L’exploration des grands fonds océaniques

L’exploration des grands fonds océaniques, l’océan Indien

Rémi Perelman, Asie21, février 2014

Les mers et océans aux profondeurs moyennes de 4 000 mètres (maximale : 11 000 m.) couvrent plus des deux-tiers du globe (70 %). Leur ensemble constitue le plus grand habitat de la planète, bien plus important que les forêts tropicales. La difficulté d’y accéder explique que les ressources, vivantes ou minérales, qui s’y trouvent en profondeur sont très peu connues. Par exemple, environ 5 % seulement des 60 000 km de dorsales océaniques (le long desquelles se situent les dépôts de sulfures polymétalliques) qui existent dans le monde, ont fait l’objet d’observations et de recherches tant soit peu détaillées. Ce qui suit s’attache principalement aux ressources métallifères, mais il est nécessaire de faire mention pour mémoire du volet énergétique de la ressource sous-marine : les hydrates de gaz, composés à 99 % de méthane. D’importantes réserves de ces hydrates se sont constituées au cours des temps géologiques, sous les couches de sel des marges océaniques (zones de transition entre terre et mer).

Un engouement très fort s’est développé depuis trois décennies pour la recherche et l’exploration des fonds océaniques en Chine, Corée, Russie, Japon, Inde, Canada, Brésil… et en France. Les principaux pays océanographiques ont ainsi déployé, à divers niveaux de perfectionnement, des système complexes d’exploration à haute résolution comprenant navires de surface dotés de capacités multifaisceaux, altimétrie satellitaire, observatoires sous-marins permanents, engins remorqués près du fond et engins profonds autonomes habités ou non, engins d’intervention et robots intelligents téléguidés.  Par ailleurs, après la pose des grands câbles téléphoniques, coaxiaux, puis à fibres de verre, les campagnes de recherche et d’investigation des épaves ou l’extension du réseau mondial d’observatoires sismiques aux grands fonds océaniques le long des frontières de plaques stimulaient la mise au point d’instruments et de procédés convergents. Dans ce contexte, les exigences technologiques de l’exploration et de l’exploitation restent immenses et les investissements correspondants, gigantesques. Toutefois, il faut noter que l’exploitation des gisements marins bénéficiera d’un avantage : la facilité à déplacer des installations spécifiques sur un navire, posant moins de difficultés que les installations minières terrestres, dont le déplacement est difficile et coûteux.

En revanche, un obstacle de taille à l’exploitation commerciale des grands fonds océaniques (et notamment des nodules polymétalliques) reste notre ignorance de leur impact sur les écosystèmes concernés. Les connaissances sur la plupart des espèces et leur environnement en eau profonde sont encore balbutiantes, ce qui rend presque impossible l’évaluation environnementale. Face aux risques de conflits pour l’exploitation de ces fonds, l’ONU a déclaré les fonds marins patrimoine mondial de l’humanité. Les litiges doivent être réglés par le tribunal international du droit de la mer, basé à Hambourg.

On consultera avec intérêt sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/lc/lc234/lc234.html (Étude de législation comparée n° 234 – mars 2013 – Les ressources minérales marines profondes : nodules polymétalliques, encroûtements et sulfures hydrothermaux du 26 mars 2013).

I La richesse minérale des grands fonds

 Métaux et terres rares

Trois types de substrat sont susceptibles de renfermer des composés métalliques, les nodules polymétalliques, les encroûtements, les sulfures hydrothermaux (terres rares).

