.

Le FGP pourrait être particulièrement utile pour les pays en développement d’Asie du Sud et du Sud-Est, ainsi que d’Océanie, qui ont besoin d’un accès aux technologies financières pour le micro financement et pour s’intégrer plus pleinement et efficacement avec la communauté financière mondiale. En outre, dans l’ensemble des DPI, les petites et moyennes entreprises connaîtront une croissance plus élevée une fois qu’elles auront un meilleur accès à des réseaux financiers numériques matures et sécurisés. Les puissances informatiques telles que le Canada, le Japon, Singapour, l’Inde, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande devraient – et devraient probablement – travailler avec le Royaume-Uni pour garantir le développement et la diffusion des systèmes Fintech les plus transparents, afin d’améliorer la responsabilité dans l’ensemble les réseaux financiers de la région.

Initiative Internet libre et ouvert

Le gouvernement britannique devrait proposer une « Initiative Internet libre et ouverte » (FOII) pour promouvoir le concept d’un Internet ouvert basé sur la libre circulation de l’information. Cette initiative est nécessaire pour empêcher d’autres pays concernés par les pays de la RIP d’adopter des lois sur la cybersécurité, qui obligent les moteurs de recherche à bloquer des termes spécifiques ou qui obligent les fournisseurs d’accès Internet à transmettre les données des utilisateurs sur demande. Une telle initiative est un correctif nécessaire aux récentes tentatives de la Chine d’exporter chez ses voisins l’expertise technologique de surveillance et de censure du Parti communiste chinois.

Le Royaume-Uni peut travailler avec des partenaires clés et des pays partageant les mêmes idées comme l’Inde, l’Australie ou le Japon pour construire des « coalitions de volontaires » qui peuvent promouvoir les meilleures pratiques en matière d’utilisation et de développement d’Internet. L’Initiative pourrait travailler sur des questions telles que la confidentialité des données, les plates-formes anti-censure, l’extension de l’infrastructure numérique aux communautés mal desservies, l’accès à Internet pour les groupes de la société civile et le développement de portails Internet pour les entreprises locales afin de stimuler l’activité économique.

Enfin, un élément important de la FOII devrait être d’éduquer les gouvernements nationaux sur la liberté d’Internet et de décourager l’utilisation excessive d’Internet pour la surveillance des citoyens, des organisations de la société civile, des personnalités religieuses et d’autres individus ou groupes dissidents – tout en consacrant du temps à la lutte lutter contre les activités en ligne préjudiciables ou criminelles.

Alliance de technologie spatiale

Une nouvelle course spatiale mondiale est en cours. Elle est particulièrement intense dans l’Indo-Pacifique compte tenu d’une concurrence stratégique régionale de plus en plus aiguë. La Grande-Bretagne possède des compétences et des capacités de classe mondiale en matière de technologie spatiale, mais dans ce domaine, elle a toujours été trop dépendante de la coopération européenne qui s’exerce dans le cadre de l’Agence spatiale européenne (ESA).

L’ESA n’est pas un organe de l’UE, mais la plupart de ses grands projets sont financés par l’UE et sont donc hors de portée du Royaume-Uni après le Brexit. L’UE construisant désormais sa propre agence spatiale dans la poursuite d’une « autonomie stratégique » totale – une pierre angulaire de la stratégie de l’UE – il existe un risque croissant à long terme que, sous le contrôle de l’UE, l’ESA devienne progressivement une coquille vide au regard des fonctions essentielles et du transfert d’expertise. La Grande-Bretagne est donc en face d’un avenir spatial très incertain du fait des rendements décroissants de l’ESA, son principal véhicule de développement spatial. S’ouvre donc l’opportunité – et sans doute la nécessité – de rechercher des solutions alternatives.

Une possibilité serait de créer une organisation semblable à l’ESA – une nouvelle « Space Technology Alliance » (STA) dirigée par le Royaume-Uni – les agences spatiales de certains pays de la RIP, notamment le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon et l’Inde (qui, en volume de lancements spatiaux, dans la RIP vient en second après Chine), potentiellement la Corée du Sud. Bien qu’elle soit essentiellement axée sur la RIP, étant donné l’interdépendance mondiale des affaires spatiales, cette initiative devrait également être ouverte à d’autres pays du Commonwealth tels que l’Afrique du Sud, ainsi que, potentiellement, aux États du Golfe comme les Émirats arabes unis.

La STA mettrait en commun les ressources (sur le modèle de l’ESA) et permettrait aux pays membres de poursuivre, conjointement, des projets spatiaux beaucoup plus ambitieux qu’ils ne le pourraient individuellement, à la fois pour des applications scientifiques (y compris l’exploration spatiale) et des applications civiles (par exemple, l’état de l’art de la Terre. Systèmes d’observation pour la surveillance de l’environnement ou la connectivité à large bande), et à travers la défense et la sécurité. La portée de la collaboration spatiale en matière de défense et de sécurité devrait inclure des systèmes mondiaux de navigation par satellite, une infrastructure de surveillance spatiale et une variété d’autres systèmes spatiaux sensibles qui pourraient être partagés entre des nations souveraines de confiance, y compris des solutions dédiées à la protection des actifs en orbite.

Diplomatie

Le principal défi auquel fait face la Grande-Bretagne pour améliorer sa position dans l’Indo-Pacifique est de démontrer sa crédibilité et sa solidité aux partenaires régionaux. Cela signifie qu’il lui faut démontrer à la fois un nouvel engagement envers la région (soutenu par des ressources assurées et des positions claires sur des questions clés) et une compréhension plus approfondie de sa complexité et de ses sensibilités.

Leadership personnel du ministre des Affaires étrangères

Un engagement diplomatique crédible avec les nations de l’Indo-Pacifique doit commencer par des visites ministérielles régulières de haut niveau, en prenant comme modèle le voyage, début 2020, du secrétaire aux Affaires étrangères Dominic Raab en Australie, au Japon, à Singapour et en Malaisie. Le ministre des Affaires étrangères doit mener des visites plus fréquentes dans la RIP, personnellement – au moins une visite annuelle, rencontrant les principaux partenaires ; en plus des visites occasionnelles pour des sommets ou autres réunions spéciales – et par l’intermédiaire d’un nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire pour l’Indo-Pacifique, la « personne-ressource » au sein du gouvernement pour la mise en œuvre de la stratégie dans cette région. Nommé par le Premier ministre, sa mission serait de coordonner les politiques relevant des départements ministériels concernés. Il devrait avoir un programme de voyages nombreux dans la région – en fait, « déployé vers l’avant » il devrait être à même de collaborer étroitement avec des pays partenaires dans leur diversité. Ces efforts, dirigés par le ministère des Affaires étrangères (FCDO), devraient être renforcés par des tournées annuelles du chancelier de l’Échiquier et du secrétaire à la Défense auprès de nos principaux alliés de la RIP.

