Histoire de l’écriture ouighoure

Histoire de l’écriture ouighoure – Les trois réformes de 1956 à 1983

Palizhati Sulaiman, L’Harmattan, juillet 2012

La langue et les systèmes d’écriture des minorités demeurent encore de nos jours, une des questions de politique sociale et culturelle les plus importantes dans beaucoup de pays multiethniques. La Chine compte 56 nationalités dont les Hans sont majoritaires (93 % de la population). Sur les 7 % restants, 9 millions de Ouighours vivent dans la région autonome ouighoure du Xinjiang qui recouvre un sixième du territoire chinois et qui a des frontières avec 10 pays différents. Depuis la création de la République populaire de Chine, et jusqu’en 1985, pour des raisons politiques –et non linguistiques-, la population ouighoure a subi trois changements successifs de son système alphabétique. Ces réformes définissent quatre périodes historiques séparées par des moments de transition.

Cet ouvrage s’intéresse à ces périodes à partir de 1949. Ainsi, l’auteur développe les périodes de la manière suivante :

  • 1937 à 1956 : période de l’amélioration de l’écriture ouighoure sur la base de l’écriture arabe en respectant les règles de la langue ouighoure ;
  • 1956 à 1958 : système alphabétique cyrilliques ouighour. De fin 1958 à janvier 1960, les Ouighours sont perdus entre trois écritures : arabe, cyrillique et latine ;
  • 1960 â 1982 : le système alphabétique latin ouighour est utilisé ;
  • 1982 à 1985 : deux écritures cohabitent ;
  • 1985 à nos jours Le système alphabétique moderne ouighour a été retenu.

Et ce n’est pas terminé. Car depuis une dizaine d’années des intellectuels ouighours réfléchissent à un nouveau retour à l’écriture latine même si les linguistes ouïgours qui ont connu les trois réformes s’y opposent. Le problème est que chaque réforme coupe le fil de l’histoire d’un peuple. Elle nécessite un réapprentissage de l’écriture et une réécriture de tous les anciens textes. Tout cela ne permet pas à ce peuple de transmettre son histoire et sa culture aux futures générations.

Les raisons de ces réformes aussi radicales sont multiples :

  • relations sino-soviétiques : elles sont liées à la proximité de l’URSS et à la présence de groupes de la même nationalité de part et d’autres de la frontière. Ce fut un facteur déterminant pour l’adoption d’un système alphabétique de type cyrillique, puis son rejet en faveur d’un système latin.
  • relations interrégionales et politique nationale : adoption d’un système alphabétique latin ouighour afin de s’aligner sur l’évolution du reste de la Chine. Puis rejet de ce système associé dans l’esprit des ouighours aux ravages de la révolution culturelle pour adopter le système arabe moderne.

L’auteur présente ici l’histoire des trois dernières réformes et analyse les raisons qui ont pu les justifier. Ce livre est très intéressant même pour des non linguistes car il montre l’importance de la langue et des mots dans l’histoire et dans l’analyse politique d’une région.

Catherine Bouchet-Orphelin, Asie21

 

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