Passion gastronomique, de Christine et Patrice van Ackere, éd. Balland, octobre 2018

préface de Bernard Pacaud, chef trois étoiles de l’Ambroisie

Quand un couple au profil atypique (Patrice van Ackere, officier général passé par l’ENA, a été membre de jurys culinaires et son épouse, biochimiste de formation, a été recrutée comme chef par les propriétaires d’un restaurant à la suite de leur lecture du livre) consacre d’une dizaine d’années de travail à un livre, le résultat est un est un ouvrage original à plusieurs titres.

Passion gastronomique nous emmène dans un tour du monde qui permet de comprendre les diverses dimensions de la gastronomie des peuples, culturelle, historique et économique. On comprend par exemple à quel point l’histoire de la Chine et celle de sa gastronomie se confondent. Puis, après un survol historique qui permet de mieux comprendre où nous en sommes et où nous allons, l’ouvrage analyse la place de la gastronomie dans la littérature, la peinture, le cinéma et la musique. Enfin, l’importance de la place de la gastronomie dans les religions et la politique est soulignée, là aussi avec quelques surprises.

Par ailleurs, le livre explore le plaisir de tous les sens à table, fournit aux lecteurs des méthodes pour créer eux-mêmes des recettes, et apporte des éléments pour choisir en toute connaissance, accorder mets et vins et cuisiner de manière relaxante tout en gagnant du temps.

Ce caractère original et complet a convaincu le chef triplement étoilé d’un des plus prestigieux restaurants parisiens de préfacer cet ouvrage, qui s’adresse à un public très large et dont la lecture justifie le sous-titre « Devenir un gourmet éclairé et même un cuisinier virtuose ».

Extraits

Le plus authentique de la Chine

La complexité de la cuisine en Chine justifie que soit analysés séparément l’esprit, les régions, le style et que soit présentée en marge la cuisine japonaise, tant l’influence chinoise a été forte sur cette dernière.

  1. L’esprit de la cuisine chinoise

La cuisine chinoise fait partie intégrante de l’identité chinoise, probablement plus que partout ailleurs dans le monde. Cela s’explique par l’histoire, la philosophie et la géographie de la Chine.

  1. L’histoire de la Chine et celle de la cuisine chinoise se confondent

Quel que soit l’angle sous lequel l’histoire de la Chine est étudiée, la cuisine est un des déterminants essentiels, y compris dans le domaine politique :

  • les premiers cultes chinois vénéraient les héros mythiques de la chasse, de l’élevage et de la culture ; l’inventeur de la cuisine serait Fu Hsi, héros mythique chasseur et pêcheur, l’inventeur des plantations de céréales (et du pilon et mortier) serait Huang Ti, « saint patron » du taoïsme ;
  • le premier empereur qui a unifié les Chinois (Yu, au XXIe s avant JC) a été vénéré plus pour son action de maîtrise des eaux qui a permis l’irrigation que pour son rôle politique ;
  • depuis les temps les plus anciens, le premier objectif de tout dirigeant a toujours été de faire en sorte que les bols des Chinois soient remplis de riz ; c’est ce qui a fait la légitimité du régime né en 1949, en réaction à l’incapacité du régime antérieur en la matière ;
  • l’histoire de la Chine étant fondamentalement marquée par une incessante succession de famines, tous les héros nationaux ont toujours un lien avec le boire et le manger, les dieux de la cuisine sont présents sur les autels familiaux et des offrandes alimentaires sont faites aux morts.

L’histoire de la Chine, c’est aussi l’histoire d’un peuple qui a constamment eu à résister aux pénétrations étrangères et à faire face, dans la moitié nord, à un climat ingrat. Ces deux phénomènes se retrouvent dans la gastronomie d’aujourd’hui.

C’est sous la dynastie des Hans (à partir de 206 avant JC) que des inventions alimentaires ont permis de faire face à la rudesse d’un hiver de près de six mois sans récolte possible, dans toute la moitié Nord. Ainsi ont été inventées les pâtes, pour avoir du stock d’aliment à base de céréales faute de légumes. En même temps, la conquête du Sud de la Chine a amené de nombreux fruits exotiques (orange, noix de coco, litchi, lotus…), et les expéditions vers l’Asie centrale ont enrichi la cuisine de nouveaux fruits, légumes et aromates (ail, coriandre, petits pois, sésame, raisin).