Mise en œuvre des actions annoncées

La RIP est à bien des égards une « toile vierge » pour la réflexion stratégique du Royaume-Uni à l’ère de la Grande-Bretagne mondiale ; il peut donc y avoir une tendance à trop promettre et s’engager dans des initiatives trop nombreuses ou gourmandes en ressources. Il faut s’en garder, car les partenaires régionaux ausculteront attentivement la capacité du Royaume-Uni à réaliser ses ambitions déclarées. Il existe déjà un scepticisme dans la région concernant la capacité diplomatique du Royaume-Uni – en particulier dans des domaines comme les négociations d’ALE – étant donné ses nombreuses décennies d’adhésion à l’UE. Il est donc essentiel que les propositions britanniques soient réalistes et crédibles du point de vue de leur mise en œuvre. À cette fin, le gouvernement devrait :

  • Attacher une priorité élevée en matière de ressources nécessaires à l’obtention de résultats concrets à court terme dans l’Indo-Pacifique ;
  • Affecter une proportion déterminée des budgets institutionnels pertinents pour les activités en RIP. Par exemple, le FCDO, le British Council, Wilton Park et d’autres organismes gouvernementaux pourraient consacrer 15 % de leurs ressources à l’élaboration de programmes spécifiques axés sur la RIP ;
  • Utiliser le budget de l’aide à l’étranger pour financer de nouveaux programmes britanniques à l’appui de la lutte contre le terrorisme et d’autres formes de formation à la sécurité, ainsi que des initiatives technologiques non militaires telles que des projets de technologie financière et spatiale. Par exemple, le « Programme de partenariat international » sur 5 ans, géré par l’Agence spatiale britannique et financé (plus généreusement que tout autre programme spatial britannique unique) par le budget d’aide au développement outre-mer, cherche à appliquer des solutions spatiales à des défis de développement spécifiques dans les pays en voie de développement. Ce programme pourrait être élargi et réaligné avec les priorités affichées pour la RIP.
  • Publier des plans clairs et dotés de financement défini – une feuille de route – pour accroître la capacité diplomatique du Royaume-Uni dans les années à venir, afin de rassurer les partenaires étrangers sur le fait que la capacité de mise en œuvre de la Grande-Bretagne est fermement remise sur les rails.

Priorités diplomatiques régionales

L’Indo-Pacifique connaît une montée en puissance de nouveaux mécanismes de dialogue multilatéral – l’un récent étant le dialogue trilatéral Australie-Inde-France au niveau des ministres des Affaires étrangères. Compte tenu de ses relations mondiales, le Royaume-Uni est particulièrement bien placé pour contribuer à ces couches émergentes de l’architecture stratégique dans la RIP.

La diplomatie britannique est déjà engagée dans la reconstruction des relations et la création de nouvelles relations dans l’ensemble de la RIP. Mais un certain nombre de « cibles » diplomatiques prioritaires se détachent. La Grande-Bretagne devrait :

  • S’efforcer d’obtenir le statut de partenaire de dialogue, sollicité auprès de l’ASEAN, en vue de rejoindre la Réunion des ministres de la Défense de l’ASEAN Plus (ADMM +) et le Forum régional de l’ASEAN (ARF). 
  • Chercher à participer 
    • au Dialogue quadrilatéral sur la sécurité entre l’Inde, l’Australie, le Japon et les États-Unis, le Quad.
    • au Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) lorsque le moratoire actuel sur les nouvelles adhésions sera levé.

Les relations avec les pays du Commonwealth de la RIP devraient être un élément central de la stratégie britannique, pour des raisons diplomatiques, économiques aussi bien que pratiques. La Grande-Bretagne est dans l’Indo-Pacifique depuis cinq siècles et de nombreuses institutions nationales des États du littoral sont basées sur les modèles britanniques. On estime également que d’ici 2050, six des trente principales économies mondiales appartiendront aux membres du Commonwealth de la RIP. Pour sa part, l’UE en aura cinq. Enfin, le système d’exécution des initiatives internationales de politique et de développement de la Grande-Bretagne dans l’Indo-Pacifique peut être encore renforcé en utilisant les institutions du Commonwealth. Par exemple, l’Association parlementaire du Commonwealth, la Commonwealth Lawyers Association, la Commonwealth Human Rights Initiative ou le Commonwealth Local Government Forum peuvent soutenir certains des projets recommandés dans ce rapport, tels que l’Indo-Pacific Public Integrity Forum et l’Indo-Pacific Good Government Initiative décrite plus loin dans ce document.

Bien qu’ils ne figurent pas sur la liste des priorités du Royaume-Uni, il convient de noter que les petits États d’Océanie gagnent rapidement en importance géostratégique. C’est un domaine où la Grande-Bretagne a déjà une position considérable et peut ajouter une valeur disproportionnée, en particulier dans des pays comme le Vanuatu, Samoa ou Fidji (où la Chine est de plus en plus active). Certains de ces pays insulaires sont confrontés à des dommages environnementaux catastrophiques dus à la montée des eaux et à la destruction des écosystèmes marins. La Grande-Bretagne, en tant que leader mondial de la lutte contre le changement climatique, est bien placée pour apporter son aide grâce à ses ressources d’aide à l’étranger ainsi qu’en promouvant des modèles britanniques de protection de l’environnement tels que la « ceinture bleue », la grande zone marine de conservation autour des îles Pitcairn.

Sur le plan diplomatique, signe de l’implication croissante du Royaume-Uni dans le Pacifique Sud, deux Hautes Commissions britanniques ont été récemment rétablies aux Tonga et aux Samoa. La Grande-Bretagne devrait poursuivre dans cette voie en renforçant son engagement avec le Forum des îles du Pacifique, compte tenu de l’appartenance notable de ce dernier au Commonwealth, qui comprend un certain nombre de nations dont la souveraine britannique, la reine Elizabeth II, est leur chef d’État. L’un des éléments clés de l’engagement du Royaume-Uni dans le Pacifique Sud est la coopération avec l’Australie, compte tenu de son influence, de sa portée et de ses intérêts importants dans la région, ainsi qu’avec la Nouvelle-Zélande. Cette coopération pourrait se concentrer sur de nouveaux partenariats de développement dans le Pacifique Sud, en particulier sur le renforcement des capacités institutionnelles et la résilience au changement climatique.

La Grande-Bretagne devrait chercher à renforcer son partenariat avec la Corée du Sud, y compris dans le domaine militaire par une augmentation symbolique de la contribution du Royaume-Uni au commandement de l’ONU dans ce pays, en tant que signe politique de l’engagement britannique.

