Thaïlande : L’impossible transition politique ?

L’avenir de la transition politique en Thaïlande, et a fortiori de la démocratie, s’annonce sombre, chaotique et incertain. Le royaume ne parvient pas à sortir de ses schémas de domination traditionnels et à mettre en place les cadres législatifs, politiques et sociaux d’une démocratie plus équitable. Cette transition qui n’en finit pas met à risque le développement économique et social mais aussi l’avenir de la monarchie. Elle entraîne aussi le royaume dans des circuits de dépendance risqués.

FAITS

Le 21 février 2020, la Cour constitutionnelle de Thaïlande a dissous le Parti du nouvel avenir, principale force politique opposée à la junte ; 16 de ses responsables, dont le fondateur et dirigeant du Parti, l’homme d’affaires Thanathorn Juangroongruangkit, ont été bannis de la vie politique. Le motif évoqué est que le prêt effectué au parti par Thanathorn (d’un montant de 6 millions d’euros) constituait en réalité un don, ce qui est interdit par les lois électorales. C’est le 4e parti d’opposition dissous par le même tribunal en 13 ans.

Fondé en 2018 par un jeune homme d’affaires ambitieux et richissime, le Parti du nouvel avenir (Anakot Mai) prétendait casser les règles d’un jeu politique trouble et peu équitable et offrir une alternative crédible pour accélérer la transition vers la démocratie. Dès sa fondation, il a été la cible des critiques par l’establishment conservateur et assailli de procédures judiciaires pour freiner son ancrage.

En dépit (ou à cause ?) de ces obstacles (notamment le redécoupage de la carte électorale et la révision de la constitution), le parti avait été plébiscité par 8 millions de voix lors des élections législatives de mars 2019 alors que le parti du Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha, le Phalang Pracharat, n’avait aucune avance et avait été obligé de monter une coalition. Depuis ce bon score, Anakot Mai était considéré comme une menace pour l’oligarchie militaro-politique et en dépit de son élection à la députation, Thanatorn n’a jamais pu siéger au Parlement ; il avait été destitué en décembre 2019 pour avoir critiqué l’ancienne junte sur Facebook. À la suite du jugement de la Cour, il a annoncé vouloir créer une fondation pour l’éducation et un comité pour demander des réformes politiques. L’intérêt du gouvernement est de le présenter comme un dangereux électron libre antisystème qui ne sera pas capable d’honorer ses promesses de renouveau.

À court terme, cette décision de justice permet au pouvoir en place de se débarrasser complètement de cette menace. Les 11 responsables et députés du parti banni ne peuvent plus siéger et les députés restants (au nombre de 65) ont 30 jours pour trouver un nouveau parti d’affiliation s’ils veulent conserver leur siège.

Ces pratiques démontrent le manque de respect des règles démocratiques si celles-ci ne correspondent pas aux intérêts des élites peu désireuses d’ouvrir le jeu politique. Cette stratégie d’éviction judiciaire a […]

Extrait de la Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n°137/2020-03

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