Sri Lanka : Manger sain et produire vain, quand l’écologie fait crier famine

En mai 2020, le président de Sri Lanka, Nandasena Gotabaya Rajapaksa, a interdit les engrais chimiques et les produits agrochimiques sous le slogan « agriculture biologique ».  Aujourd’hui, c’est le pays qui crie famine.   

Depuis 2010, Sri Lanka était devenu autosuffisant en riz et produisait 900 000 tonnes de fruits et légumes par an, l’indépendance alimentaire était assurée.

  • La décision présidentielle de passer à une agriculture « saine » est certes populaire loin de l’île, mais dramatique pour le citoyen sri lankais : les importations de riz, selon l’USDA, vont passer cette année à 450-600 000 tonnes. Le pays ne disposait pas d’intrants, de technologies et de substituts biologiques pour remplacer les engrais jusqu’alors subventionnés. 
  • En 2020-2021, on constate une chute de production de 35 % pour les fruits et légumes et de 14 % pour le paddy et même pour le thé, la plus grande culture génératrice de devises.  

Les raisons sont simples : chute de la productivité, attaques de parasites et maladies. De nombreux agriculteurs quittent la terre et se tournent vers des emplois mineurs dans le secteur de l’industrie et de la construction. 

  • L’inflation galopante a renchéri les prix de la nourriture, alors que, jusqu’en 2020 le riz était fixé et maintenu à bas niveau, contrepartie des subventions aux engrais NPK. 
  • L’interdiction des produits agro-chimiques a été levée en novembre 2021, mais les effets de cette interdiction persistent. On prévoit un manque de nourriture en août. 
  • Le nouveau Premier ministre Ranil Wickremesinghe a lancé un appel solennel aux paysans pour un retour à la terre et à la culture du riz. Il y a urgence absolue à importer pour 600 millions de dollars d’engrais chimiques. Mais où les trouver, et à quels prix ?

Même si l’interdiction des produits agro-chimiques a été levée en novembre 2021, ses effets persistent. L’agriculture est un grand navire qui n’obéit pas sur le champ aux injonctions, même comminatoires, des politiques. 

Prenant des mesures immédiates, Sri Lanka a demandé l’aide alimentaire d’une banque alimentaire d’Asie du Sud, avec le soutien de l’Association sud-asiatique de coopération régionale (South Asian Association for Regional Cooperation – SAARC) et attend 100 000 tonnes de dons alimentaires ou de ventes subventionnées. Sri Lanka a également demandé le soutien des pays voisins. L’Inde, la Chine et le Japon ont déjà fourni une aide financière, des lignes de crédit ainsi que des dons alimentaires et devraient fournir des prêts et des articles essentiels.

Maurice Rossin, Asie21

 Extrait de la Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n° 163/2022-07&08

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