Hong Kong

Le Royaume-Uni a l’obligation morale et juridique légitime de soutenir l’autonomie et les libertés de Hong Kong en vertu de la Déclaration conjointe sino-britannique de 1984, un traité international déposé à l’ONU. Il devrait chercher à mobiliser des alliances et des partenariats pour faire face aux effets de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin et au risque qu’elle représente pour la déclaration commune de devenir une déclaration vide. Les mesures plus fortes comprennent :

  • Accélérer l’idée originale du Premier ministre d’offrir la citoyenneté à tous les détenteurs d’un passeport britannique à Hong Kong ;
  • Soutenir les mesures visant à recréer la société civile de Hong Kong au Royaume-Uni, compte tenu de sa destruction à Hong Kong ;
  • Suivre l’exemple américain en sanctionnant les responsables de la RPC impliqués dans la suppression des droits de Hong Kong et de la société civile ;
  • Condamner les dispositions de la loi sur la sécurité nationale qui criminalisent le soutien à Hong Kong par des citoyens de toute nation,
  • Partout dans le monde ; et rallier le soutien international pour rejeter toute demande d’extradition du gouvernement de Hong Kong ;
  • Créer un groupe de contact international qui servira de réseau pour les interventions multilatérales et bilatérales autour des agressions en cours de la Chine à Hong Kong.

Taïwan

La Grande-Bretagne devrait élargir ses relations diplomatiques et sa coopération avec Taiwan. En tant que démocratie florissante avec un système commercial ouvert, Taiwan est un modèle pour les nations indo-pacifiques. Comme l’ancien ministre des Affaires étrangères Jeremy Hunt l’a souligné, une « solution » militaire chinoise à Taiwan bouleverserait l’ordre mondial d’après 1945. 

Le gouvernement devrait :

  • Poursuivre une plus grande coopération pratique avec Taiwan – en particulier sur les problèmes mondiaux comme les pandémies (reconnaissant l’excellente réponse de Taiwan au COVID-19) ;
  • Entretenir des relations régulières au niveau ministériel avec des responsables taïwanais ;
  • Explorer un accord de libre-échange avec Taiwan ;
  • Indiquer le soutien à la participation taïwanaise aux forums multilatéraux conçus pour fournir les meilleures pratiques et les réponses techniques aux problèmes économiques ou de sécurité ;
  • Impliquer Taiwan dans les futures initiatives du Royaume-Uni menées dans la RIP, le cas échéant, en particulier dans des domaines tels que la résilience médicale, Internet, réglementation et cybersécurité ;
  • Explorer la collaboration avec Washington sur des initiatives conjointes entre le Royaume-Uni et les États-Unis avec Taiwan, normalisant ainsi les contacts et la coopération quotidiens.

Diplomatie réglementaire

Le Royaume-Uni devrait encourager l’établissement de nouvelles normes pour les flux de données, la réassurance et les services actuariels, afin de promouvoir de plus grandes opportunités commerciales transfrontalières. Après son récent accord commercial réussi avec le Japon, la Grande-Bretagne est bien placée pour lancer de nouveaux dialogues multilatéraux avec le Japon, la Corée du Sud, le Canada, l’Australie, Singapour et la Nouvelle-Zélande sur l’établissement de normes industrielles – en particulier pour la gestion du trafic numérique transfrontalier, y compris réglementations régissant l’acheminement et le stockage des informations.

La Grande-Bretagne joue déjà un rôle de premier plan dans la tentative de parvenir à un consensus international sur « un ensemble commun de principes mondiaux pour façonner les normes et standards qui guideront le développement des technologies émergentes ».

Compte tenu du rythme des changements technologiques, économiques et géopolitiques (en particulier dans la RIP), le Royaume-Uni devrait adopter la « diplomatie réglementaire », en se concentrant en particulier sur les normes et standards adoptés par les pays de la RIP en ce qui concerne les technologies émergentes.

Le Royaume-Uni a déjà fait des progrès positifs à cet égard. En juin 2020, il a lancé le Partenariat mondial sur l’intelligence artificielle pour superviser le développement « responsable » de l’intelligence artificielle. Les membres des nations indo-pacifiques comprennent l’Australie, le Canada, le Japon, l’Inde, la Nouvelle-Zélande, la République de Corée et Singapour. Le Royaume-Uni devrait développer davantage de telles collaborations, en se concentrant en particulier sur les normes et réglementations internationales en matière de données.

Le Royaume-Uni est bien placé pour diriger un tel effort réglementaire et diplomatique en raison de sa collaboration de recherche approfondie avec les pays de la RIP. Le UK Science and Innovation Network compte plus de 100 bureaux dans 47 pays, notamment en Australie, au Japon, en Inde, en Malaisie, en Nouvelle-Zélande, à Singapour, en Corée du Sud et à Taiwan.

Comme l’a récemment conseillé le Wellcome Trust, le Royaume-Uni devrait examiner si le Regulatory Horizons Council – qui donne des conseils sur la réforme de la réglementation requise pour l’introduction rapide et sûre de nouvelles technologies – devrait avoir une orientation plus internationale, en particulier sur la RIP. Alors que le Royaume-Uni cherche à y étendre sa collaboration en matière de recherche, à la suite des publications du UK Research and Development (R&D) Roadmap (2020), The Smith-Reid Review (2019) and International Research and Innovation Strategy (2019), the FCDO, le Département du commerce international et le Département de la stratégie commerciale, énergétique et industrielle devraient travailler ensemble pour garantir que la coopération en matière de recherche dépende de l’adoption de normes réglementaires communes.

De plus, en 2021, le Royaume-Uni assumera la présidence du G7 et la présidence de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques. Ce sera l’occasion idéale pour lui de pousser à une plus grande convergence sur les réglementations environnementales.

Gouvernance et développement

Le Royaume-Uni devrait utiliser son expérience et ses capacités en matière de financement des infrastructures pour devenir un contributeur majeur au réseau « Blue Dot » dirigé par les États-Unis. Cette alternative à l’initiative chinoise Belt and Road est conçue pour offrir des programmes d’aide transparents pour le développement des infrastructures et d’autres services publics. . En outre, le Royaume-Uni devrait s’associer à des partenaires tels que le Japon et Singapour pour identifier d’autres besoins en matière d’aide au développement stratégique à travers les pays de la RIP qui ne sont pas couverts par le réseau Blue Dot.

Forum sur l’intégrité publique indo-pacifique

Indépendamment des circonstances, la Grande-Bretagne restera un défenseur mondial des valeurs démocratiques libérales, mais dans le processus d’élaboration d’une stratégie pour une région complexe comme l’Indo-Pacifique, le gouvernement britannique devrait tenir compte en particulier de la vieille tradition britannique de « l’égoïsme éthique » identifié par Henry Kissinger. Cette approche des affaires mondiales évite de proclamer des absolus moraux tout en reconnaissant, de manière pragmatique, les avantages stratégiques qui découlent du fait d’être reconnu comme un champion de la liberté pour toutes les nations.

