Corée du Nord en 100 questions (La)

de Juliette Morillot et Dorian Malovic, éditions Tallandier, octobre 2016.

De l’ignorance naissent les fantasmes.

La Corée du Nord s’impose chaque jour davantage dans le panorama politique et médiatique mondial. Une société de consommation et une économie de marché sont en train d’apparaître. Depuis l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, tous les services de renseignement américains, sud-coréens et japonais véhiculent une même image anxiogène à la mesure de leur incapacité à gérer ce « pays-voyou ». Une nouvelle ère s’ouvre de l’autre côté du 38e parallèle, expliquent les auteurs. Les trois générations des Kim ont toujours su manœuvrer avec habileté dans les méandres et les divisions de la diplomatie internationale pour arriver à leurs fins. Pyongyang joue admirablement de l’ambiguïté des relations entre la Chine et les États-Unis, comme elle en a déjà joué entre l’URSS et la Chine. Paradoxalement, face à la montée de la puissance militaire chinoise en Asie, la menace nucléaire nord-coréenne vient servir les intérêts américains qui peuvent ainsi justifier un accroissement de l’aide militaire à la Corée du Sud et au Japon.

Depuis la fin de la guerre, la Corée du Sud n’a cessé de prospérer, le Nord s’est effondré au lendemain de la chute de L’URSS en 1991, et le voisin chinois est devenu la seconde puissance économique du monde. Les alliances nées de la guerre froide ont éclaté. Les enjeux idéologiques se sont affaiblis.

Les auteurs ont posé sur la Corée du Nord un regard dénué de tout dogmatisme, débarrassé des grilles mentales occidentales, en la prenant telle qu’elle se présente et non comme on aimerait qu’elle devienne. Sans arrogance et sans donner de leçons. En 100 chapitres courts, ils donnent des clefs de compréhension de l’histoire de la Corée du Nord, de sa politique, de sa géopolitique, des réalités, de l’économie, de la société, de la culture et des propagandes. Tout débute par un mythe sur la montagne du nom de Joseon, le pays du Matin clair…  Les Coréens furent profondément marqués par les années de colonisation japonaise durant lesquelles la culture coréenne fut gommée par l’occupant, réalisant un véritable « ethnocide ». La partition de la péninsule a figé un même sens de l’identité coréenne. Chacune des deux parties s’en considère comme le dépositaire. C’est ce terreau culturel viscéralement coréen qui est à la base de l’idéologie de la république populaire démocratique de Corée et sur lequel a pu s’appuyer Kim Il-sung pour asseoir son pouvoir dans le temps.

Des siècles de guerres, de pillage et d’invasion ont conduit les Coréens au cours des temps à fermer leurs frontières et à transformer leur pays en « royaume ermite ».  Il ne s’ouvrira qu’à la toute fin du XIXe siècle, littéralement violé par les puissances internationales. Convoitée pour sa position stratégique par les Japonais, les Chinois, les Russes et les Américains, la Corée fit tout au long de son histoire l’objet d’invasions dont elle n’était pas toujours l’enjeu. « Quand les baleines se battent, les crevettes ont le dos rompu. »  Le 22 août 1910, la Corée cesse d’exister, intégrée de force et pour plus de 35 ans au Japon.

L’humiliante colonisation japonaise a marqué les Coréens dans leur chair et leur âme. Il y eu l’assassinat de la reine Min en octobre 1895, épouse du 26e roi la dynastie Gojong : violée, poignardée, puis brûlée vive. Ce crime symbolise l’ascension du pouvoir japonais dans la péninsule. Il est suivi de l’établissement du protectorat japonais. Le 29 août 1910, appelé le « jour de l’humiliation nationale » (gukchi il), la Corée disparaît pour devenir partie intégrante de l’empire japonais.  La mort du roi Gojong en 1919 déclenche une répression dans le sang. Plusieurs gouvernements provisoires en exil sont créés en 1919 à Vladivostok, à Shanghai, à Séoul. De nombreux paysans coréens, expulsés de leur terre par les Japonais, s’installent en Mandchourie chinoise, territoire historiquement coréen qui correspond aujourd’hui à la préfecture autonome coréenne de Yanbian (dans la province chinoise de Jilin). Activistes, communistes et nationalistes se livrent à de nombreuses opérations contre les troupes et la gendarmerie japonaise, en Corée et au Mandchoukuo (1932–1945). Parmi eux, le futur Kim Il-sung.

Ce livre est une mine d’informations sur la Corée du Nord et très pratique parce que conçu sous forme de chapitres courts répondant à des questions précises.

Catherine Bouchet-Orphelin, Asie21 

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