Hommage à Jacques Pimpaneau†

Jacques Pimpaneau, né en 1934, nous a quittés le 2 novembre 2021.  La sinologie française perd un très grand érudit.

Dans son dernier livre, Le tour de Chine en 80 ans, Jacques Pimpaneau avait retracé sa vie (éditions l’insomniaque, Paris, janvier 2017) : au travers de ses pages, il a rendu hommage à ceux sans qui il ne penserait pas ce qu’il pense. Il a voulu souligner combien a été vivace en Chine, tout au long des siècles, le courant anarchiste, et a cherché à « éviter les fadaises » (mot qu’il employait souvent dans ses cours).

班巴諾是1934年出生的法國人,當初他對中文感興趣,不是為了什麽遠大的理想,
反而是為了逃避他童年記憶時的法國—那些與納粹勾結的法奸丶那些排猶份子丶以及那些所謂的抗德英雄。但又為了遠離他生活的周遭環境—因為他蔑視那些靠爸族!早在1958年到1960年,他就到北京大學研習兩年,這使他対當時在中國掀起的極左毛派狂潮,具有一定的免疫力。也因此,1965年他再度前往中國時,目睹反右運動、大躍進、及人民公社的澈底失敗,而後來文革造成的悲劇,更使他不屑當時某些法國漢學家,對文革的阿諛奉承!
班巴諾認為,文革時期的愚民教育,並沒有使中國人完全失去了方向,他在離開中國時,偶然得悉,在學生考核資料中,記録了對他的評語: ”聰明過頭“!中國已劇烈改變,今天的中國讀書人已不再容易被糊弄,因為他們自稱:"銅牆鉄壁、刀槍不入"!
班巴諾熱愛中國文學與戲曲,亰劇中的故事,他知道誰是 陳卋美,也知道誰是"水滸"好漢,他更知道戲演人生,要知道中國人的歷史覌及宇宙覌,就必須瞭解中國戲曲!

Jacques Pimpaneau s’est intéressé à la langue chinoise, non par vocation mais par réflexion – voulant « fuir le pays de son enfance, celui des collaborateurs, des antisémites, des résistants de la dernière heure – mais aussi pour s’éloigner de son milieu social, méprisant ceux qui succédaient à leur père sans jamais ainsi connaître ce qu’ils doivent à eux-mêmes. » Il espérait plus tard rencontrer la « sagesse dans le bouddhisme mais ses commentateurs ont commis la même erreur que les théologiens du christianisme : les uns et les autres ont recherché la Vérité là où Shakyamuni leur apportait le remède à la souffrance et où le Christ préconisait simplement la charité ». Deux années à l’université de Pékin l’avaient vacciné contre l’épidémie maoïste. Parlant des encenseurs français de la « Révo. cul. » (Révolution culturelle), il raconte qu’ « une fois leurs illusions expulsées aux latrines, [ils] continuèrent à pontifier, sans la moindre honte d’avoir justifié l’horreur, et critiquent la Chine d’aujourd’hui ». Outre des sinologues français ayant raté leur vocation de flic, écrit Jacques Pimpaneau, (certains dénonçant leurs collègues « ennemis de la Chine » à l’ambassade de Chine afin de se faire bien voir et de continuer à obtenir un visa), il y avait aussi des jeunes enthousiasmés sans percevoir la réalité. Dans les années 1990 où la majorité des étudiants apprenait le chinois pour faire du commerce, on lui proposa de donner des conseils, grassement rémunérés, aux entreprises. « Mais en plus de faire la catin, devoir déjeuner [avec des clients] était trop [lui] demander. » Il était « devenu un has been et n’avait pas le goût à s’adapter. » Il prit donc sa « retraite sans regret ».

