Shenzhou-12 représente plusieurs progrès « très importants », juge un spécialiste français de l’astronautique chinoise (INTERVIEW)

Interview de philippe Coué par Xinhua : http://french.xinhuanet.com/2021-06/17/c_1310013615.htm

PARIS, 17 juin (Xinhua) — « Le vol spatial habité reste et demeure une activité risquée, mais aussi pleine de sens pour préparer l’avenir de l’humanité dans l’espace », a confié mercredi à Xinhua, Philippe Coué, spécialiste français de l’astronautique chinoise, notant les progrès accomplis par cette dernière avec le vaisseau spatial habité Shenzhou-12.

La Chine a lancé jeudi avec succès ce vaisseau spatial qui doit emmener trois astronautes vers le module de base de la station spatiale Tianhe pour une mission de trois mois.

Chercheur indépendant et auteur de plusieurs livres sur le programme spatial chinois, dont « Shenzhou : les Chinois dans l’espace », M. Coué a dit porter une attention particulière à cette mission.

Selon lui, par rapport à la mission précédente Shenzhou-11, « la première différence est la durée », à savoir trois mois, « ce qui est déjà beaucoup plus important et le programme va être plus dense ».

« Le Shenzhou-12 est un module avec beaucoup de choses à bord : les cosmonautes vont pouvoir très vite réaliser un nombre d’expériences plus important, avec des expériences plus complexes et beaucoup plus variées », a-t-il noté.

M. Coué a souligné qu' »il ne faut pas oublier également que nous sommes dans la phase d’assemblage et, à ce titre, la station doit être ‘démarrée’ : il y a plein de systèmes qui vont être mis en oeuvre par les cosmonautes et puis ils vont devoir sortir. Les sorties extra-véhiculaires sont l’une des très grandes nouveautés de ce vol par rapport au dernier ».

« C’est donc le début de nombreuses sorties qui seront nécessaires à la fois pour assembler la station, mais aussi pour effectuer la maintenance », a-t-il dit. « Ce sera donc un programme important pour les cosmonautes et c’est vraiment le début de l’exploitation d’une vraie station qui est appelée à être utilisée longtemps, pendant au moins 10 ou 15 ans, donc ce n’est pas banal ».

Par ailleurs, l’expert a dit s’être rendu compte que « l’aménagement du module orbital de Shenzhou-12 a été optimisé : il y a beaucoup plus de place, il y a tout de suite une zone scientifique qui est dissociée du carré d’équipage », ce qui « représente un progrès déjà substantiel dans l’aménagement du vaisseau ».

« Le fait d’avoir lancé une station plus moderne, le fait aussi que le cargo soit déjà amarré à Shenzhou-11, est un progrès. La Chine a deux véhicules habitables qui vont accueillir des astronautes », a dit Philippe Coué. « On voit aussi un bras robot à l’extérieur de la station, c’est la première fois qu’une station chinoise a ce genre de chose, donc c’est un progrès ».

Il a poursuivi que « cela sera extrêmement utile à la fois pour assembler d’autres éléments, mais aussi pour conduire toutes sortes de tâches à l’extérieur de la station. On voit donc un certain nombre de progrès qui ont été réalisés lors de la première mission habitée, mais aussi spécialement pour cette station ».

Qualifiant également la mission chinoise de « vecteur de coopération internationale », le chercheur a estimé que ce sera aux Occidentaux et aux Chinois de voir comment cette coopération peut se faire.

Selon lui, rien n’exclut le fait que des vaisseaux étrangers puissent rejoindre Tianhe. Il faudra trouver le moyen de standardiser les pièces de liaison pour qu’ils puissent s’y amarrer, mais techniquement ça ne pose pas de problème. Il est évident que la Station spatiale internationale (ISS) et Tianhe peuvent vivre tout à fait en parallèle et que chacune apporte son lot de progrès à différentes stations.

Philippe Coué a rappelé que « le vol spatial habité reste et demeure une activité risquée, mais aussi pleine de sens pour préparer l’avenir de l’humanité dans l’espace. Avec cette mission, je vois le début réel de l’exploration de l’espace par la Chine, qui passera d’abord par le vol orbital autour de la Terre et qui devra, et c’est naturel, aller sur la Lune puis sur Mars ».

« Je pense que c’est un grand moment et je suis extrêmement étonné par la vitesse de développement. Il existe une vraie dynamique en Chine, c’est très impressionnant et j’ai aussi été agréablement surpris pour le rover sur Mars », a-t-il salué.

« En définitive, j’ai été extrêmement surpris que la Chine arrive là où personne n’est arrivé en posant directement quelque chose sur Mars sans avoir besoin de tester ni l’orbite ni la rentrée. C’est : ‘on y va, on se pose, ça marche’, ce qui montre la maturité du programme spatial chinois et ça montre la maturité du matériel et c’est beaucoup de confiance pour le programme qui vient », a conclu M. Coué.