Incident franco-chinois dans le détroit de Taiwan : recadrage 釐清法國與中國的台海事件

Incident franco-chinois dans le détroit de Taiwan : recadrage

Par le général (2s) Daniel Schaeffer, membre du groupe Asie21-Futuribles, 30 avril 2019

(Tous droits de rediffusion accordés sans restriction à tout organe de presse intéressé)

Les comptes rendus grossis de l’incident

  • Le 6 avril 2019, la frégate de surveillance française Vendémiaire a été interpelée, et non pas interceptée, par les autorités navales de Chine populaire alors qu’elle franchissait le détroit de Taiwan.
  • Le 25 avril 2019, soit 19 jours après l’incident, révélé par l’agence Reuters sur déclaration de deux autorités militaires américaines qui ont requis l’anonymat, la presse internationale, qu’elle soit française ou anglo-saxonne, y va de ses couplets d’imprécisions.

釐清法國與中國的台海事件

2019年4月6日,法國護衞艦"葡月號"穿越台灣海峽時,遭到中國海軍查詢,而非攔截。19天後,也就是4月25日,路透社根據兩位匿名美國軍方的說法,透露了該事件。後來,不論法國或英國的媒體,都做了不甚精確的報導。部分法國媒體聲稱,我國軍艦被"攔截",這是不對的,這是語言的濫用。根據我們的瞭解,該艦並未遭到軍事逮捕丶停航丶檢查,也未遭到武力限制,或甚至被威脅用武力逐出臺灣海峽。該艦曾被要求回答某些指令,但絕未中途折返。該艦並未遭到侵犯,但一艘中國軍艦,卻如影隨行的一直跟到海峽的出口。不論如何,"葡月號"衹是根據國際海洋法,單純的穿越海峽,因此如被說成是被迫離開海峽,這就是胡扯,是為了嘩眾取寵的語言濫用!

事實上,與北京的說法剛好相反,法國軍艦並未穿越中國大陸領海,也未穿越台灣領海。台灣海峽寛度在180公里到130公里不等,如以兩邊各有12海浬的領海計算,加起來縂共44公里,因此絶不可能包攬了整個海峽通道。相反
地,海峽兩岸除了各自的領海外,卻共同平分一條寬136公里到86公里不等的中間帶。這也就是"專屬經濟區",並且根據一條虛擬的中間缐,由海峽兩岸的中國人,各自擁有另一半邊。"葡月號"絶未違反聯合國國際海洋公約的任何規定,但是中國卻堅稱該艦侵犯了中國領海,中國錯把"專屬經濟區"當成領海。

還有一個問題就是,這又不是法國海軍第一次穿越臺灣海峽,為什麼這次卻採取如此強硬態度?難道是因為海峽兩岸緊張局勢持續昇高?還是為了報復法國與日本的更緊密軍事合作関係?或是反制法國軍艦在北韓及日本海域進行巡邏?

Une partie de la presse française, d’une manière générale, dit que notre navire a été « intercepté ». C’est faux et c’est un abus de langage. A notre connaissance en effet, il n’a pas été militairement appréhendé, arrêté, arraisonné, ni contraint par la force ou même par la menace de la force à quitter le détroit. Il a pu suivre sa route normalement, du sud vers le nord. Il n’a donc pas été contraint de faire demi-tour bien que sommé de répondre à une injonction impérative. Il n’y a pas eu de tentative agressive à son encontre mais un jalonnement par au moins un bâtiment de la marine chinoise jusqu’à la sortie du détroit.

En revanche la presse anglo-saxonne dit plus raisonnablement que la frégate a été « avertie » ou « mise en garde ». Que notre navire ait été sommé de quitter les lieux, cela fait partie du jeu normal des tentatives chinoises d’intimidation contre tout navire considéré comme violant « le droit international aux couleurs chinoises ».

En tout état de cause, le Vendémiaire n’avait aucune autre intention que de traverser le détroit dans le cadre d’un simple transit, conformément aux règles du droit maritime international en termes de passage en transit dans les détroits. C’est la raison pour laquelle dire qu’il a été contraint de quitter le détroit est une ineptie, un abus de langage utilisé pour créer du sensationnel.

Une fois de plus, une interprétation abusive du droit de la mer par la Chine

En effet, contrairement à ce qu’affirme Pékin, le vaisseau français n’est pas passé dans les eaux territoriales de la Chine continentale, pas plus que dans les eaux territoriales taiwanaises. En effet, dans le détroit, dont la largeur varie entre 180 et 130 km, les eaux territoriales (12 milles marins, soit quelque 22 km) des deux entités chinoises ne se rejoignent absolument pas. En revanche ces deux dernières se partagent la partie centrale, hors mers territoriales, soit une bande de 136 à 86 km. C’est la partie de zone économique exclusive (ZEE) dont les deux rives chinoises, communiste et nationaliste, disposent chacune pour partie et qui se partage en deux selon une ligne médiane virtuelle.