  • Les nodules polymétalliques, connus dans tous les océans et sous toutes les latitudes, à partir de fonds de 4 000 mètres et dans des zones caractérisées par une faible sédimentation. Ils sont principalement composés d’hydroxydes de manganèse et de fer.
  • Les encroûtements d’oxydes ferromanganèsifères ont été répertoriés dans tous les océans, là où la combinaison de courants et de faibles taux de sédimentation a empêché le dépôt de sédiments pendant des millions d’années. Leur épaissseur varie de quelques centimètres à 25 centimètres, sur des surfaces de plusieurs kilomètres carrés. Ils sont tous constitués d’oxydes de fer et de manganèse, et en moyenne trois fois plus riches en cobalt et souvent fortement concentrés en platine. Les encroûtements cobaltifères sont riches en fer et de composés contenant des concentrations significatives de cobalt, titane, nickel, platine, molybdène, tellurium et autres métaux, cérium et autres terres rares.
  • Les sulfures hydrothermaux, terres rares

Les sulfures hydrothermaux, de découverte plus récente que les nodules et les encroûtements, se trouvent sur toutes les structures sous-marines d’origine volcanique. Ils résultent de la circulation d’eau de mer dans la croûte océanique sous l’effet de forts gradients thermiques. L’eau de mer qui pénètre dans les failles et fissures de la croûte terrestre se réchauffe au fur et à mesure qu’elle s’approche de la chambre magmatique (1 200° C). L’acidité (liée à des réactions chimiques à ce niveau) et la salinité de ce flux facilitent la solubilisation des métaux contenus dans les roches. Ce fluide hydrothermal, de faible densité, remonte à la surface sous forme de sources chaudes. A la sortie, en se refroidissant au contact de l’eau de mer, les sulfures métalliques cristallisent sur le plancher océanique et forment des « fumeurs », noirs ou blancs selon leur teneur en sulfures. Un groupe d’une dizaine de ces cheminées peut émettre des fluides qui contiennent 100 ppm de métaux à 2m/s et ainsi produire jusqu’à 250 tonnes de sulfures métalliques par an. Au final, les fumeurs les plus stables atteignent plus de 70 mètres de haut et plusieurs centaines de mètres de diamètre. Ils se caractérisent par de fortes concentrations en métaux de base. Leur inventaire est encore très incomplet.

Les sulfures hydrothermaux présentent des opportunités prometteuses car, contrairement aux nodules et aux encroûtements, ils s’accumulent sous forme de minerais massifs très localisés et situés directement sur le plancher océanique. Cette situation garantirait un impact environnemental minimal en cas d’exploitation, alors qu’une exploitation des nodules ou des encroûtements obligerait à ratisser de très larges surfaces, avec des effets mal connus sur l’environnement.

En juillet 2011, une équipe de géologues japonais de l’université de Tokyo indique avoir découvert dans les eaux internationales du Pacifique des gisements de terres rares estimés à quelque 100 milliards de tonnes, soit 1 000 fois ce que l’on trouve sur les terres émergées. Les réserves sont réparties sur 78 sites situées à des profondeurs variant de 3 500 à 6 000 mètres et s’étalent sur 11 millions de mètres carrés. Même si cette découverte est intéressante étant donné la demande grandissante de ces matériaux, son extraction pose des problèmes environnementaux importants. Une première expédition pour étudier les fonds marins de l’île Minamitori a été menée par la JAMSTEC en juin 2012, et une seconde en janvier 2013. Les chercheurs révèlent en mars que des échantillons de boues prélevés à 5 800 mètres de profondeur présentent une concentration de terres rares vingt à trente fois plus forte que dans les mines chinoises.

Utilisation actuelle de quelques métaux rares

Rappel : scandium, yttrium, lanthane, cérium, praséodyme, néodyme, prométhium, samarium, europium, gadolinium, therbium, dysprosium, holmium, erbium, thulium, ytterbium, lutécium.

Ces métaux rares se voient conférer aujourd’hui une valeur stratégique : ils se révèlent limités en quantité au moment où la production de masse découlant des technologies les plus avancées en accroit la demande.

