Brunei : Quel avenir pour le petit sultanat ?

Brunei avait annoncé, en 2013, l’introduction progressive de la loi islamique. Ce qui a été fait par étapes. La dernière est entrée en vigueur le mercredi 3 avril avec la mise en application de l’intégralité du code pénal islamique. Brunei est désormais le premier pays d’Asie du Sud-Est à l’avoir fait, autorisant ainsi les châtiments corporels (le hudûd) pour les peines pénales. Dès l’annonce de 2013, la communauté internationale avait dénoncé ce que l’ONU qualifie de « pas en arrière ». Depuis, des personnalités en vue appellent au boycott des biens du sultan, notamment des neuf hôtels de luxe qu’il possède en raison du caractère rétrograde et inéquitable de la loi selon eux. Deux questions de fond se posent à ce stade : la capacité d’entraînement du petit sultanat sur les autres pays à majorité musulmane d’Asie du Sud-Est et celle de son avenir, riche en hydrocarbures mais qui n’a pas réussi à transformer son économie.

Brunei announced in 2013 the gradual introduction of Islamic law. That has been done in stages. The last came into effect on Wednesday, April 3 with the implementation of the integrity of the Islamic Penal Code. Brunei is now the first country in Southeast Asia to have done so, allowing corporal punishment (hudûd) for criminal offences. Since the announcement in 2013, the international community has denounced what the United Nations describes as  a “step backwards”. Since then, leading figures have been calling for a boycott of the Sultan’s property, including the nine luxury hotels he owns because of the retrograde and unfair nature of the law. Two fundamental questions arise at this stage: the leading capacity of the small Sultanate over the other Muslim-majority countries of South-East Asia and that of its future, rich in hydrocarbons, but which has failed to transform its economy.

FAITS

Le 22 octobre 2013, le sultanat de Brunei – situé sur la côte nord de l’île de Bornéo –, introduit la loi islamique « pour remplir son devoir envers Allah » comme l’indique le sultan Hassanal Bolkiah ; jusqu’à cette date, la compétence des tribunaux islamiques était limitée aux affaires familiales et la consommation d’alcool interdite.

La mise en application s’est faite en trois étapes :

  1. 1.amendes et peines de prison,
  2. 2.peines plus sévères comme amputation,
  3. 3.peines de mort.

Dès mai 2014, de premières dispositions ont été introduites avec des amendes ou des peines de prison pour exhibitionnisme ou manquement à la prière du vendredi.

Fin 2015, des peines plus sévères ont été introduites ; cette même année, la fête de Noël a été interdite et les chrétiens sommés de demander à l’avance une autorisation pour organiser des festivités.

À partir de 2018, les premiers châtiments corporels ont été introduits.

Désormais, le Brunei applique la loi de façon stricte comme l’Arabie saoudite. En France, le ministère des Affaires étrangères a appelé le sultan à « renoncer à ce projet et à maintenir son moratoire de fait des exécutions capitales depuis 1957 » pendant que l’Union européenne condamnait la nouvelle législation dont certains aspects relèvent « de la torture ou d’actes cruels, inhumains et dégradants ».

La nouvelle législation n’est applicable en théorie qu’aux seuls musulmans  (les deux tiers des quelque 430 000 habitants) ; la loi cohabite avec le régime de common law hérité de la période coloniale britannique mais elle peut s’étendre aux non-musulmans dès lors qu’ils sont complices d’un délit commis par un musulman. L’islam est religion officielle et sa pratique est réputée plus conservatrice qu’en Malaisie ou en Indonésie ; d’ailleurs, la pratique des autres religions (13 % de bouddhistes et 10 % de chrétiens) y est sévèrement réglementée.

Dans les faits, la loi sera difficilement applicable (nécessité d’avoir plusieurs témoins, nécessité d’avouer, pas de jurisprudence à laquelle se référer…).[…]

Sophie Boisseau du Rocher, Asie21

Extrait de la Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n°127 avril 2019

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