C’est dans ce sens, et à travers une lentille réaliste, que le gouvernement britannique devrait concevoir une approche calibrée des questions liées aux valeurs dans la RIP, qui garantisse l’adhésion à la fois des élites gouvernantes et du public plus large qu’elles représentent à travers le gamme très diversifiée d’États-nations partenaires de la région. Ces objectifs doivent être poursuivis d’une manière collaborative qui enracine la politique dans les aspirations légitimes et les valeurs morales des populations locales.

Une proposition spécifique ici – à développer conformément aux principes énoncés ci-dessus – est que le Royaume-Uni se fasse le champion d’un nouveau « Forum indo-pacifique sur l’intégrité publique » (IPPIF), qui serait la première initiative multilatérale de ce type consacrée à la promotion et au renforcement de la responsabilité. et les libertés civiles dans la RIP. Le Forum s’en tiendra également aux principes clairs, concis et rigoureusement définis énoncés dans les trente articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’IPPIF doit devenir le rassemblement phare des acteurs démocratiques et de la société civile de la RIP. Il devrait viser à promouvoir les meilleures pratiques en matière de sécurité électorale, de transparence gouvernementale, de pluralisme politique – et il pourrait fournir un instrument pour tirer parti des liens du Commonwealth entre les pays indo-pacifiques pour coopérer sur un programme de droits de l’homme largement défini dans la région. La promotion des institutions qui garantissent le fonctionnement de l’état de droit, de la démocratie et des droits de l’homme devrait être l’un des domaines clés dans lesquels le Commonwealth peut faire une différence particulière, le Royaume-Uni jouant un rôle particulier à cet égard en tant que foyer du modèle parlementaire « Westminster ».

Conférence sur les « sociétés fortes »

La RIP bénéficie de fortes traditions locales de pluralisme religieux, de tolérance et de respect de la dignité humaine. Deux des trois pays les plus peuplés cette région – la Chine, l’Inde et l’Indonésie – sont des démocraties. Par conséquent, les programmes politiques qui ne reflètent pas les intérêts, les valeurs et les croyances des électeurs seront rejetés par les urnes et ne pourront pas obtenir un soutien à l’échelle de la région.

Construire des coalitions géostratégiques stables et durables dans le cadre de la RIP exigera, à long terme, de travailler à des degrés plus élevés de consensus sociétal au sein et entre les nations qui la composent concernant des valeurs partagées qui bénéficient d’un soutien de masse et sont, par conséquent, suffisamment solides pour résister aux cycles électoraux et survivre aux vicissitudes de la politique intérieure.

Pour faciliter l’émergence d’un consensus sociétal, le Royaume-Uni devrait aider à établir une Conférence sur les sociétés fortes : un mécanisme de dialogue qui impliquerait des organisations de masse de base à travers les pays de la RIP dans un processus visant à déterminer le « plus grand dénominateur commun » concernant les valeurs partagées sur lequel accord régional peut être trouvé. Ceci, à son tour, mobilisera le soutien du public pour un ordre durable fondé sur des règles dans l’Indo-Pacifique, résilient et adaptable aux réalités des grandes puissances du 21e siècle.

En consultant largement les organisations de masse profondément enracinées et en aidant à l’émergence d’un consensus régional qui représente véritablement les croyances, les intérêts et les valeurs des divers peuples de la propriété intellectuelle, la Grande-Bretagne peut en venir à être perçue comme un partenaire régional bienvenu, légitime et vital.

Initiative de bonne gouvernance dans l’Indo-Pacifique

La RIP est confrontée à un formidable éventail de problèmes liés à la bonne gouvernance. En tant que chef de file dans la protection de l’état de droit et la mise en place de systèmes réglementaires de classe mondiale, le Royaume-Uni peut fournir une assistance spécialisée sur une grande variété de questions socio-économiques, de gouvernance et de développement largement définies.

Les ressources du Fonds intergouvernemental pour les conflits, la stabilité et la sécurité du FCDO peuvent être utilisées comme un financement de démarrage pour lancer une initiative de « bonne gouvernance indo-pacifique » (IPGG) axée en particulier sur l’Asie du Sud et du Sud-Est et les îles du Pacifique. Ce projet devrait être développé en coopération et en consultation avec d’autres alliés clés, principalement les États-Unis. Les domaines prioritaires de l’IPGG devraient inclure la formation à la lutte contre la corruption, la formation de la police, la réforme judiciaire et l’aide au renforcement des systèmes d’enseignement primaire et secondaire.

La Grande-Bretagne a plus d’un créneau d’excellence, tels que la sécurité routière ou la gouvernance électronique, qui peuvent avoir un impact disproportionné dans la région. La Covid-19 conduit également à une transformation numérique rapide du National Health Service, NHS, ce qui laisse entrevoir la perspective que la « e-santé » devienne potentiellement au Royaume-Uni un outil d’exportation et de développement. Par exemple, à l’avenir, les pays de la RIP pourraient participer ou s’associer aux initiatives britanniques en matière de santé numérique.

Enfin, le British Council a la capacité de devenir l’une des initiatives britanniques les plus réussies dans la RIP en élargissant ses programmes sur l’anglais et les arts. Cette initiative pourrait être complétée par le Commonwealth of Learning et l’Association of Commonwealth Universities (ACU). L’ACU peut également être un vecteur de coopération entre le Royaume-Uni et les universités de la RIP.

Changement climatique et protection de l’environnement

Le Royaume-Uni est un chef de file mondial en matière de politique environnementale. Cela vient d’une combinaison de puissance économique, de cadres institutionnels solides et d’accès à la technologie et à l’expertise connexe. Il devrait soutenir le développement de capacités similaires dans toute la RIP à travers des partenariats de projets, le commerce et l’aide directe.

Le changement climatique et la perte d’écosystèmes fonctionnels menacent de perturber les systèmes économiques agricoles et marins, la dégradation des systèmes hydrauliques, les inondations à grande échelle et permanentes et les catastrophes naturelles. Ces derniers créent à leur tour des migrations massives, des actifs bloqués, des coûts accrus pour les gouvernements et de nombreux autres impacts. Le profil économique et géographique de nombreux pays de l’Indo-Pacifique les rend particulièrement vulnérables à de tels changements. Par exemple, de grandes parties de l’Asie du Sud-Est sont confrontées à de graves inondations. Certaines nations insulaires de basse altitude, comme Tuvalu, font face à une menace existentielle.