La durée limitée des réserves des gisements terrestres pour les métaux les plus critiques s’avère préoccupante. Elle est en effet estimée à 13 ans pour l’argent, 25 pour le titane et de 110 ans pour le cobalt, ce qui donne tout son intérêt aux ressources des grands fonds marins et laisse prévoir une course et d’éventuels conflits de territorialité dans les eaux internationales.

L’utilisation des métaux et terres rares se généralise. Il en va ainsi du cobalt et du titane (exemples ci-dessous), comme du germanium (fibres optiques, l’optique dans le domaine de l’infrarouge – systèmes de visée nocturne, catalyseurs et électronique avancée, transistors, portables), du magnésium (explosifs), du platine (aussi conducteur que l’or, utilisé dans les circuits à contacts rapides, notamment pour l’aviation), du mercure (chimie nucléaire, instruments de mesure), du molybdène (alliages d’acier), de l’indium (nécessaire notamment à la fabrication des écrans plats LCD et des cellules photovoltaïques), du néodyme (aimants pour les éoliennes), du gallium (diodes électroluminescentes, ou LED, blanches, procédé anti-falsification des billets de banque, lasers des avions de chasse de dernière génération), du gadolinium (réfrigération magnétique) et du niobium (alliages spéciaux extrêmement rares). NB Les minerais sous-marins ont une pureté nettement supérieure à celle des minerais terrestres.

Mention particulière pour les cellules solaires photovoltaïques, gourmandes en gallium, indium, sélénium, germanium et les éoliennes offshore (une éolienne de 3 mégawatts peut contenir jusqu’à 600 kg de néodyme de manière à pouvoir s’affranchir de la boîte de vitesse et de simplifier une maintenance compliquée à assurer en mer).

Cobalt

Les réserves mondiales de cobalt étaient estimées en 2000 à 5 Mt, à 98 % dans 6 pays producteurs : la Chine (2,0 Mt), Cuba (1,0 Mt), l’Australie (0,88 Mt), la Zambie (0,36 Mt), la Nelle Calédonie (0,23 Mt), et la Russie (0,14 Mt). Le cours du cobalt est en forte hausse : la cause en est la production croissante de

  • superalliages, dont fabrication consomme le quart du cobalt mondial. Ils sont destinés en particulier à la fabrication de réacteurs d’avion et de turbines.
  • L’option « plug-in » des véhicules électriques hybrides – « écologiques » – comprend une batterie en cobalt pouvant être chargée depuis une prise électrique.
  • forte demande de la Chine, qui souhaite lutter contre la pollution atmosphérique urbaine en multipliant les voitiuées électriques.

Titane

Environ 95% de la quantité de minerai extraite sont utilisés pour la production du pigment (dioxyde de titane ou blanc de titane, pour le blanchiment du papier) et seulement 5% pour la préparation du métal. Celui-ci, métal aussi résistant que l’acier mais pas plus lourd que l’aluminium, rentre dans la composition d’alliages extrêmement résistants, utilisés par l’industrie depuis le début des années 50 avec des usages qui se sont multipliés :

  • bâtiment (canalisations, pompes, couvertures ou structures de bâtiments, etc).
  • automobile : la faible densité du titane est mise à profit dans les pièces allégées (bielles, soupapes de moteurs…). Son module d’élasticité 2 fois plus faible que celui de l’acier, le rende utile pour faire des ressorts.
  • aéronautique et aérospatial : les alliages de titane sont utilisés pour leur exceptionnel rapport propriétés mécaniques/densité et leur bonne tenue en température jusqu’à 600° C. pour fabriquer des turbines et turboréacteurs. Le titane sert à faire des avions plus légers, moins voraces en kérosène : 93% de la structure du Lockheed SR-71 Blackbird, le légendaire avion-espion américain des années 70-80, était constituée de titane.
  • armement : le titane est un substitut à l’acier, notamment pour fabriquer des blindages.
  • chirurgie, dentisterie : métal biocompatible, inaltérable et peu dense, le titane sert pour fabriquer des prothèses, notamment de hanche, des stimulateurs cardiaques, des mâchoires artificielles, etc…
  • divers : articles de sport (cannes de golf), horlogerie, lunetterie,

