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LE SECTEUR MANUFACTURIER NE CRÉE PAS D’EMPLOI
Un Indien sur deux (47 %) travaille dans l’agriculture, à l’origine de 18 % du PIB. L’Inde est loin d’avoir épuisé son gisement d’emplois agricoles et loin d’atteindre le « point de Lewis » – à partir duquel l’industrie ou les services doivent proposer des salaires plus élevés pour attirer des agriculteurs. Un seuil franchi par La Chine dans les années 2000. Selon le rapport sur l’emploi de 2016, l’Inde ne le franchira pas avant 2030. En cause, son économie ne créant pas assez d’emplois pour faire face à l’accroissement de la population en âge de travailler (14 millions) et à l’exode rural. Résultat : davantage de jeunes restent dans l’agriculture.
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L’un des objectifs de l’initiative « Make in India » lancée par Modi en 2014 est de faire de l’Inde une puissance manufacturière. Paradoxalement, alors que le secteur manufacturier était la priorité, sa part dans le PIB s’est stabilisée autour de 17 %. Un pourcentage plus faible que celui constaté dans d’autres pays ayant un niveau de revenu comparable. Depuis deux ans, il aurait augmenté d’un point, selon la Reserve Bank of India. Un gain qui se serait accompagné d’une légère hausse de l’emploi jusqu’en 2016. Mais d’après All India Manufacturers’ Organization, cette hausse a été effacée par la suppression de 3,5 millions d’emplois.
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L’Inde occupe de solides positions dans la pétrochimie, le raffinage, la sidérurgie, l’équipement de transport ou les biotechnologies. Mais le pays est peu présent sur le marché mondial de l’habillement. L’économie indienne dispose pourtant d’atouts : ressources en coton, savoir-faire, vaste marché intérieur. Mais elle n’a pas bénéficié de la libéralisation des échanges dans les années 2000, ni de l’érosion de la compétitivité chinoise. La part de l’Inde sur le marché mondial (3,7 %) a peu évolué depuis 2010. Elle est même inférieure à celle du Vietnam (5,4 %) et du Bangladesh (7,7 %) où ce secteur a créé 2 millions d’emplois depuis 2010. L’Inde est également absente de l’industrie électronique qui a été, après le textile, le grand créateur d’emplois en Asie orientale. L’établissement des Zones économiques spéciales dans les années 2000 n’a pas donné les résultats escomptés. Faute de sous-traitants, les grandes multinationales de l’électronique qui sont implantées, importent leurs composants.
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Dans l’industrie, ce n’est pas le secteur manufacturier mais la construction qui est le plus grand employeur avec 50 millions de salariés. Le commerce de détail, le travail domestique et les petits boulots forment plus de la moitié des emplois de service, devant la santé, la formation, l’administration et enfin les services informatiques (15 %). Grâce à la pratique de l’anglais et à la libéralisation des télécommunications, ces derniers ont connu un essor spectaculaire. Ce succès est également une conséquence de la priorité donnée à la formation universitaire qui avait expliqué l’apparition d’un chômage des diplômés dès les années 1950, ainsi que la fuite de cerveaux.
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À partir des années 1980, de plus en plus de sociétés étrangères ont sous-traité en Inde leurs opérations de codage et de développement des logiciels. Ces activités se sont développées à l’exportation et de plus en plus en réponse à la demande domestique. Après avoir décuplé entre 2000 et 2007, les effectifs des services informatiques ont quintuplé : ils atteignaient en 2017, quatre millions d’emploi en direct, trois à quatre fois plus si l’on intègre les emplois indirects. Depuis, les créations d’emplois ont chuté de 230 000 en 2012 à 100 000 en 2018, dont un tiers par le segment le moins sophistiqué, les centres d’appels, qui assure un tiers des recrutements.
Longtemps le problème de l’Inde a été le sous-emploi. Faute de protection sociale, les personnes à la recherche d’un job acceptaient de travailler quelques heures par jour pour des salaires inférieurs à ceux auxquels ils pouvait prétendre. Depuis quelques années, au sous-emploi structurel s’ajoute le chômage ouvert. En décembre 2018, ce dernier toucherait un peu plus de 6 % de la population et trois fois plus les diplômés. Le nombre de chômeurs, lui, a augmenté de 20 millions depuis 2012.