Chine : Les enjeux politiques de la crise du coronavirus 

Le coronavirus de Wuhan qui s’est étendu au monde entier constitue une épreuve pour le régime chinois déjà éprouvé par la crise de Hong-Kong, la guerre commerciale avec les États-Unis, la publication des Xinjiang Papers révélant le système de goulag chinois destiné aux Ouïghours et la réélection de Tsai Ing-Wen à la présidence de la république de Chine (Taïwan). Quelles peuvent en être les conséquences politiques pour le régime de la Chine populaire ?

FAITS

Quand le SRAS toucha la Chine en novembre 2002 et fit 349 morts en Chine continentale (299 à Hong-Hong) en huit mois, cela fut vécu comme une crise nationale révélant les faillites du système médical chinois et des progrès qui lui restait à faire en termes de modernisation et contrôle.

Le nouveau Coronavirus 2019 ou SARS-CoV-2 a fait plus de 1800 morts en deux mois en ayant infecté déjà plus de 72 000 personnes. Malgré le travail de plusieurs équipes partout dans le monde, son origine, son mode de diffusion et sa mortalité restent encore largement incompris. Du fait que ADN est à 96% semblable à celui de la chauve-souris, les scientifiques ont mis en avant une contamination à partir d’un marché vendant celles-ci comme met exotique à Wuhan. Cependant, des chercheurs ont montré fin janvier 2020 qu’un quart des premiers infectés n’avaient jamais fréquenté le marché. À cela s’ajoute le problème de sa mortalité : celle-ci ne peut être connue que si l’on connait exactement la proportion entre personnes infectées et personnes décédées. Or, en Chine, les chiffres et leurs diffusions sont toujours une affaire politique. Début 2020, la Chine affirmait qu’il y avait 1,4 milliard de Chinois faisant du pays le plus peuplé du monde. Mais un chercheur chinois basé aux Etats-Unis a montré qu’en réalité, la population chinoise avait décru et qu’il y avait moins de 1,3 milliards de chinois. Au sujet d’un événement aussi critique qu’une épidémie ayant touché plus de 20 pays dans le monde, la pertinence des chiffres donnée par Pékin reste sujette à caution – d’autant que, depuis le 7 février, la Commission médicale nationale présidée par Xi Jinping a décidé de ne plus compter comme infectés que les personnes présentant des symptômes réels. Et cela alors même que l’on sait aujourd’hui que la maladie pourrait se transmettre au stade de l’incubation.

Alors qu’au début la presse internationale, reprenant le discours de la Chine populaire, mettant en avant les progrès faits par la Chine depuis 2003, les révélations des manœuvres du régime pour empêcher les « rumeurs » sur le nouveau virus de se propager ont changé la perception sur la capacité du régime autoritaire à contenir la crise. La mise en demeure de plusieurs lanceurs d’alerte, dont le médecin Li Wenliang, décédé le 7 février 2020 des suites de la maladie sur laquelle il avait alerté mi-janvier et le journaliste Chen Qishi qui a disparu subitement le 9 janvier montre que pour le régime chinois, le contrôle de la population, le maintien de son influence et la sauvegarde du Parti seront toujours les priorités. À cela s’ajoute le fait qu’après avoir déclaré au président de l’OMS « prendre personnellement » en charge le suivi de la maladie, Xi Jinping a disparu des radars pendant une semaine avant de réapparaître au moment où la crise sanitaire semble s’installer dans la durée. Une telle stratégie et un tel ordre des priorités n’ont pas été ignorés par la population chinoise qui se montre très critique depuis le début de la crise.

Ainsi le 4 février Xu Zhangrun (许章润) connu pour sa position critique à l’égard du régime (ce qui lui a valu d’être suspendu de l’université de Tsinghua en 2018 suite à sa critique de l’amendement constitutionnel permettant à Xi Jinping de se présenter à vie à la tête de la présidence de l’État-Parti chinois) a signé une tribune intitulée : « les gens en colère n’ont plus peur ».  […]

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Extrait de la Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n°136/2020-02

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