Ces développements prenant déjà effet dans certaines parties de la région, l’action environnementale peut être un domaine clé de collaboration avec le Royaume-Uni. Il représente également une opportunité de développement économique dans la région. La Grande-Bretagne peut aider à construire des infrastructures plus propres et plus avancées pour l’énergie, les transports et l’industrie indo-pacifiques. La Chine utilise rapidement son initiative Belt and Road pour développer de tels actifs (mais pas toujours en mettant l’accent sur le « propre »), qui dépendent financièrement et technologiquement des institutions chinoises, étendant ainsi les valeurs et l’influence chinoises. La politique environnementale comporte donc un élément géostratégique supplémentaire. L’objectif environnemental du Royaume-Uni dans la région devrait être de créer une version propre (clean) de cette initiative chinoise, en collaboration avec des partenaires régionaux. Un tel projet pourrait être soutenu par des fonds verts bilatéraux ou multilatéraux, dont le premier pourrait être créé par exemple avec une participation conjointe britannique et indienne, avec des investissements verts gérés depuis Londres et New Dehli.

Le Royaume-Uni devrait considérer son travail environnemental dans l’Indo-Pacifique en trois catégories :

  • Lutter contre le changement climatique : travailler aux côtés des États indo-pacifiques pour soutenir les voies vers un carbone propre.
  • Inverser le déclin écologique : développer des systèmes de gestion et des régimes de protection durables des terres et des mers.
  • Renforcer la résilience climatique : aider la région, en particulier ses États les plus pauvres, à renforcer les capacités de protection contre les impacts futurs du changement climatique, qu’il s’agisse d’inondations, de conditions météorologiques extrêmes ou de maladies.

Lutter contre le changement climatique

Tout comme le Royaume-Uni a commercialisé le Met Office et Behavioral Insights Team, leader mondial, il devrait créer une division commerciale internationale du Comité britannique sur le changement climatique, CCC.

Cela permettrait de conseiller et de soutenir les pays dont les capacités institutionnelles sont moins développées mais qui souhaitent établir leurs propres systèmes de « budgets carbone » sur des recommandations politiques pour respecter ces budgets. Le Royaume-Uni devrait également soutenir et partager les meilleures pratiques environnementales en matière de développement et d’utilisation traditionnels de l’énergie. De même, l’expertise de l’Ofgem (régulateur national de l’énergie britannique) dans les marchés libéralisés et avancés de l’énergie pourrait être mise à profit pour soutenir les transitions énergétiques dans toute la région grâce à des partenariats, au commerce de technologies propres et à des programmes de partage des connaissances. Ces travaux devraient viser à moderniser, connecter et libéraliser les marchés de l’énergie pour attirer les investissements privés dans leurs actifs d’énergie verte.

La Grande-Bretagne a dominé le monde dans l’exploration et la production de pétrole et de gaz. L’industrie pétrolière et gazière britannique a exporté cette expertise, puis s’est appuyée sur elle avec des services de démantèlement. Aujourd’hui, la Grande-Bretagne dirige le développement du captage et du stockage du carbone, de l’éolien offshore, des interconnexions et de la production d’hydrogène. Ces services devraient être promus par le secrétaire d’État aux Affaires, à l’Énergie et à la Stratégie industrielle à travers une tournée biannuelle des États indo-pacifiques, aux côtés des chefs d’entreprise britanniques concernés.

Le Royaume-Uni a régulièrement construit des bureaux diplomatiques régionaux dans toute la RIP au cours de ces dernières années. Leurs responsables devraient pouvoir contacter facilement les experts et les entreprises des industries à faible émission de carbone. Pour soutenir cela, le FCDO devrait organiser un catalogue à jour des entreprises britanniques de technologies propres (par exemple, les développeurs d’énergies renouvelables ou le financement de projets verts) qui peuvent fournir de l’énergie propre et d’autres services dans la RIP, qui devraient être utilisés chaque fois que l’aide britannique à l’étranger concerne les questions environnementales. Les entreprises figurant sur cette liste devraient également recevoir en procédure accélérée une autorisation pour accéder à UK Export Finance.

Empêcher la perte d’écosystème

La pandémie a créé les conditions politiques pour lutter contre les comportements écologiquement perturbateurs. Avec une population importante située dans les régions tropicales, une incidence élevée de commerce d’espèces sauvages et de multiples économies passant de l’agriculture « de basse-cour » à l’agriculture commerciale, les pays de la RIP sont particulièrement soumis à des risque d’épidémies de zoonoses. Le Royaume-Uni devrait travailler avec les pays de l’Indo-Pacifique pour renforcer les capacités locales de surveillance, de recherche et d’inspection afin de prévenir les comportements à haut risque et perturbateurs sur le plan écologique, par exemple, la formation des vétérinaires. Le Royaume-Uni est un leader mondial de l’aide à l’étranger et de la recherche agricole et devrait mettre ces spécialités à profit pour prévenir une nouvelle pandémie.

Comme indiqué dans la section sur le commerce et la technologie de ce rapport, le Royaume-Uni devrait diriger une alliance internationale pour développer les technologies spatiales. Cela devrait inclure des capacités d’observation de la Terre qui soutiennent activement les nations dans la surveillance, la protection et l’investissement dans leur environnement naturel. Un bon exemple est la Spatial Finance Initiative du Royaume-Uni, qui aide les investisseurs à faire preuve de diligence raisonnable sur les éléments distants. Les capacités d’observation de la Terre devraient être utilisées sur terre et en mer pour surveiller l’exploitation illégale des ressources naturelles, telles que les super-chalutiers.

La RIP est le destinataire de la plupart des déchets exportés dans le monde. Souvent, les déchets de qualité inférieure qui sont ostensiblement recyclables sont déversés dans des pays qui n’ont pas la capacité de les traiter correctement. Le Royaume-Uni devrait travailler avec les pays concernés pour créer un traité multilatéral de gestion et de contrôle des déchets, dans lequel les pays importateurs et exportateurs de déchets respecteraient un mécanisme d’arbitrage commun. Cela permettrait au Royaume-Uni de demander des comptes à ses propres exportateurs de déchets si des pays destinataires, comme l’Indonésie, soulèvent des préoccupations spécifiques concernant la qualité des déchets. Cela appuierait également la surveillance pour garantir l’élimination durable des déchets. En fait, cela découragerait le déversement de déchets non traitables. Cela est conforme au principe britannique du « pollueur-payeur » et à ses travaux sur la responsabilité élargie des producteurs.

Résilience et adaptation

Le travail d’aide internationale de premier plan du Royaume-Uni comprend la gestion des problèmes liés au changement climatique. Un élément majeur de cette situation est la promotion de solutions fondées sur la nature, telles que les prairies inondables et le boisement des hautes terres pour éviter les crues soudaines en aval. Cependant, ce sont des solutions typiques utilisées dans les milieux tempérés. Le Royaume-Uni devrait travailler avec des partenaires indo-pacifiques pour soutenir un réseau de centres de recherche afin de développer la compréhension des solutions de gestion du paysage fondées sur la nature dans les climats tropicaux.