La résistance aux envahisseurs du Nord (et malgré la construction de la Grande Muraille) n’a pas empêché le gel de tout progrès gastronomique : avant l’extension vers le Sud, les Hans n’avaient que des fromages insipides et du mouton bouilli. Les Mongols ont néanmoins laissé des traces : viande de cheval, repas rustiques préparés au-dessus de la braise d’un barbecue, plats encore présents dans la cuisine du Nord.

Sous la dynastie Tang, bien que de courte durée (618-907), ont été apportés des éléments importants pour la suite : cuisson remuée à feu vif dans un wok, distillation de l’alcool de riz, importation de nouveaux légumes et aromates (aneth, aubergine, épinard, muscade, safran) ; cette dynastie a par ailleurs ouvert la porte au végétarisme bouddhique.

La période Xe-XIIIe siècle est importante, car les invasions venues du Nord ont eu un double effet : c’est au Sud que la cuisine s’est le plus développée (cuisine qui ultérieurement fera rayonner son raffinement). En outre, faute de pouvoir poursuivre les échanges avec le Nord, le Sud a recherché des nouveautés à l’étranger (Indonésie, Inde, Vietnam). L’apport du Vietnam n’est pas négligeable : le riz à cueillette précoce permet d’accroître la production et de mieux nourrir la population.

C’est néanmoins sous les Ming (1368-1644) que s’est développée la cuisine moderne, diffusée par une cour raffinée. Sous la dynastie Mandchoue (1644-1911), les seigneurs ont pu savourer plus de deux siècles de paix et de prospérité, qui sont à l’origine d’une gastronomie luxueuse et diversifiée (enrichie de l’apport d’épices par les marchands portugais).

Le XIXe siècle voit se développer la production de bière et de vin, sous l’influence des Européens. En même temps commence la grande émigration de Chinois qui, en constituant une diaspora, va créer une cuisine adaptée aux goûts occidentaux mais qui va s’éloigner de la vraie cuisine chinoise.

  1. La philosophie chinoise

La philosophie chinoise repose notamment sur le concept d’une harmonie naturelle. Dès le XVIe siècle avant J.C, l’érudit Yi Yin formalisait une théorie de l’harmonisation des nourritures, où les cinq goûts (sucré, salé, aigre, amer, piquant) étaient corrélés avec les besoins physiologiques des cinq organes vitaux qui sont le cœur, les reins, le foie, la rate et les poumons. Cette théorie a produit dès cette époque une liaison très forte, toujours actuelle, entre médecine et alimentation. L’importance des équilibres a aussi emprunté à la médecine chinoise la notion de complémentarité des corps froids et des corps chauds, qui a toujours sa traduction dans la gastronomie et que l’on retrouve dans tous les repas.

Enfin, bien entendu, le yin et le yang gouvernant l’existence, la dualité de ces principes se retrouve dans la cuisine : les plats comportent toujours une composante yin (tendre, douce, féminine) et une composante yang (dure, vigoureuse, masculine).

La cuisine chinoise est donc née de la rencontre de goûts et de saveurs toujours complémentaires, les contrastes devant s’équilibrer. Un plat équilibré est donc riche, un peu épicé, légèrement pimenté et un peu sucré.

Une cuisine équilibrée, c’est une vie équilibrée, ainsi que l’illustre le propos de Confucius : « Si tu sais aimer les bonnes choses de la vie, tu sais aimer la vertu ».

La recherche de l’équilibre est aussi une volonté d’équilibrer les perceptions par les sens. Toute personne qui s’apprête à se nourrir doit avoir bénéficié d’un éveil de tous ses sens : la vue et l’odorat sont même plus importants que le goût, puisque ce sont ces deux premiers sens qui vont éveiller le goût. Ainsi s’explique l’accent mis sur les présentations esthétiques et sur les arômes. L’ouïe n’est pas en reste puisque la cuisine compte un bon nombre de plats qui craquent ou qui se croquent. Les bruits qu’il convient de faire à table répondent à un rituel bien codifié, dicté par la convivialité : un repas en Chine est toujours bruyant mais ne l’est pas de manière désordonnée.