Jacques Pimpaneau étudia à l’université de Pékin de 1958 à 1960 et fut témoin de la fin du mouvement antidroitiste, du Grand Bond en avant, de la fondation des communes populaires, de la rupture avec l’URSS et du début de la famine qui causa plusieurs millions de morts. En classe, il étudiait des « textes imbéciles » comme « L’histoire du président Mao qui va au travail manuel ». Mais les Chinois pas dupes n’hésitaient pas à dire : « Les lettrés de jadis avaient les cheveux qui se dressaient d’indignation. À présent, nous avons une coiffe de bronze. »

Jacques Pimpaneau raconte le fiasco des communes populaires et du Grand Bond en avant – « la bêtise est sans limite » – jusqu’à ce que Mao mis sur la touche reprenne le pouvoir avec la « Révo. cul. ». Il entendait souvent dire discrètement à l’époque que Mao délirait et que l’intelligence du Premier ministre Zou Enlai permettait d’éviter le pire. Mais si le peuple se fanatise trop facilement, le fanatisme est un moyen pratique pour gouverner, surtout quand on est assis sur un volcan. L’abêtissement organisé n’empêchait pas les Chinois de garder leur bon sens. Avant de quitter la Chine, Jacques Pimpaneau apprit par une indiscrétion que figurait sur son dossier d’étudiant en conclusion : « Intellectuel sur lequel on ne peut compter. » À son retour en France en 1960, à ceux qui supposaient qu’il avait dû beaucoup s’ennuyer, Jacques Pimpaneau répondit qu’en Chine il y avait un événement historique par jour, alors qu’en France, il n’y avait que des faits divers. Il retourna en Chine en 1965. La Révolution culturelle fut déclenchée trois mois plus tard. Son professeur fut chassé de sa maison et sa fille se suicida en avalant du détergent. Le fils d’un de ses amis s’immola par le feu, ne supportant pas d’avoir dénoncé ses parents. Aujourd’hui, la plupart des Chinois n’ont plus peur les uns des autres. Le changement est radical. Les délocalisations rapportent plus aux actionnaires occidentaux qui ne s’encombrent plus du droit du travail de leurs pays respectifs.

En 1958, Jacques Pimpaneau fit la connaissance du professeur Robert Winter de l’université de Pékin qui vivait en Chine depuis 1922. Il relate les rencontres de Winter avec diverses personnes dont le père Teilhard de Chardin qui, au questionnement sur la croyance en Dieu, répondit : « Croyez-vous que je sois plus sûr de son existence que vous ? […] C’est parce que je suis jésuite, que l’on prête attention à mes découvertes scientifiques. Si je ne l’étais plus, qui s’y intéresserait ? » L’histoire de Robert Winter est riche : ses observations, ses rencontres, ses descriptions, ses réflexions… Concernant l’opéra, Jacques Pimpaneau relève l’importance d’opéras historiques dans le répertoire chinois et explique ce qu’il a appris sur la conception de l’Histoire par les Chinois et sur l’importance des astres. La morale étant déduite des leçons de l’Histoire, et non de dogmes religieux comme en Occident, une action n’est jamais bonne ou mauvaise en soi ; tout dépend de son auteur. Ainsi, le droit n’existe pas dans l’opéra chinois. Tout dépend des circonstances et de la personne qui agit. Jacques Pimpaneau relate et analyse ici quelques histoires d’opéra comme les luttes pour renverser la dynastie Qin en 209 avant J.C., l’histoire de « Chen Shimai », ou de romans comme « Au bord de l’eau ».

Ce livre est une passionnante critique de la littérature et du théâtre chinois, de la peinture et de la poésie, mais également un condensé de réflexions politiques, philosophiques, religieuses, en seulement 125 pages. Il donne des clefs de compréhension du monde chinois… pratique pour les personnes pressées. Tous les anciens élèves du professeur Jacques Pimpaneau y revivront également ses cours qui furent tout simplement extraordinaires de par sa personnalité. Toute une époque de l’histoire des Langues’O…

Catherine Bouchet-Orphelin, Asie21

 

Homme si chaleureux et imaginatif. Nous avions travaillé ensemble quelques mois il y a longtemps pour trouver un point de chute pour sa collection de marionnettes sous le coup d’une reprise du lieu où elles se trouvaient. J’ai son livre Chine sous les yeux au moment où j’écris ces lignes. Jacques Pimpanneau et Pierre Gentelle, deux disparus que nous pouvons regretter de ne plus les avoir à nos côtés…
 
Rémi Perelman, Asie21
 
Je m’associe à l’hommage qui lui est rendu, en tant qu’ancien de ses élèves.
Michel Jan, Asie21