En utilisant ses atouts technologiques et ses flux de financement, le Royaume-Uni devrait mettre davantage l’accent sur les secours en cas de catastrophe dans les régions confrontées à des pressions croissantes liées au climat. Il devrait continuer à renforcer les capacités locales et régionales, telles que l’équipement local et la formation, ce qui pourrait contribuer à établir des centres permanents d’aide humanitaire et de secours en cas de catastrophe dans la région.

Défense et sécurité

En tant que membre du Conseil de sécurité des Nations Unies, le Royaume-Uni a la responsabilité particulière de contribuer au maintien de la stabilité mondiale. S’engager à renforcer la présence de sécurité est la clé de la crédibilité du Royaume-Uni dans la région et sera un facteur important pour faire basculer les pays de la RIP vers l’ouverture et la sécurité. La Grande-Bretagne maintient l’une des armées les plus capables du monde, avec la capacité d’agir à l’échelle mondiale sur tout le spectre des conflits. Pourtant, les forces armées britanniques n’ont conservé qu’une très faible empreinte militaire et un faible niveau d’activité dans la RIP entre les années 1970 jusqu’à un survol de la mer de Chine méridionale par des Typhoons de la RAF en 2016, suivi d’une avalanche de visites de la Royal Navy en 2018 en Mer de Chine méridionale, ce qui souligne la capacité et la volonté de la Grande-Bretagne de prendre des risques dans le respect du droit international et de l’ordre régional. 

Présence continue

Le gouvernement britannique devrait étendre le déploiement des moyens de la Royal Navy, des aéronefs de la RAF et du personnel de l’armée (y compris les forces spéciales)/Royal Marines pour assurer une présence militaire britannique ininterrompue toute l’année dans la RIP (à la fois pour des missions opérationnelles et de formation). Il est important de signaler cet engagement de la Grande-Bretagne en tant que première étape dans la restauration de la crédibilité du Royaume-Uni après de nombreuses décennies de désengagement militaire effectif de la région.

La coopération en matière de défense entre le Royaume-Uni et les États-Unis dans la région mérite une attention particulière compte tenu de la relation spéciale plus large entre les deux pays, y compris au sein de l’OTAN. Malgré les 375 000 membres du Commandement Indo-Pacifique de l’armée des États-Unis et des dizaines d’ambassades et de consulats américains répartis dans la région, la taille même de l’Indo-Pacifique signifie que les forces militaires et les missions diplomatiques alliées doivent s’étendre autant que possible. Même avec un rééquilibrage de la politique étrangère et de sécurité des États-Unis à l’égard de l’Indo-Pacifique, les États-Unis ont du mal à maintenir une présence cohérente dans certaines régions comme l’océan Indien ou le Pacifique Sud.

La Grande-Bretagne devrait donc considérablement étendre ses contributions militaires et sécuritaires, en particulier dans les parties méridionales de la RIP – à savoir, la région géographique couvrant à peu près les zones orientales de l’océan Indien à travers l’Océanie, s’étendant ainsi à travers des parties de l’Asie du Sud-Est en passant par l’Australasie, jusqu’au Pacifique îles de Polynésie. Dans le même temps, dans la mesure du possible, les forces britanniques devraient coopérer avec leurs homologues américains dans les mers de Chine méridionale et orientale, et en particulier dans le cadre d’activités trilatérales avec le Japon et l’Australie.

Même des contributions relativement modestes de l’armée britannique pourraient faire une différence importante. La simple présence peut avoir un effet démesuré en allégeant une partie du fardeau des pays de la RIP et des États-Unis et, d’autre part, en contribuant matériellement à la création d’un environnement dans lequel les normes mondiales de liberté maritime et de survol sont renforcées.

Pays du Commonwealth (bleu) / Présence militaire américaine (vert)

Mutualisation des bases

Pour permettre une meilleure posture dans la RIP, la stratégie du Royaume-Uni devrait viser des accords d’accès réciproque et de soutien de base avec des partenaires clés du Japon à l’Inde. Une telle approche « lieux, pas bases » répondrait aux exigences du MOD pour maintenir une présence continue dans l’ensemble de l’EPI et renforcerait une coopération significative pour maintenir la stabilité régionale.

En outre, la multiplication des accords navals interservices croisés (cross-servicing agreements) entre les forces armées britanniques, les États-Unis et le Japon peut accroître la viabilité des déploiements et des visites de la Force régulière dans la RIP. Le Royaume-Uni devrait envisager des accords similaires avec l’Australie et Singapour, en s’appuyant sur les installations logistiques de l’unité de soutien Sembawang-British Defence Singapore.

Enfin, le gouvernement britannique devrait et explorer l’idée d’un pré-positionnement du matériel de soutien logistique dans la région en s’inspirant de l’accord américano-australien concernant l’utilisation des installations à Darwin.

Grâce à une présence plus régulière dans la région, les forces armées britanniques seront en mesure de s’entraîner et de s’entraîner avec leurs homologues et de faire partie d’un réseau de prestataires de sécurité publique dans les communes régionales des mers de Chine orientale et méridionale, de l’océan Indien et Pacifique Ouest.

Accords de sécurité du Royaume-Uni 

dans la région indo-pacifique

Partenaires Date
Five Powers Defence Arrangements, FDPA

Australie, N. Zélande,

Singapour, Malaisie

1971
Fives Eyes

Australie, N. Zélande,

Canada, États-Unis

1941
Defence Logistics Treaty Japon 2017
Defence and Security CooperationTreaty Australie 2013
Arrangements for a United Kingdom Force in Negara Brunei Darussalam Brunei 2015
Defence Cooperation Memorandum of Understanding (DCMOU) Singapour 2018
Defence Equipment Memorandum Inde 2019
Protection of Classified Military Agreement Corée du Sud 2009
Memorandum of Understanding on Defence Cooperation Philippines 2017
United Kingdom-Thailand Strategic Dialogue Thailand 2012
Memorandum of Understanding on Defence-related Coopération Vietnam 2017

La base d’opérations conjointes [anglo-américaine] permanente de Diego Garcia, dans le territoire britannique de l’océan Indien (British Indian Ocean Territory, BIOT), est un endroit idéal pour constituer des unités de la Royal Navy et de la Royal Air Force dans la région. Utilisé principalement par les unités de l’US Navy et de l’US Air Force, Diego Garcia peut permettre au Royaume-Uni de mener des opérations de sécurité dans la RIP avec des forces américaines opérant, soit depuis cette île, soit depuis d’autres bases américaines de la région. Le gouvernement devrait prendre les mesures nécessaires pour assurer une présence britannique à long terme sur Diego Garcia et éviter la perspective de tout désaccord entre le Royaume-Uni et les États-Unis sur l’avenir de l’île, afin que les opérations puissent se poursuivre sans interruption.