Cette recherche d’équilibre a aussi une traduction politique : Lao Tseu a dit que « gouverner une grande nation, c’est comme cuire un petit poisson », soulignant que l’on ne peut négliger tous les éléments nécessaires à l’accompagnement d’un plat ou à la mise en œuvre d’une politique.

  1. La géographie

La géographie est le troisième déterminant majeur de la cuisine chinoise :

  • l’immensité du pays, avec un territoire pour l’essentiel montagnard ou au climat rude, avec le style d’alimentation attaché aux capacités souvent limitées de production (prédominance de céréales, conservation longue en marinade ou en saumure), mais aussi la richesse exotique apportée par les jardins tropicaux du Sud ;
  • une démographie importante dès l’origine (le noyau de ce qui allait devenir une Chine plus étendue comportant déjà beaucoup plus d’habitants que tous les territoires réunis de l’empire romain à son apogée) : le besoin de nourrir une population nombreuse est à l’origine de la prédominance des végétaux (avant même l’inspiration bouddhiste) car, dans un pays où la terre arable est limitée, un hectare planté de végétaux nourrit un nombre de personnes bien plus grand que la même surface dédiée à l’élevage ;
  • un pays traditionnellement pauvre en sources d’énergie : il a donc développé un mode de cuisson rapide, au wok, ce qui suppose que tout aliment soit débité en petits morceaux ou en lanières ;
  • un pays pauvre, qui a toujours mis l’accent sur les légumes et, pour la viande, sur le cochon et la volaille ; en effet, il s’agit d’animaux à croissance très rapide, qui nécessitent peu de soins, se nourrissent des restes des repas de leurs maîtres et qui peuvent se contenter de la petite cour de la maison de ces derniers comme lieu de vie.
  1. Les régions de la cuisine chinoise

Si l’on parle de cuisine chinoise au singulier, c’est par commodité de langage, car il y en a au moins quatre. Cette classification est importante car il paraît difficile de préparer un repas qui ne soit fondé sur une certaine harmonie régionale.

  1. La cuisine du Nord

La cuisine du Nord, dans un rayon assez étendu autour de Pékin (Beijing) traduit le climat rude qui la caractérise. On y trouve donc beaucoup de boulettes de viandes, des ragoûts, des céréales et légumes rustiques (pomme de terre, navet), relevés avec ail, oignon et sauce de soja salée.

La sauce de soja est très présente (inventée pour conserver les légumes durant les longs hivers). C’est la seule gastronomie de Chine qui soit marquée par la triple influence mongole (barbecue), musulmane (mouton, chevreau, âne) et européenne (Riesling, Chardonnay et bière). Au sein de cette région, Pékin représente un cas à part : c’est là que s’est développée la cuisine impériale (exemple du canard laqué) et c’est là que s’est fait le plus sentir l’attraction de bons cuisiniers venant de toutes régions pour ouvrir des restaurants grâce aux moyens financiers importants des gourmets fortunés de la capitale.

  1. La cuisine de l’Est

La cuisine de l’Est, centrée sur Shanghai est la moins connue à l’extérieur du pays car c’est celle qui a le moins rayonné. C’est une cuisine lentement mijotée (notamment avec du vin de riz) ou braisée, avec très peu de friture et un peu de cuisson vapeur. Elle est marquée par la recherche de goûts aigres-doux, la viande étant fréquemment préparée avec un ajout de sucre.

La proximité de la mer explique l’abondance de poissons et de fruits de mer ; le climat moins rude qu’au Nord permet une relative abondance de légumes. La cuisine de cette région utilise beaucoup de riz, de maïs, d’arachide, de patates douces et surtout de chou (celui que l’on connaît en Europe sous le nom de chou chinois). Porc et poulet sont omniprésents. Cette région est aussi celle du crabe velu d’eau douce, réputé d’une telle finesse qu’un nombre incalculable d’amateurs, y compris étrangers, parcourent des milliers de kilomètres pour venir le déguster en saison.

