Le livre blanc français et l’Asie

Le Livre blanc peut être considéré comme :

  • l’angle de vue officiel français, selon lequel :
    • l’Asie, moteur économique mondial et creuset de tensions, impose une présence ;
    • l’Asie ne sera pas une terre d’engagement, mais de coopération politico-stratégique ;
    • l’évolution des tensions géopolitiques en Asie est difficilement prévisible ;
    • les États-Unis se recentrent sur la zone Asie-Pacifique ;
  • une problématique à exploiter en prospective.

1-   L’Asie, moteur économique mondial et creuset de tensions

Le poids démographique, économique, politique et militaire de l’Asie en fait aujourd’hui une région qui concentre des enjeux et des intérêts de sécurité importants. Une crise majeure en Asie aurait des conséquences économiques, commerciales et financières sérieuses pour l’Europe.  

Principal foyer de croissance économique du monde au cours des trente dernières années, l’Asie a connu un développement économique considérable, qui s’est opéré dans un contexte politique fragile. Depuis 2005, la combinaison de conflits de souveraineté persistants, de croissance forte des dépenses militaires et de nationalismes – exutoire commode en cas de troubles sociaux – font peser un risque d’instabilité sur l’Asie. Ce risque s’aggraverait si la croissance économique venait à ralentir.

Deux géants économiques, la Chine – qui a développé son arsenal nucléaire, ses capacités de projection et de cyberattaque – et l’Inde, ont émergé. Le Japon, membre du G 8, est un acteur essentiel. Le dynamisme remarquable de la Corée du Sud, de l’Indonésie, de la Malaisie, de Singapour ou de la Thaïlande se traduit par une prise croissante de responsabilité. Cependant, les organisations de coopération régionale ne disposent pas encore des moyens nécessaires pour désamorcer les crises et les conflits de souveraineté.

Au total, les rapports de force comme les dynamiques économiques évoluent rapidement dans le continent et l’évolution des tensions géopolitiques y est difficilement prévisible.

2-   Lieux de tensions 

  • La péninsule coréenne, divisée par la frontière la plus militarisée du monde est le lieu autour duquel les incidents sont les plus nombreux ;
  • le Cachemire, contentieux indo-pakistanais et facteur de déstabilisation ;
  • l’Afghanistan, à la veille du retrait de la Coalition, de l’élection présidentielle (2014) et de scrutins législatifs (2015) reste un pays très instable ;
  • l’Iran et ses tentatives pour acquérir une capacité nucléaire militaire ;
  • le détroit de Taïwan ;
  • plusieurs parages maritimes sont marqués par les revendications territoriales d’États riverains :
    • mer de Chine méridionale, Paracels (Chine, Taiwan, Vietnam) et Spratleys (Brunei, Chine, Malaisie, Philippines, Vietnam), mer sur laquelle la Chine proclame sa souveraineté ;
    • mer de Chine orientale, Senkaku/Diaoyu (Japon et Chine) ;
    • mer d’Okhotsk : Kouriles (Russie et Japon) ;
    • mer du Japon : Dokdo/Takeshima/rochers Liancourt (Corée du Sud et Japon).

3-   Menaces

La prolifération nucléaire

En Iran, au Pakistan et en Corée du Nord, l’acquisition ou les tentatives d’acquisition d’armes nucléaires et la détention de vecteurs de portée croissante s’imbriquent dans des crises régionales préexistantes, qui devront être résolues simultanément avec la lutte contre la prolifération. Un scénario dangereux : l’effondrement d’un État nucléaire. L’augmentation des risques s’est amplifiée depuis 2008. La banalisation de l’arme nucléaire peut la faire considérer comme un moyen du champ de bataille. Dès à présent, les missiles balistiques iraniens peuvent atteindre certains pays de l’UE et de l’OTAN, les forces françaises déployées au Liban et en Afghanistan), plusieurs points d’appui et bases militaires ainsi que les Émirats arabes unis, Qatar, Koweït et Djibouti, auxquels la France est liée par des accords de défense.

Les menaces chimique et biologique

La prolifération chimique est difficile à détecter du fait de l’utilisation militaire de produits industriels civils. Le domaine biologique est dual par nature (les biotechnologies s’appliquent à la santé ou à l’alimentation). 

