Tension persistante entre l’Iran et l’Azerbaïdjan

FAITS

Les relations entre l’Azerbaïdjan et l’Iran ont toujours été délicates du fait que les 2/3 au moins des populations de langue azérie vivent sur le territoire de l’Azerbaïdjan iranien, la partie nord ayant été rattachée à l’Empire russe en 1828 parle traité de Turkmentchay. Récemment, des députés au Medjlis (Parlement) de Bakou ont proposé, sans grande chance de succès, que la République d’Azerbaïdjan prenne la dénomination d’Azerbaïdjan du Nord, impliquant que le Sud était soumis à l’occupation iranienne. Déjà en 1945, Staline avait entrepris de détacher de l’Iran cette région. Il en avait été empêché par les alliés.

L’irritation iranienne s’est accrue depuis qu’en février 2012 Téhéran a accusé les autorités de Bakou de collusion avec les services israéliens, qui auraient envoyé des agents à travers la frontière azerbaïdjanaise pour y procéder notamment à l’élimination de techniciens iraniens de l’industrie nucléaire. Bakou a démenti. Le 15 février, le président Ilham Aliev s’est rendu au QG de l’OTAN à Bruxelles pour exprimer son désir de participer à des actions à long terme en Afghanistan (survol du territoire azerbaïdjanais, transit de troupes et de matériels, opérations de déminage).

On a appris également que l’Azerbaïdjan s’apprêtait à acheter en Israël une soixantaine de drones (de reconnaissance et offensifs)et des systèmes de défense antiaérienne et antimissile de type Barak. Le contrat avec Isral Aerospace Industriesserait d’un montant de 1,6 Md US$. Israël a également investi dans le domaine des télécommunications.

L’Azerbaïdjan entretient depuis longtemps de bonnes relations avec l’État d’Israël pour deux raisons :

– une minorité juive de langue persane (dialecte tat) vit dans le pays depuis des temps immémoriaux. Une partie d’entre elle a émigré en Israël et aux États-Unis pour des motifs économiques, mais des liens étroits se sont maintenus ;

– l’autre raison est que l’Arménie et l’Iran entretenant des relations suivies, le pouvoir azerbaïdjanais a cru opportun de s’appuyer sur Israël et les lobbies juifs pour faire contrepoids. Ces rapports se sont développés en dépit de l’aggravation des relations turco-israéliennes.

De leur côté, les autorités azerbaïdjanaises ont annoncé qu’elles avaient prévenu une tentative d’attentat contre l’Ambassadeur d’Israël à Bakou. En janvier 2012, un dirigeant du parti Islamique, Arif Ganiev, a été condamné à un an et demi de prison et en février, une quinzaine de membres de ce mouvement, financé par l’Iran, ont été arrêtés à Nardaran, localité de la banlieue de Bakou où se concentre le militantisme chiite d’obédience iranienne.En outre, un journaliste azerbaïdjanais, Ramin Bayramov, correspondant à Bakou de plusieurs media iraniens, a été condamné à 18 mois de prison. Il serait affilié à un groupe chiite extrémiste du nom de Djafari et aurait entretenu des relations coupables avec le Centre culturel iranien de Bakou. Ces mesures ont suscité les protestations de l’Ambassade d’Iran.

Face aux accusations iraniennes, le président du parlement azerbaïdjanais Oktay Asadov a affirmé le 14 janvier, comme l’a déjà fait plusieurs fois le président Ilham Aliev, que son pays ne permettrait jamais que son territoire soit utilisé à des fins hostiles à l’Iran. Devant la montée de la tension, le président azerbaïdjanais a dépêché à Téhéran le 12 mars son ministre de la Défense, le général Safar Abiev. Celui-ci s’est efforcé de convaincre le président Ahmadinejad que la République azerbaïdjanaise ne nourrissait aucun sentiment hostile à l’égard de la République islamique, pays « frère et ami ». Leurs ennemis communs ne parviendraient pas à les pousser à l’affrontement. Cette profession de foi a mis pour le moment un terme à une polémique qui tendait à s’envenimer. 

ENJEUX ET COMMENTAIRES

L’Azerbaïdjan partage une frontière terrestre de plus de 600 km avec l’Iran et une frontière maritime dont la délimitation est contestée par Téhéran depuis la dissolution de l’Union soviétique.

Du fait de sa situation de carrefour aux portes de l’Asie centrale et de ses richesses en hydrocarbures, l’Azerbaïdjan constitue un enjeu important et une pièce maîtresse pour l’équilibre de la région. Fragilisé par l’amputation d’une partie de son territoire par les forces arméniennes et un cessez-le-feu fréquemment violé depuis 1994, il jouit d’une prospérité plus grande que ses voisins transcaucasiens. État laïc tourné vers l’Europe, il a su contenir les menaces de subversion islamiste et les tentatives américaines d’exercer un contrôle sur la sécurité en mer Caspienne dont la responsabilité incombe exclusivement aux États riverains.

Aujourd’hui, il s’agit pour l’Azerbaïdjan de ne pas céder aux sollicitations ou pressions de l’OTAN et de ses alliés s’il ne veut pas devenir le jouet d’une politique peu soucieuse de ses intérêts.La République azerbaïdjanaise ne peut se permettre de se fâcher avec ses voisins historiques que sont la Russie et l’Iran. Son fondateur Heydar Aliev l’avait bien compris. L’équidistance était un principe fondamental de sa politique et c’est cette ligne que son fils Ilham s’efforce de maintenir non sans difficulté.

Jean Perrin, Asie21