  1. La cuisine de l’Ouest

La cuisine de l’Ouest, centrée autour de la région Sichuan, est la plus surprenante. C’est à la fois la cuisine la plus épicée et la plus imprégnée d’influences extérieures :

  • saveurs pimentées du sous-continent indien ;
  • immense variété de légumes, héritage du bouddhisme végétarien ;
  • influence thaïlandaise du fait de la migration des cuisiniers (dans les deux sens).

Il s’agit d’une cuisine paysanne mêlant des goûts très divers et longue à préparer. La région du Sichuan a une approche différente des goûts par rapport au reste du pays : on y distingue sept goûts : aux quatre goûts fondamentaux, s’ajoutent le goût « odorant » (ail, gingembre…), le goût épicé (piment, poivre) et le goût de noix (sésame…). Le célèbre poivre de Sichuan y a été élaboré, par un subtil mélange de poudre de piment et de poivre noir.

A titre anecdotique, on rappellera que le Sichuan est aussi la région du bambou, dont on mange les jeunes pousses, mais surtout alimentation exclusive du panda, emblème de la région.

  1. La cuisine du Sud

La cuisine du Sud, centrée sur Canton (Guangzhou), connue sous le nom de cuisine cantonaise est celle qui correspond le plus à la cuisine chinoise telle que la perçoit le reste du monde.

Cette cuisine est marquée par plusieurs traits typiques, en grande partie dus à sa position géographique méridionale, tropicale et maritime :

  • grande diversité de fruits et légumes permise par le climat chaud et humide ;
  • variété quasi infinie des produits de la mer ;
  • goût pour les produits ultra frais, ce qui explique le mode de cuisson très rapide (pour conserver le goût) et le peu d’assaisonnement (sel, gingembre, petits oignons toujours en petite quantité, pour la même raison) ;
  • importance du canard et de la carpe, du fait du grand nombre de lacs et étangs.

La cuisine cantonaise est la plus élaborée et la plus raffinée de Chine ; cela s’explique par la tradition des cuisiniers, qui ont développé leur art à partir de la difficulté de cuisiner les produits de la mer et qui ont fait, depuis plus de deux mille ans, de la compétition entre eux un art toujours vivant. La richesse de cette cuisine se perçoit aussi dans ses diverses composantes régionales (Tcheou Tchow, Fou Kien…) toutes plus raffinées les unes que les autres.

  1. Autres cuisines

Une fois affirmé que la cuisine chinoise se subdivisait en quatre cuisines, l’essentiel a été dit, mais pas tout : d’autres cuisines existent en marge, difficiles à classer. La principale est la cuisine du Sud-Ouest, celle du Yunnan, qui est une cuisine de synthèse d’influences indienne, vietnamienne mais aussi du Sichouan et du Nord.

III. Le style de la cuisine chinoise

Le style de la cuisine chinoise est marqué par cinq qualités :

  1. La convivialité

Tout repas se fait dans la convivialité : il se fait autour d’une table ronde, on y boit beaucoup, ensemble, on est souvent bruyant et l’aspect ludique n’est jamais absent. Ce dernier se manifeste par les jeux réalisés au cours du repas, le plateau tournant au centre de la table et les verres à digestif, dont le liquide révèle, par effet grossissant, une image polissonne, de nature différente selon que le convive est un homme ou une femme.

Si tous les convives ont leur assiette (de taille relativement petite, en porcelaine), un bol et une ou deux petites soucoupes pour les sauces, les plats sont collectifs. En principe, autant de plats que de convives sont servis (donc plus il y a de convives, plus la cuisine est variée).

Dans une famille chinoise, la convivialité n’empêche pas de respecter la règle selon laquelle on ne finit pas ses plats, ce qui pourrait offenser la maîtresse de maison, ainsi soupçonnée d’avoir calculé un peu juste.

  1. L’importance du plaisir visuel

Le plaisir visuel est essentiel : c’est lui qui va ouvrir l’appétit (il n’y a pas d’apéritif dans les repas chinois). La recherche de plaisir visuel ne surprend pas, dans un pays où l’esthétique marque tous les aspects de la culture. Le fait que les légumes, viandes et fruits soient toujours taillés en morceaux ou en lamelles facilite les choses, car on peut aisément créer des compositions artistiques.