L’emplacement de Diego Garcia, à cheval sur les routes maritimes critiques de l’océan Indien, le relie naturellement à la Réunion française située à l’est de Madagascar et aux îles australiennes Christmas et Cocos, dans l’est de l’océan Indien. Le Royaume-Uni devrait chercher à créer une communauté d’intérêts maritimes avec la France, l’Inde et l’Australie – et potentiellement le Japon, qui est de plus en plus actif dans l’océan Indien – attachée à la liberté de navigation, à la lutte contre la piraterie et à d’autres types de coopération en matière de sécurité.

Capacités

En dehors de déploiements majeurs tels que la tournée prévue du nouveau porte-avions HMS Queen Elizabeth dans la RIP, la contribution de la défense britannique sera limitée – mais elle peut encore ajouter une valeur significative, notamment en affectant les calculs de dissuasion des principaux adversaires potentiels des pays de la RIP. Les capacités britanniques déployables qui peuvent avoir un tel impact – et qui sont également des domaines d’excellence pour l’armée britannique – comprennent :

  1. Le système « renseignement, surveillance et reconnaissance », ISR ;
  2. Les parties constitutives de l’IADS (Integrated Air Defence Systems) et du BMD (Ballistic Missile Defense) ;
  3. La guerre navale de surface et sous-marine, y compris l’ASW (Anti-Submarine Warfare)

Commander

Le ministère de la Défense, MOD, devrait créer une Direction générale Indo-Pacifique « 3 étoiles », dirigée par des civils et logée dans son bâtiment principal pour apporter une cohérence totale aux activités et à la politique de défense (y compris l’engagement de défense) et de sécurité du Royaume-Uni dans toute la région et en tant que déclaration d’intention. Cette Direction générale serait également le principal point de contact avec le secrétaire adjoint du département américain de la Défense pour les affaires de sécurité pour l’Asie et le Pacifique, ainsi qu’avec le commandement indo-pacifique des États-Unis ; pour ce dernier, un officier général britannique 2 étoiles devrait être affecté en permanence au Camp H.M. Smith à Hawaï. Cette nouvelle Direction générale offrirait également un canal de liaison plus rationalisé avec le commandement régional des forces françaises et pourrait potentiellement stimuler une nouvelle coopération avec celles-ci.

Un atout particulier du Royaume-Uni, dans un sens strictement militaire (plutôt que politique), est sa capacité à fournir une organisation ou une plate-forme de défense alternative de classe mondiale pour des activités multinationales spécifiques, comme la formation. Cet ensemble de compétences et de capacités opérationnelles – pour soutenir les quartiers généraux déployés, par exemple – peut être une option attrayante pour les petits pays qui, pour diverses raisons, recherchent une expérience opérationnelle de haut niveau avec un partenaire de taille similaire plutôt qu’avec une superpuissance d’envergure mondiale. Cette force britannique peut être mise à profit davantage dans le contexte des cadres politiques existants pour la coopération en matière de défense, tels que les accords de défense des cinq pouvoirs (FPDA). La relation entre le Royaume-Uni et Brunei en est un exemple concret dans la RIP, qui pourrait peut-être être reproduit ailleurs. L’OTAN a utilisé un concept similaire de « nation-cadre » pendant un certain nombre d’années pour engager la coopération en matière de défense et de pratiques telles que la « mise en commun et le partage » des moyens militaires. Le gouvernement devrait tenir compte de cette expérience dans sa planification à long terme de la position militaire britannique dans le domaine des DPI, notamment en raison de l’intérêt croissant de l’OTAN pour les questions relatives à la RIP.

Arrangements de défense entre cinq pouvoirs (Five Powers Defence Arrangements, FDPA) 

Le Royaume-Uni devrait chercher à tirer parti de son solide profil multilatéral et à renforcer sa participation dans les accords de défense avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie et Singapour. Alors que le FPDA approche de son 50e anniversaire, le Royaume-Uni devrait chercher à élargir les réunions au niveau de travail afin de développer une meilleure compréhension réciproque du paysage de la sécurité dans la RIP, afin d’approfondir les relations FPDA. Il devrait également explorer de nouveaux domaines de coopération dans le domaine du partage d’informations et du renforcement des capacités maritimes, ainsi que des marchés publics de défense. Plus important encore, le Royaume-Uni devrait consacrer plus de ressources à un programme élargi d’exercices de formation FPDA, au-delà de l’exercice annuel Bersama Lima. Le MOD devrait également explorer avec les partenaires FPDA la possibilité d’inviter d’autres pays à ces exercices, comme le Japon, l’Inde, et les États-Unis.

Initiative de sécurité indo-pacifique

La Grande-Bretagne devrait proposer une « Initiative de sécurité indo-pacifique » (IPSI) axée sur le renforcement des capacités des pays de la RIP chargés de la sensibilisation au domaine maritime, de la formation civilo-militaire et de la formation conjointe. L’autre composante de l’IPSI devrait se concentrer sur le renforcement des capacités destinées à contrer les menaces d’acteurs non étatiques – par exemple la piraterie, le terrorisme, le trafic d’êtres humains, le trafic de drogue et la pêche illégale. Les partenaires idéaux pour les aspects du domaine conventionnel de l’IPSI comprendraient le Japon, l’Australie, le Canada, l’Inde et la Corée du Sud, ainsi que Taiwan ; plus les pays d’Asie du Sud-Est – en particulier les alliés du FPDA – en ce qui concerne les menaces non étatiques. Les forces spéciales britanniques peuvent jouer un rôle important dans la formation de leurs homologues régionales – en coopération avec leurs homologues américains – et l’augmentation de l’interopérabilité au fil du temps, tandis que l’école de formation à la guerre dans la jungle de l’armée britannique au Brunei pourrait être utilisée comme modèle de départ pour développer des activités plus non traditionnelles de formation à la sécurité, telle que la lutte contre le terrorisme, conjointement avec les pays de l’ASEAN et/ou l’Inde. En outre, sous réserve d’un accord politique avec le pays hôte, le bataillon Gurkha des forces britanniques de Brunei pourrait être envisagé pour des déploiements plus larges dans toute la région afin de pratiquer des exercices et d’opérer avec les forces partenaires, fournissant au Royaume-Uni une présence de sécurité plus visible.

Le MOD devrait utiliser l’expertise britannique de la Defense Academy et du Royal College of Defence Studies pour s’associer avec des instituts militaires régionaux pour former des chefs de file et des sous-officiers supérieurs, codiriger des ateliers et des programmes régionaux.

Enfin, l’expertise britannique en matière de protection des infrastructures nationales critiques (critical national infrastructure, CNI) – y compris la technologie et les meilleures pratiques pour sécuriser les câbles sous-marins ou les systèmes dépendant de l’espace – pourrait également être déployée dans la RIP en tant que contribution de niche mais précieuse, en particulier dans des endroits stratégiques clés tels que Sri Lanka ou la Malaisie.