Or une ZEE, hors secteur recouvert par la mer territoriale, n’est en aucun cas une mer territoriale. Par conséquent elle ne peut pas être sous souveraineté des pays riverains mais seulement sous droits souverains limités à des droits économiques et aux opérations de police qui s’y attachent. Par conséquent une ZEE est un espace où, en termes de navigation internationale, la liberté de circuler est totale, y compris pour les marines de guerre et les avions d’Etat. Cette liberté va même jusqu’à autoriser la pratique des exercices militaires, sous réserve bien sûr que les nécessaires mesures de sécurité liées à ces exercices soient respectées. En outre, il faut noter que si les articles 34 à 45 de la Convention des nations unies (CNDUM) fixent les conditions précises selon lesquelles le « passage en transit » de tout navire et aéronef dans les détroits doit s’effectuer, le Vendémiaire n’a à aucun moment dérogé aux règles fixées.

Ainsi lorsque la Chine prétend que le Vendémiaire a violé les eaux territoriales chinoises elle abuse une fois de plus de son interprétation erronée du droit de la mer puisqu’elle tend à considérer sa ZEE comme une mer territoriale. Une fois de plus puisque, rappelons-le, elle refuse de souscrire au verdict de la cour permanente d’arbitrage, en date du 12 juillet 2016, selon lequel ses prétentions sur la quasi-totalité de la mer de Chine du Sud selon le tracé en neuf traits, sont « sans effet légal »[1].

Silence radio de la France sur l’incident

Sachant que l’incident s’est produit le 6 avril, comment se fait-il que l’événement n’apparaisse dans la presse internationale que 19 jours après, alors qu’il aurait dû apparaître immédiatement dans la presse française ? Et que ce soit Reuters, sur témoignage d’Américains, qui donne l’information ?

Diffusée immédiatement cette information aurait alors pu être assortie d’une autre information officielle française. Celle-ci aurait alors révélé l’élévation d’une protestation à l’encontre de la Chine pour abus d’interprétation de la CNUDM, et par voie de conséquence de l’abus de droit que Pékin s’est arrogé dans le but de tenter de faire obstacle au droit de passage en transit d’un navire de guerre. En même temps, à titre de représailles à l’encontre de l’attitude chinoise, la France aurait pu déclarer elle-même qu’elle déclinait l’invitation chinoise à participer au 70ème anniversaire de la création de la marine de la Chine populaire, célébré le 23 avril à Qingdao, dans le Shandong. Or dans le cas de figure présent, c’est tout le contraire qui se produit puisque c’est la Chine qui prétend nous sanctionner et être dans son droit.

Avoir laissé à la fois aux Etats-Unis et à la Chine l’initiative de révéler publiquement l’incident revenait in fine à laisser croire que c’était la France qui avait commis une faute et que le transit de son navire était commandité par les Américains. Ainsi prendre les devants aurait évité de voir le monde entier spéculer sur ce dernier point et imaginer que notre pays est incapable de prendre des décisions motu proprio.

Une autre question qui se pose est de savoir pourquoi, alors que ce n’est pas la première fois qu’un navire de la marine française franchit le détroit, la Chine s’en prend cette fois-ci au Vendémiaire.

  • Est-ce à cause de la tension qui monte entre les deux rives du détroit ? Il est fort probable que ce soit l’un des éléments.
  • Est-ce par représailles envers la France pour le resserrement de ses relations de coopération militaire avec le Japon ?
  • Est-ce aussi par représailles pour la participation de la marine française, dont celle du Vendémiaire, aux opérations de surveillance des côtes nord-coréennes aux côtés du Japon ?

Autant d’hypothèses qui peuvent être ouvertes et même se cumuler.

Enfin, pour « ne pas froisser » Pékin, éviter de naviguer dans les zones maritimes où se rencontrent des problèmes avec lui revient à cautionner implicitement les interprétations fallacieuses chinoises du droit de la mer. Et par là cela revient à tolérer que le caractère inaliénable de la liberté de la navigation internationale dans et au-dessus des espaces marins internationaux puisse être écorné.

Général (2s) Daniel Schaeffer

Membre du groupe de réflexion Asie21 (www.asie21.com)

Ancien attaché de défense en Thaïlande, au Vietnam et en Chine

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