En principe, les plats qui tiennent lieu d’entrée doivent présenter trois à cinq couleurs naturelles (jaune, orange, rouge, beige, blanche, noire). Les deux ou trois ingrédients qui accompagnent le plat principal doivent être de couleur contrastée. A titre d’exemple, champignons noirs et navets blancs produiront un meilleur effet que carotte et patate douce.

  1. L’importance des arômes et des saveurs

Les Chinois ne se précipitent pas avec leurs baguettes sur les plats qui leur sont servis : ils les hument, les dégustent avec leur nez. Les arômes qui se dégagent des plats ont aussi pour rôle d’ouvrir l’appétit.

Cette importance des arômes a une triple traduction concrète. Tout d’abord, ne seront servis que des aliments de première fraîcheur. Ensuite, le mode de cuisson choisi sera toujours celui qui préserve les arômes naturels (vapeur ou cuisson rapide au wok). Enfin, seront privilégiés des exhausteurs naturels de goût que sont l’échalote, l’huile de sésame ou l’anis étoilé (en petite quantité). Soulignons par ailleurs la permanence des ingrédients à forte saveur : ail, gingembre, piment, poivre, champignons noirs…

La complexité des arômes et des saveurs est aussi recherchée par la multiplicité des ingrédients qui se combinent entre eux pour dégager des arômes complexes et rehausser la saveur des plats.

4    L’importance des légumes

La cuisine chinoise ne se conçoit pas sans (plusieurs) légumes. Cette importance a des raisons qui ont déjà été évoquées pour trois d’entre elles : la démographie (une surface donnée plantée en végétaux nourrit beaucoup plus de personnes que la même surface mise en herbage pour animaux), la pauvreté et le bouddhisme. Il s’y ajoute l’influence des sciences de la médecine, puisque la médecine chinoise traditionnelle prête aux herbes et aux légumes de multiples vertus. En Chine, nombreux sont les cuisiniers et les vendeurs de primeurs ou d’herbes dont les connaissances médicales n’ont pas beaucoup à envier à celles d’un pharmacien occidental.

5    L’omniprésence du soja

La cuisine chinoise est marquée par l’omniprésence du soja. La raison d’être de cet usage du soja est intéressante.

En effet, le soja présente de nombreux avantages : il présente une teneur en protéines d’environ 40% (soit deux fois plus que le poisson ou la viande) ; il est riche en lécithine (qui facilite le métabolisme des graisses en participant à leur émulsion, régulant ainsi le taux de cholestérol dans le sang) et contribue à reconstituer les cellules cérébrales (réduisant ainsi les facteurs de fatigue) ; il contient aussi une proportion élevée de lysine, enzyme qui facilite la digestion des céréales, ce qui est important dans un pays où le riz est présent quasiment à tous les repas.

La cuisine dans la peinture

 

L’alimentation est un sujet central pour l’art depuis toujours, comme l’amour et la mort. La nourriture est un élément indispensable à la survie de l’homme et de ce fait elle occupe une place privilégiée parmi ses centres d’intérêts et ses représentations. Elle l’est sous un angle triple : représentation d’aliments en tant que tels, images de la vie quotidienne autour de l’alimentation et représentation de vie sociale humaine à l’occasion de repas.

La peinture reflète bien les priorités des sociétés dans lesquelles vivent les peintres. C’est ainsi que les repas représentent une proportion élevée des œuvres françaises, mais qu’ils sont quasiment absents des tableaux anglais (les rares exceptions font apparaître que le sujet est ailleurs), la peinture allemande est encore plus illustrative à ce propos : quasiment aucune œuvre représentant des scènes de tables (les rares exceptions étant d’inspiration religieuse).