II L’Autorité internationale des fonds marins (International Seabed Authority, ISA)

L’Autorité internationale des fonds marins, AIFM, est une organisation internationale autonome, créée conformément à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer sur le droit de la mer de 1982 (CNUDM ou UNCLOS pour United Nations Convention on the Law Of the Sea, convention est entrée en vigueur en novembre1994, après ratification du 60e État) et à l’Accord de 1994 relatif à l’application de la partie XI de ladite Convention. L’Autorité est l’organisation par l’intermédiaire de laquelle les États parties à la Convention, conformément au régime établi pour les fonds marins et leur sous sol au-delà des limites de la juridiction nationale (« la Zone », autrement dit, les eaux internationales, qui représentent 60 % du domaine océanique) dans la partie XI et l’Accord, organisent et contrôlent les activités menées dans la Zone, notamment aux fins de l’administration de ses ressources.

L’Autorité, dont le siège se trouve à Kingston à la Jamaïque, a été établie le 16 novembre 1994, date à laquelle la Convention est entrée en vigueur. Elle est opérationnelle depuis juin 1996.

L’AIFM a été créée pour limiter le risque de conflits, plus pour éviter de surexploiter les ressources au détriment des générations futures comme on l’a fait pour la pêche, que pour limiter l’incidence des impacts sur l’environnement d’éventuelles tentatives d’exploitation à grande profondeur, sujet qui préoccupe les biologistes et les services de l’ONU chargé de l’application de la convention mondiale sur la biodiversité. Les États-Unis, après avoir contribué à rédiger la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, puis l’avoir signée en 1994, a vu le Sénat en refuser la ratification. John Bolton (néo-conservateur), ex-ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, a été également un l’un des opposants notoires. Cette opposition, longtemps majoritaire, fait prévaloir qu’elle empiète sur la souveraineté nationale des États-Unis et met en place une bureaucratie internationale susceptible d’agir de manière contraire aux intérêts américains. Par contre, comme il le déclarait devant les sénateurs en mai 2012, le secrétaire à la Défense de l’époque, Léon Panetta, est favorable à sa ratification afin de voir reconnus les droits économiques et impératifs militaires des États-Unis. Seule grande puissance maritime dans cette situation, les États-Unis voisinent donc encore, avec l’Iran, la Corée du Nord et les Émirats arabes unis, parmi les 20 pays signataires qui ne l’ont toujours pas ratifiée. À l’égard de l’ISA, l’argumentation tient à ce que certaines dispositions qui règlent son activité sont inopportunes, telles que :

  • l’existence d’une taxe et des impôts sur la demande de permis et sur l’exploitation minière des grands fonds ;
  • l’interdiction d’exploitation minière sans autorisation de l’AIFM ;
  • l’utilisation de l’argent recueilli pour la redistribution de la richesse hors de l’administration de l’AIFM ;
  • l’obligation de transfert de technologies.

Cette position amoindrit la légitimité de l’AIFM, qui est, cependant le seul organsisme compétent en matière de grands fonds marins.

La Chine et la Russie se sont mobilisées très rapidement en 2010 dès l’annonce de la nouvelle réglementation relative aux sulfures polymétalliques par l’AIFM, pour déposer des permis sulfures qu’ils ont obtenu en 2011 : la Chine dans l’océan Indien, la Fédération de Russie dans la région de la dorsale volcanique médio-atlantique.