4-   Grands pays asiatiques ou impliqués en Asie

Chine

L’équilibre de l’Asie orientale a été modifié en profondeur par la montée en puissance de la Chine, l’une des puissances structurantes de la mondialisation.

Inde

L’Inde apparaît comme un facteur de stabilité dans la région.

Russie

La France a fait de la coopération étroite avec la Russie l’un de ses objectifs politiques au sens des articles 36 à 39 de la Déclaration du sommet de l’OTAN, Chicago, mai 2012. Cependant, la relation avec Moscou doit être entretenue et consolidée en permanence dans un contexte où les logiques de puissance et d’interdépendance mêlent convergences (Mali, Afghanistan) et divergences (Syrie). Un difficile équilibre entre coopération militaire et question énergétique est probablement appelé à durer. La dépendance énergétique de l’Europe à l’égard de la Russie, du Caucase et de l’Asie centrale reste en effet importante. En terme de sécurité, la consolidation de la stabilité à ses marges orientales est un enjeu essentiel pour l’Europe et donc pour la France.

Turquie, membre actif de l’OTAN, occupe dans la sécurité de l’Europe une position irremplaçable à la charnière de plusieurs espaces stratégiques. Son action et son rayonnement régional, son dynamisme économique, son potentiel industriel et technologique ainsi que la densité des relations qu’elle entretient avec des pays de l’Union européenne, dont la France, en font un allié de premier plan.

États-Unis

Le renforcement de la présence militaire américaine dans la région peut contribuer à la maîtrise des tensions régionales et faciliter la naissance d’instruments visant à assurer une gestion pacifique des différends. Washington consolide son engagement politique à travers une présence active, les partenariats stratégiques et ses réseaux de coopération. Le rééquilibrage du dispositif militaire américain vers l’Asie-Pacifique constituera un « facteur dimensionnant » pour la France, puissance souveraine et acteur de sécurité dans l’océan Indien et dans le Pacifique. Pour autant, l’engagement américain ne décharge pas la France de ses responsabilités.

5-   La France et l’Asie en matière de défense et sécurité

Comme ses partenaires européens, la France n’est pas directement menacée par des conflits potentiels entre puissances asiatiques mais elle n’en est pas moins concernée à différents titres :

  • elle juge primordiales la lutte contre le terrorisme, la prolifération nucléaire et la sécurité de ses approvisionnements énergétiques ; face aux risques et menaces, l’action militaire reste une donnée essentielle de sa sécurité ;
  • ses entreprises et ses ressortissants sont en nombre croissant dans la région ; sa prospérité est désormais liée à celle de l’Asie-Pacifique ;
  • puissance riveraine dans le Pacifique et l’océan Indien, cœur d’enjeux stratégiques mondiaux (la sécurité de la voie d’accès maritime vers l’Asie est une priorité pour la France et pour l’Europe, opération Atalante) ;

Ses positions en matière de défense et sécurité dans la région

La stabilité de la zone asiatique et la liberté de navigation dans le Pacifique sont des priorités diplomatiques et économiques de la France. Sa présence y apparaît comme un facteur de stabilité, susceptible d’apporter une aide immédiate, notamment en cas de catastrophe naturelle, grâce à ses moyens pré-positionnés outre-mer.

Accords multilatéraux

  • Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, la France soutient une réforme de celui-ci qui ferait place à de nouveaux membres permanents, dont l’Inde et le Japon.
  • Signataire du Traité d’amitié et de coopération en Asie du Sud-Est lors du premier Sommet de l’ASEAN, Bali, 24 février 1976.
  • Membre permanent de la Commission d’armistice militaire du Commandement des Nations unies en Corée (UNCMAC) ;
  • Associée au rôle de l’UE au sein du Forum régional de l’ASEAN (ARF), elle souhaite approfondir son action auprès des organisations régionales de sécurité.

Accords bilatéraux

  • partenariat global avec la Chine (1997) ;
  • partenariat stratégique avec l’Inde (1998) ;
  • relation privilégiée, avec l’Australie en (2012) ;
  • traité d’amitié et de coopération avec l’Afghanistan pour 20 ans.

Relations bilatérales

  • Coopération de défense avec l’Indonésie, la Malaisie, Singapour et le Vietnam.
  • Relations de confiance avec tous les pays de la région, notamment avec la Corée du Sud et le Japon.
  • Alliée des États-Unis et reconnaissance de son rôle central (sécurité) dans la région. 

Rémi Perelman, Asie21