Les peintures chinoise, japonaise et coréenne ne font jamais partager un repas, leur but n’est pas d’étudier les rapports sociaux au travers de la table. Elles montrent tout au plus des paysans en plein labeur (cela n’exclut pas quelques paysages, avec sous un préau, des paysans attablés), car dans ces trois pays, la priorité a toujours été de produire suffisamment d’alimentation pour nourrir la population. Si l’un des Rouleaux des légendes du mont Shigi (début du XIIè siècle) représente un moine qui commande à ses visiteurs de déposer un sac de riz dans son bol, il ne s’agit pas de repas. Plus récemment, probablement sous l’influence de l’internationalisation des inspirations, des peintres japonais se sont intéressés à la cuisine, à l’exemple d’Utagawa Toyokuni qui, au début du XIXè siècle, représente dans une estampe un cuisinier en train de préparer du poisson et encore n’est ce qu’un élément parmi d’autres.

[extrait]

The Last Supper, peint par l’artiste chinois Zeng Fanzhi en 2001 est une libre adaptation de la Cène de Léonard de Vinci. Ce dernier dîner met en scène douze pionniers chinois, dont leur chef (exemple unique de Christ communisant), tous avec le foulard rouge des pionniers méritant, sauf un, censé incarner Judas, qui porte un foulard jaune (symbolisant le pouvoir de l’argent). Les personnages mangent de la pastèque, dont la couleur permet de symboliser en même temps le pain et le vin, de surcroît fruit parmi les plus courants en Chine. Les visages ne sont pas très expressifs, car les personnages portent tous le même masque, comme dans un grand nombre de tableaux de Zeng.

 

La cuisine au cinéma

L’histoire du cinéma montre que la célébration de la chère est omniprésente. Qu’il s’agisse de montrer l’importance de retrouvailles amicales autour d’une table, le romantisme d’une relation amoureuse qui se noue ou se défait à l’occasion d’un dîner, la froideur de règlement de comptes entre amis ou membres d’une famille autour d’un repas, le cinéma fait toujours une place importante à la table. Un déjeuner ou un dîner est toujours l’occasion de rencontres, de dialogues riches, de drames, d’incompréhension ou de découvertes.

Le cinéma rend fréquemment hommage aux professionnels de la gastronomie. L’aile ou la cuisse, La Cuisine au beurre, Le Cuisinier du roi, Le Festin de Babette, le Cuisinier, Le voleur, sa femme et son amant […]. Ce n’est pas par hasard si le cinéma des pays de forte tradition culinaire est fréquemment tourné vers les plaisirs de la table ; France, Italie, Chine et Japon se distinguent des autres, de ce point de vue.

De nombreux films mettent en valeur la gastronomie dans les rapports humains et ce dans de nombreux pays, comme le montre la liste d’une cinquantaine de films présentée par ordre alphabétique, non exhaustive bien entendu.

[extraits]

Le Festin Chinois : comédie chinoise de Tsui Hark (1995). Le patron d’un des meilleurs restaurants de Hong Kong se voit lancer un défi par un concurrent, maffieux, qui lui propose comme enjeu son propre restaurant. Le duel culinaire (tradition qui a plus de deux mille ans en Chine) sera arbitré par un jury d’experts chinois et japonais. Avec un rythme assez soutenu, le film fait une part importante aux scènes très visuelles, tout en mouvement et en couleurs, de chefs s’entraînant puis s’affrontant. Ils tranchent légumes et poissons comme des karatékas et sculptent fruits et légumes comme des magiciens, en faisant preuve d’une créativité plus que surprenante, mais toujours sur fond de tradition ancestrale et de passion professionnelle.

La Nouvelle Cuisine : comédie chinoise (de Hong Kong), de Fruit Chan (Dumpligs, 2004). Une riche star arrivée à la quarantaine a envie de restaurer la passion de son mari en consommant des plats à base de fœtus humains. Par la suite elle va apprendre à cuisiner des fœtus…Des adultères sur fond de cuisine inavouable vont compliquer l’intrigue.

Tampopo : comédie japonaise de Juzo Itami (1985) ; film qui relate la vie d’une restauratrice japonaise qui veut retrouver une recette de soupe aux nouilles ; elle s’engage dans une recherche de raffinement qui la fait assimiler à une quête du Graal, pendant que d’autres personnages ont des aventures qui mêlent sentiments et gastronomie.