En 2008, huit entreprises ont obtenu un permis les autorisant à explorer les fonds pour leurs ressources en métaux (un tel permis ouvre la voie à 15 années de travaux d’exploration et de développement des outils nécessaires à ces derniers) :

  • Yuzhmorgeologya (Fédération de Russie) ;
  • Interoceanmetal Joint Organization (IOM, consortium associant : Bulgarie, Cuba, Slovaquie, République tchèque, Pologne et Fédération de Russie) ;
  • le Gouvernement de la République de Corée ;
  • China Ocean Minerals Research and Development Association (ou COMRA, Association chinoise de recherche et développement pour l’exploitation de ressources minières océaniques). En 1992, COMRA a reçu un un secteur d’activités préliminaires de 150 000 km2 dans la partie occidentale de la zone de Clarion-Clipperton (Pacifique nord). Elle détient une autorisation d’exploration dans un périmètre situé dans l’océan Indien, au sud de Madagascar. La COMRA a dépensé plus de 60 millions de dollars en explorant plus 2 millions de km2 pour délimiter le secteur demandé ;
  • Deep Ocean Resources Development Company (DORD, Japon) ;
  • Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMR, France) ;
  • Department of Ocean Development (DOD, Inde). Organisme public indien chargé de la coordination du programme Nodule. En 1987, DOD a reçu un secteur d’activités préliminaires de 150 000 km2 dans l’océan Indien ;
  • Institut fédéral des géosciences et des ressources naturelles (Allemagne).

Europe

L’économie européenne dépend, souvent à plus de 90 % de ses importations en métaux – une ressource non renouvelable –. L’Union Européenne et notamment la France ont longtemps délaissé le secteur des matières premières minérales. En revanche, les États-Unis, le Canada, l’Australie et, plus récemment, la Chine ont conduit une réflexion stratégique sur ce sujet et dégagé, à l’échelle de la planète, une vision moderne sur une disponibilité des matières premières minérales devenue un enjeu stratégique.

Il est urgent que l’Europe se définisse une stratégie géopolitique face aux autres grands pôles mondiaux et finance enfin des recherches dans les eaux internationales au lieu de se restreindre, comme c’est le cas actuellement, à ses seules eaux économiques.

France

La France possède de nombreux territoires sur les différents océans du globe. Avec 11 millions de km² de ZEE, (8 % des mers du globe) notre pays vient en 2e position derrière les États-Unis (12,2 millions de km²) mais loin devant l’Australie (8,5) et la Russie (7,6). Des territoires parfois largement éparpillés à l’image des 118 îles qui, réparties en 5 archipels, constituent la Polynésie française. Par ses territoires et collectivités d’outre-mer, elle est un pays riverain de l’océan Indien. Dans le Sud de l’océan Indien, les zones économiques exclusives (largeur limitée à 200 milles marins depuis la ligne de base) attachées aux différents territoires français, île de La Réunion, îles Éparses, les Crozet, les Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam et Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) représentent 2.500.000 km2, soit une surface sept fois supérieure aux zones économiques exclusives de la métropole.

L’Ifremer, à la demande et sous le patronage de l’Etat français, a déposé auprès du Secrétaire général de l’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM) en mai 2011, une demande d’approbation d’un plan de travail pour l’exploration de sulfures polymétalliques sur la dorsale volcanique médio-atlantique dans les eaux internationales. L’examen de la demande a eu lieu lors de la réunion de la Commission Juridique et Technique de l’AIFM, qui s’est tenue du 9 au 19 juillet 2012.

Menées par un partenariat public-privé (Ifremer, Technip et Eramet – Areva ayant depuis abandonné le projet), trois campagnes d’exploration ont été conduites en 2010, 2011 et 2012 dans l’océan Pacifique à Wallis-et-Futuna, entre Tahiti et la Nouvelle-Calédonie. Elles se sont révélées prometteuses, notamment du fait de la présence de sulfures hydrothermaux, riches en métaux et terres rares. Par comparaison avec le domaine minier terrestre où un délai d’une quinzaine d’année s’étend entre la première phase d’exploration et l’exploitation, le projet Wallis-et-Futuna pourrait devenir à horizon 2030 le premier projet d’exploitation minière par grands fonds de la France.

