Cambodge : Pas de salut hors de la Chine ?

La crise du Coronavirus a bien atteint le Cambodge mais pas de la façon dont les observateurs l’attendaient : s’il y a bien eu quelques cas, le Cambodge a remarquablement bien résisté à l’épidémie sanitaire. Les dégâts sont à compter ailleurs : dans la dégradation de l’économie qui incite les autorités à compter encore plus sur une dynamique chinoise qui les maintient hors flot. La lente transformation du royaume en province chinoise se poursuit.

FAITS

Le coronavirus n’a pas touché le Cambodge : à peine 141 cas, pour la plupart des étrangers, ou des Khmers qui ont contacté la maladie à l’étranger (dont 19 venant de Malaisie, le 27.06). On se souvient que le Premier ministre Hun Sen se vantait que le virus ne pouvait sévir dans son pays et qu’il a accueilli en grande pompe, et avec une mise en scène soignée, les étrangers bloqués sur un navire de croisière (le Westerdam) en février dernier avant de les renvoyer chez eux, guéris (à la chloroquine).

En mars 2020, des mesures liberticides décidées au nom de la lutte contre la pandémie (qui ne sévissait pourtant pas) ont été annoncées : interdiction de réunions publiques, interdiction des services religieux tant bouddhistes que musulmans ou chrétiens, restriction de la circulation, interdiction d’Internet la nuit, interdiction de l’enseignement depuis la maternelle jusqu’aux études supérieures, nationales ou internationales,  fermeture de la poste, suppression du nouvel an khmer, du 13 au 16 avril. Les enfants des écoles sont privés d’enseignement, d’abord jusqu’en novembre, puis jusqu’en fin d’année. Le personnel des écoles internationales en sont pour leurs frais. Progressivement, les instituteurs ont mis en place un système d’enseignement d’une demi-journée par semaine, les étudiants suivent tant bien mal leurs cours diffusés par Internet. Depuis le 8 juin, les réunions de moins de 50 personnes sont à nouveau autorisées. Et partout, en permanence, sur les ondes, dans les messages téléphoniques diffusés par les opérateurs, la nécessité de faire confiance au gouvernement dans sa lutte contre la pandémie.

Depuis le 8 juin, les arrivées au Cambodge sont soumises à un règlement strict : avoir un certificat médical attestant la non-contamination datant de 72 heures établi dans le pays de départ, une somme de 3 000 dollars versés comme caution en cas de maladie, être inscrit à une assurance d’au moins 50 000 USD. Pour visiter le Cambodge, les arrivants doivent faire un test coûtant 165 USD. Si l’un des voyageurs est positif, tous devront passer 14 jours de supervision par les autorités locales, ce qui coûtera 1 000 USD par personne. En cas de test positif, un étranger devra verser 30 $ par journée d’hospitalisation, et 150 de frais médicaux. En cas de décès 1 500 $ seront à déduire de l’assurance. Désormais, les visas sont retirés sur place, et non dans les ambassades cambodgiennes en dehors du pays. Les diplomates, et les étrangers d’origine cambodgienne, n’ont pas besoin de remplir ces formalités. Dans ces conditions, plus aucun étranger ne visite Angkor. Toute une économie liée du tourisme – personnel d’hôtel, cyclos, guides, etc… – se trouve donc au chômage. En 2019, le tourisme avait rapporté 12,1 % du PIB, soit 4,91 milliards USD.

Quelque 230 usines ont fermé, au début par manque de matières premières en provenance de Chine, puis par manque de débouchés. L’industrie textile fournissait 39,4 % des emplois et assurait 70 % de la croissance. Avec des conséquences directes sur les 800 000 ouvriers : 200 000 ont déjà perdu leur emploi. Avec une paye de 180 dollars et leur survie assurée, ils avaient souscrit des prêts à une multitude d’agences financées par le FMI…. Sans emploi, non seulement ils ne peuvent plus envoyer de l’argent en province pour aider leurs parents à vivre mais ils vendent terres et maisons pour rembourser. Devant le drame annoncé, les autorités gouvernementales et les directeurs d’usine s’engagent à leur verser 79 dollars par mois. À cause du chômage, des millions d’enfants pourraient être poussés vers un travail précaire. Le Conseil des ministres a décidé de donner une petite indemnité à 560 000 familles démunies, choisies par les chefs de village ou leurs adjoints, ce qui représente la somme de 125 millions de dollars.

La Banque mondiale prévoit une récession pour le Cambodge en 2020, la première depuis 1994. L’indice de pauvreté pourrait augmenter de 3 à 11 points.

Dans ce contexte alarmant, le Parti du peuple cambodgien a  […]

Extrait de la Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n°141/2020-07&08

La suite de l’article est réservée aux abonnés : abonnement en ligne ou par mail