La bataille contre la Chine n’est pas la première que Washington engage en Asie. Mais à la différence du conflit commercial avec le Japon des années 1980, les États-Unis font face à un pays qui peut dire non. Est-on au début d’une guerre commerciale de vingt ans, comme le prédit Jack Ma, le patron d’Alibaba ? Ou bien à l’aube d’une nouvelle guerre froide, comme l’a prévu le vice-président américain Mike Pence ?
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Ce n’est pas non plus la première fois que la Chine engage un conflit. Mais elle s’était attaquée à plus petit : la Corée du Sud, coupable d’avoir accepté le déploiement du système de défense américain, ou la Suède, vouée aux gémonies pour avoir attribué le prix Nobel à Liu Xaobo. À ces occasions, de même qu’avec le Japon, le gouvernement chinois s’était attaqué aux filiales de ces pays. Abandonnant les conseils de prudence prodigués par Deng Xiaoping, Xi Jinping a musclé ses ripostes. Va-t-il s’en prendre aux filiales américaines en Chine ?
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Fin octobre, Pékin et Washington ont annoncé les chiffres de la croissance du 3ème trimestre 2018. Avec 3,5 % l’économie américaine affiche sa meilleure performance depuis 2015 et les résultats du mois d’octobre montrent que le boom continue. Par contre, avec 6,5 % la croissance chinoise est la plus faible des dix dernières années. Le ralentissement chinois, qui était annoncé, n’est pas une conséquence du conflit mais des mesures prises pour freiner la progression de l’endettement en 2017. Elles ont freiné l’investissement et tout particulièrement celui des entreprises d’État, qui a presque stagné (+ 1%). Redoutant une détérioration au dernier trimestre, Pékin a annoncé des mesures de relance (+ 180 milliards de dollars en octobre) après d’autres décisions prises à l’automne.
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L’impact des hausses de tarif douaniers américains sur les exportations chinoises a été plus que compensé par l’érosion du yuan (-7% par rapport au dollar depuis le premier janvier). Pour freiner cette baisse et éviter que le dollar franchisse la barre symbolique des 7 yuans (6,94 le 8 novembre), la Banque Centrale est plusieurs fois intervenue. Son intervention massive – autour de 100 milliards de dollars depuis janvier – n’est pas critiquée par le rapport du Trésor américain sur les monnaies du 17 Octobre. Tout en reconnaissant que la monnaie chinoise n’est pas manipulée*, le Trésor la maintient sous surveillance avec le won coréen. En revanche, l’appréciation du dollar et la hausse des taux d’intérêt sont de mauvaises nouvelles pour les entreprises chinoises endettées en dollar. Tout cela contribue aux sorties de capitaux, qui sont souvent des non renouvellements de lignes de crédit.
*Pour juger de la manipulation d’une monnaie, le Trésor américain analyse trois critères.
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La hausse des tarifs douaniers sur le prix des produits chinois n’a encore que très peu d’impact sur les ménages – exception faite des machines à laver dont les prix auraient augmenté de 20 %. Par contre, les mesures chinoises ont provoqué un effondrement de 80 % au troisième trimestre des exportations agricoles américaines.
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LE COMMERCE BILATÉRAL EN PLEIN BOOM
Paradoxalement, le commerce sino-américain s’est accéléré au troisième trimestre 2018 ! Selon les douanes américaines, il a atteint 175 milliards de dollars entre juin et septembre 2018, soit + 6% par rapport à la même période en 2017. Quant au déficit des États-Unis avec la Chine, il a battu un nouveau record en atteignant les 110 milliards de dollars. Les exportations américaines vers la Chine ont diminué de 7,6%, alors que les importations de produits chinois ont grimpé de 7,5%, tirées par la croissance et les anticipations des importateurs américains qui ont avancé leurs commandes pour ne pas subir les hausses de droits de douane débutées en septembre. En octobre dernier, selon les douanes chinoises, les exportations de la Chine ont progressé de 15 % vers le monde et de 13 % vers les États-Unis, tandis que les importations chinoises de produits américains ont diminué de 2 %. Dans le même temps, mais cela n’est jamais mentionné par Donald Trump qui se focalise sur les marchandises, l’excédent des échanges de services avec la Chine a été le plus élevé avec 20 milliards de dollars.
En Octobre, Xi Jinping a célébré le quarantième anniversaire de l’ouverture de la Chine dans la province du Guangdong. Il s’est félicité du succès chinois tout en insistant sur les efforts à faire pour atteindre l’indépendance technologique du pays. Le 5 novembre, dans son discours d’ouverture de l’exposition de Shanghai, le président chinois a retrouvé les accents de son allocution au Forum mondial de Davos : il a dénoncé la loi de la jungle instaurée par son homologue américain. Un jour plus tard, son vice-président Wang Qishan tenait des propos plus modérés, et annonçait que la réunion bilatérale annulée fin aout se tiendrait en novembre. Que peut engendrer reprise du dialogue, quelques jours avant le sommet du G20 de Buenos Aires, du 30 novembre au 1er décembre, auquel participeront Trump et Xi ? Peut-elle conduire à un accord avant le 1er janvier 2019 ? C’est à cette date que doit se déclencher la troisième phase du conflit : l’élargissement à 500 milliards de dollars, soit la totalité des importations de produits chinois, du droit de douane de 10 % et une hausse à 25 % sur plusieurs milliers de lignes tarifaires.
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Les résultats des élections de mi-mandat donnent une grande marge de manœuvre au président Trump. En effet, après la riposte chinoise ciblant les produits américains originaires des circonscriptions représentées par les Républicains, les analystes prévoyaient leur défaite totale aux élections. Or ils ont réussi a renforcé leur majorité au Sénat. En dépit de la chute des exportations de produits agricoles, les électeurs du Middle West n’ont pas sanctionné le parti Républicain. Devenus majoritaires à la Chambre des Représentants, les Démocrates ne critiquent pas la politique commerciale de Donald Trump. Au contraire, ils l’attaqueront s’il propose une trêve ! Quant aux Républicains plus nombreux à souhaiter l’arrêt du conflit commercial, ils ne critiqueront pas leur président.
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Un accord est possible, tout en restant improbable. En effet, pour les deux parties, l’enjeu n’est pas le déséquilibre des échanges. Ce dernier sanctionne le fait que les Américains consomment plus qu’ils produisent. Il s’agit surtout des atteintes de la Chine à la propriété intellectuelle et de l’accès de son industrie aux hautes technologies. Sur ces points, il y a un consensus bipartisan. Les Américains redoutent un « choc Spoutnik ». De son côté, depuis l’affaire ZTE qui a mis en évidence la dépendance technologique de la Chine, Pékin souhaite accélérer la mise en œuvre du plan « Made in China 2025 ».
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Point d’accalmie, donc, sur le front de la bataille technologique. Le Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis surveille les rachats d’entreprises américaines, effondrées au premier semestre 2018. Les ventes de biens d’équipement américain sont ainsi sévèrement contrôlées : fin octobre, Fujian Jinhua, qui construisait une unité de fabrication de mémoires Dram, s’est heurté à un veto américain et a dû renoncer à l’acquisition des équipements dont il avait besoin. Ouvert au lendemain des élections de mi mandat, le sommet Internet de Wuzhen (près de Shanghai) a, lui, été boudé par les patrons de la Silicon Valley.
Jean-Raphaël Chaponnière, Asie21