La France, qui a déposé des demandes de permis dans le Pacifique, est intéressée par les encroûtements cobaltifères (cobalt, nickel, platine et manganèse), dont les plus riches dans la ZEE française sont localisées en Polynésie. On y trouve également des métaux critiques (terres rares). Outre l’indium et le germanium, la France pourrait exploiter des gisements de cadmium, antimoine, mercure, sélénium, molybdène et bismuth.

Dans le cadre du règlement relatif à la prospection et à l’exploration des sulfures polymétalliques de l’AIFM dans la Zone, le programme d’études écologiques permettra de conduire des recherches sur la biodiversité (descriptive, quantitative et fonctionnelle), de définir des profils écologiques témoins, de mettre en œuvre un programme de surveillance de l’environnement et d’évaluer l’impact des activités proposées. Il comprendra un volet benthique et un volet pélagique pour évaluer la biodiversité des zones explorées et identifier les facteurs environnementaux structurant ces communautés.

Problème, les ZEE françaises doivent être surveillée sinon, elles risquent d’être pillées. La souveraineté de la France sur certains de ses îlots est contestée : Clipperton, dans l’océan Pacifique, les îles Eparses dans l’océan Indien, Matthew et Hunter, deux petites îles inhabitées du Pacifique-Sud, à 300 km à l’est de la Nouvelle-Calédonie. Sans compter que la France, tout comme d’autres pays, dépose des demandes de permis d’exploration dans des eaux profondes internationales…

La France, à travers l’Ifremer, possède plusieurs navires hauturiers (L’Atalante, le Pourquoi pas ?) permettant de mener des campagnes de longue durée pour étudier les grands fonds océaniques. Ces navires sont complétés par une panoplie d’outils de cartographie et de prélèvements capables d’obtenir des données et des échantillons à différentes échelles. Ces navires mettent également en œuvre des sous-marins habités (Nautile) ou téléopérés (Victor 6000). Les travaux détaillés sont complétés par l’utilisation d’engins tractés (sonar latéral SAR) ou autonomes (AUV AsterX) capables de réaliser des mesures près du fond (images acoustiques, cartes magnétiques, microbathymétrie, etc.). L’ensemble de ces équipements permet de mener une stratégie d’exploration multi-échelles et pluri-disciplinaires sur la zone en réalisant les études de détail nécessaires pour l’évaluation des minéralisations et la recherche de sites hydrothermaux, ainsi que les études de la biodiversité et d’impact environnemental.

Menée par l’Ifremer, REMIMA est une étude prospective sur les ressources minérales marines profondes à l’horizon 2030. , L’Ifremer a lancé fin 2009 un travail de réflexion prospective sur les ressources minérales marines à l’horizon 2030 autour de 24 partenaires représentant les principaux acteurs du secteur français : ministères, industriels, instituts de recherche, universités, agences spécialisées et représentants de la Commission Européenne. La question centrale de cette analyse prospective est celle du potentiel des principales ressources minérales marines profondes (minerais métalliques et hydrogène naturel) présentant un enjeu stratégique pour la France et l’UE. L’objectif : identifier les enjeux, le potentiel de ces ressources, les conditions d’émergence de leur exploitation et de leur valorisation à moyen terme afin d’identifier et engager les partenariats et les programmes stratégiques adaptés.

Chine

La Chine veut développer les technologies d’exploitation en eaux profondes de manière à ce que l’exploitation commerciale de nodules polymétalliques contenant du cuivre, du nickel et du cobalt, entre autres minéraux, puisse commencer dès 2030. Les scientifiques estiment qu’entre 480 et 13 500 millions de tonnes de nodules polymétalliques peuvent être commercialement rentables. La Chine a exploré plus de 80 000 km2 du fond des océans Pacifique et Indien.