Enfin, en collaboration avec les partenaires de Five Eyes, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada, le Royaume-Uni peut aider les pays de la région à développer de meilleures capacités de collecte d’informations et à explorer des initiatives pour partager des informations liées à la sécurité liées aux menaces transnationales, à la stabilité maritime, à la lutte contre le terrorisme, etc.

Partenariat de cybersécurité

Grâce à son expertise en cybersécurité, la Grande-Bretagne est idéalement placée pour soutenir un nouveau « Partenariat indo-pacifique pour la cybersécurité » pour développer et instituer les meilleures pratiques en matière de cybersécurité, ainsi que pour fournir un centre de formation à la cybersécurité ou un programme de renforcement des capacités pour les armées régionales. La National Cyber Force du MOD ainsi que le National Cyber Security Center pourraient soutenir cet effort en partenariat avec l’industrie britannique. L’Australie, le Japon et la Corée du Sud devraient être les principaux partenaires de cette entreprise qui contribuera à développer davantage leurs propres cyberdéfenses.

Conclusion

Étant donné qu’il envisage ses intérêts mondiaux après le Brexit, le Royaume-Uni pourrait et devrait jouer un rôle beaucoup plus important dans la région indo-pacifique. Plus précisément, il devrait viser à favoriser une communauté de nations libres et indépendantes engagées à maintenir la paix, la stabilité, la prospérité et l’accès dans la région. En offrant une vision d’un avenir stratégique commun construit autour de principes partagés et axé sur des défis communs, qu’ils soient nationaux ou transfrontaliers, la Grande-Bretagne peut contribuer aux relations existantes en matière de défense, de commerce et de politique et inspirer de nouvelles approches. Un tel rôle élargi pour le Royaume-Uni représente une tâche difficile mais réaliste, tant du point de vue de l’exécution que du point de vue des ressources. Les relations existantes du Royaume-Uni devraient être utilisées pour lancer un ensemble ciblé de politiques qui positionnent la Grande-Bretagne comme un acteur engagé, attaché à la stabilité et à la prospérité de la région.

Un engagement crédible envers la région repose sur un ensemble clair de propositions de politiques prioritaires. Le Royaume-Uni conserve des compétences mondiales en matière de développement économique, de technologies numériques et financières, d’une armée déployable à l’échelle mondiale, de mécanismes diplomatiques étendus et de pratiques de gouvernance de premier ordre. Une nouvelle stratégie britannique devrait être structurée autour de ces domaines, en proposant un nombre limité, mais à fort impact, d’initiatives politiques.

L’approche à deux volets qui structure l’engagement de la Grande-Bretagne envers les pays de la RIP comprend un « programme de prospérité » et un «programme de sécurité». Celles-ci se traduisent par des politiques spécifiques dans cinq domaines : 

  • l’expansion du commerce, 
  • le partage des technologies, 
  • la coopération en matière de sécurité, 
  • l’engagement diplomatique,
  • la promotion de la bonne gouvernance et du développement. 

En travaillant avec des partenaires partageant les mêmes idées, le Royaume-Uni peut proposer un ensemble concret et réalisable d’initiatives fondées sur des normes partagées et des règles acceptées. Sur les questions de sécurité, tout en s’associant aux États-Unis et à des pays clés comme le Japon, l’Inde et l’Australie, le Royaume-Uni devrait concentrer ses efforts en particulier sur les régions méridionales de l’Indo-Pacifique, allant de l’océan Indien au Pacifique Sud. Une telle orientation complétera les activités américaines en Asie du Nord-Est et dans l’océan Pacifique occidental, ainsi que les efforts japonais en Asie orientale. Une « Charte indo-pacifique », inspirée de la Charte atlantique de 1941, peut fournir un ensemble de principes directeurs éclairant l’approche de la Grande-Bretagne mais aussi – à terme, sous réserve de l’adhésion des parties prenantes régionales – pour conduire à des relations régionales stables et prospères.

Ces recommandations exigeront des investissements importants de la part du gouvernement. La Grande-Bretagne devrait chercher à approfondir et à renforcer ses relations avec ses partenaires existants dans l’Indo-Pacifique et à créer de nouveaux partenariats de travail avec d’autres pays de la RIP. Dans le même temps, il devrait privilégier une collaboration plus étroite avec les États-Unis dans l’Indo-Pacifique.

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ANNEXE

Liste des Commissaires de la Commission Indo-Pacifique

  • Canada : Rt Hon Stephen J Harper (22e Premier ministre) – Président
  • Corée du Sud : Lt Gen (er) In-Bum Chun (ancien commandant, ROK Special Warfare Command forces spéciales ou « Bérets noirs »)
  • Australie : Alexander Downer AC (AC – Compagnon de l’Ordre d’Australie – ancien ministre des Affaires étrangères, ancien Haut-Commissaire d’Australie au Royaume-Uni et président du Conseil d’administration de Policy Exchange,)
  • Nouvelle Zélande : Murray McCully (ancien ministre des Affaires étrangères)
  • Singapour : C. Raja Mohan (Directeur, Institute of Asian Studies, National University of Singapore)
  • Inde : Samir Saran (Président, Observer Research Foundation, important think tank indépendant)
  • Indonésie : Yahya Cholil Staquf (Secrétaire général du Supreme Council of the Nahdlatul Ulama, la plus importante organisation musulmane du monde, 40 millions de membres, islam sunnite traditionaliste)
  • Japon : Koji Tsuruoka (ancien ambassadeur du Japon au Royaume-Uni ; négociateur en chef du Japon pour le Trans-Pacific Partnership)
  • Sri Lanka : Hon Ranil Wickremesinghe (ancien Premier ministre)
  • États-Unis : 
    • Michael R Auslin (écrivain, analyste politique, historien et spécialiste de l’Asie, Contemporary Asia Dpt at the Hoover Institution, Stanford University)
    • Nadia Schadlow (ancienne conseillère-adjointe au National Security Council, 2017-2018)
  • Royaume-Uni  
    • Claire Coutinho MP (Membre du Parlement pour l’East Surrey)
    • Baronne Falkner de Margravine (Pairesse non-inscrite – précédemment LibDem – ancienne membre du Lords National Security Strategy Committee)
    • Rt Hon Sir Michael Fallon KCB (ancien Defence Secretary)
    • Robert Hannigan CMG (ancien Directeur du Government Communications Headquarters, GCHQ)
    • Rt Hon Lord [Jo] Johnson de Marylebone (ancien Secrétaire d’État pour les Universités, la Science, la Recherche et l’Innovation)
    • Rt Hon Lord Robertson de Port Ellen, KT GCMG (ancien Defence Secretary et ancien Secrétaire général de l’OTAN)
    • Most Hon Marquis de Salisbury, KG KCVO (ancien Lord du Sceau privé et Leader de la Chambre des lords)

Nb. Rt : Right Hon (Très Honorable)

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