En 2011, la Chine a figuré dans le premier groupe de pays ayant reçu l’approbation de l’Autorité Internationale des Fonds Marins pour chercher des gisements de sulfures polymétalliques sur la dorsale sud-ouest indienne, qui se trouve à cheval sur deux plaques tectoniques sur le fond de l’Océan Indien.

Pékin attendait cette autorisation, depuis qu’une demande officielle avait déposée, le jour même de la publication des critères de développement des ressources minières sous-marines, en mai 2010. Quelques jours plus tard, un sous-marin habité chinois plongeait à 7 062 mètres et battait par la même occasion les records établis précédemment par les Etats-Unis, la France, la Russie et le Japon, affichant ses ambitions dans un domaine stratégique qui semblait réservé à un club très fermé de puissances.

Le Bureau national chinois des affaires océaniques a annoncé que le submersible habité Jiaolong, apte à descendre à une profondeur de 7 020 mètres (Shinkai, son homologue japonais, détenait le record du monde avec 6 500 mètres), mènera des recherches sur les ressources des fonds marins (nodules de sulfures polymétalliques d’origine volcanique (fer, cuivre, zinc, plomb, or, argent) dans le sud-ouest de l’océan Indien à la fin de 2014.  Un site a été identifié dans l’océan Indien (Southwest Indian Ocean Ridge (SWIR) site Sonne hydrothermal Field, 2 800 m.). Si l’on n’a relevé que peu de gisements sulfurés sur la dorsale de l’océan Indien central, c’est surtout parce que la zone n’a pas fait l’objet d’une prospection poussée.

La Chine est est autorisée à explorer des fonds marins du sud-ouest de l’océan Indien pour trois types de minéraux : les nodules polymétalliques, les dépôts polymétalliques sulfurés et les croûtes cobaltifères, pour lesquels les besoins chinois sont importants. Elément important dans la fabrication d’accumulateurs, le cobalt est aujourd’hui essentiellement fourni par la République démocratique du Congo, qui concentre à elle seule la moitié des réserves connues. La multiplication des véhicules électriques, fer de lance de la lutte antipollution urbaine, estimée à quelque 5 millions d’unités d’ici à 2020, devrait renforcer la demande en cobalt, ce qui explique l’appétit des Chinois.

Les limites chinoises sont technologiques : Pékin ne dispose pas du matériel nécessaire dans le domaine des instruments de levés géophysiques dont la plupart de ces appareils, de fabrication étrangère, sont interdits de vente à la Chine, une décision motivée à la fois par des considérations militaires – le matériel pourrait être utilisé à des fins non pacifiques –, comme par la volonté de limiter l’emprise de Pékin sur des ressources essentielles pour les pays occidentaux.

Quelques jours après avoir obtenu le blanc-seing de l’AIFM, le président chinois, Xi Jinping, soulignait l’importance de faire de l’industrie marine l’un des pilliers de l’économie nationale.

La valeur totale de la production des industries maritimes chinoises a été de 3,2 milliards de Yuans (508 milliards de dollars) en 2009, soit 9,5 % du PIB du pays, selon le site internet de l’administration (source : le Quotidien du Peuple du 30/05/2012).

Canada

La société canadienne Nautilus (à qui Technip Subsea Innovation Management fournit l’ensemble du système de la liaison fond-surface) n’est plus très loin d’exploiter au large de la Papouasie Nouvelle-Guinée des amas sulfurés. Le projet devrait être opérationnel en juin 2014. Le site devrait produire 1,3 à 1,4 million de tonnes par an d’or et de cuivre.

ÉtatsUnis

Les installations spécifiques nécessaires à l’exploitation des gisements marins sont facilement déplaçables par navire, posant moins de difficultés que les installations minières terrestres, dont le déplacement est difficile et coûteux.

Divers

Des explorations sont menées par la compagnie anglaise Neptune Mineral. Une autre compagnie, Nautilus Minerals (Australie), vient d’acquérir des permis autour des Îles Fiji et des Îles Tonga