Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, BAII
Rémi Pérelman, Asie21
Premières opérations de cofinancement
En juin 2016, la BAII a approuvé les premiers prêts de son existence d’institution multilatérale d’aide au développement.
Le montant cumulé des prêts susceptibles d’être accordés au cours de l’exercice 2016 est de 1,2 milliards de dollars (voire plus), la première tranche engagée s’élevant à 509 millions de dollars. La BAII vient compléter le financement d’institutions d’aide au développement impliquées antérieurement dans trois des quatre projets retenus.
Pays |
Nature du projet |
* |
% |
Cofinanceurs |
Tadjikistan | route nationale, réhabilitation | 27,5/106 | 25,9 | – Banque asiatique de développement |
Pakistan | autoroute, construction | 100/273 | 36,6 | – Royaume-Uni (Département du développement international)
– Banque européenne pour la reconstruction et le développement |
Indonésie | habitat, amélioration | 216,5/1 743 | 12,4 | – Banque mondiale |
Bangladesh
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énergie, distribution | 165/165 | 100 | – néant |
* Part de la BAII sur coût du projet ; millions de dollars.
Détail des projets
1 – Projet Tadjikistan
Ce projet a pour objet la réhabilitation sur 4,6 km du secteur urbain de la route nationale M41 et son élargissement. Cette route de 61,5 km, entre Douchanbé et Pakhtaobod settlement – quelques kilomètres au delà de la ville industrielle de Tursunzoda – où elle franchit la frontière avec l’Ouzbékistan, est une composante du Corridor « 3 b » du programme de la CAREC (Central Asia Regional Economic Cooperation), lequel relie, via l’Asie centrale, les réseaux routiers russe et iranien[1]. La M41 fait l’objet d’un projet de réhabilitation et d’amélioration élaboré en 2012. Ses sections 2 à 5, en zone rurale sur 56,9 km, ont été financées avec l’aide de la Banque asiatique de développement, BAD, pour 120 millions de dollars, la China Road and Bridge Corporation a réalisé les travaux.
Reste la section 1, enmilieu urbain, à la sortie ouest de la capitale, d’un coût de 105,9 millions de dollars (initialement estimé à 92,5 millions de dollars), objet du cofinancement entre la BAII (prêt de 27,5 millions de dollars) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, BERD (33 millions de dollars, dont 30 en prêt et 3 en assistance technique), le solde étant à la charge du Tadjikistan. La BAII a confié la gestion financière du projet à la BERD. Le ministère des transports du Tadjikistan en est l’agence d’exécution (acquisition foncière, démolition, relogement d’activités déplacées, déplacement du monument d’Avicenne, élargissement de la chaussée, drainage, réorganisation de deux carrefours, plantation d’arbres d’alignement, diffuseur à niveaux différents, passerelles piétonnières). L’attributaire des travau, qui devraient être achevés en 2017, n’est pas encore connu et devrait être retenu après appel d’offres.
Depuis 1997, le Programme CAREC (secrétariat : BAD) est le catalyseur dans l’organisation de corridors régionaux de dévelopemement en Asie centrale. Ses projets, montés avec l’aide multilatérale au développement, se sont traduits par la mise en œuvre de travaux pour un montant cumulé en 2015 de 18 milliards de dollars.
2 – Projet Pakistan
Ce projet a pour objet la construction d’un segment de 64 km de la nouvelle autoroute M4. Officiellement, le choix de ce projet ne tient en rien à la proximité politique du Pakistan et de la Chine, mais au fait qu’il se présentait prêt à être mis en œuvre rapidement.
La M4, 233 km, quatre voies, en construction depuis 2009 est une composante du programme de la CAREC 2020 sur le trajet Peshawar-Islamabad/Rawalpindi-Karachi et dans la Country Partnership Strategy for Pakistan 2015-2019, elle-même partie de la Pakistan Vision 2025. Destinée à structurer un corridor de développement dans la province du Punjab, la plus peuplée du Pakistan, la M4 rejoint l’axe autoroutier Karachi-Lahore à Khanewal.
Dans son tronçon Faisalabad-Multan, deux sections de la M4 ont été ouvertes au trafic à ses deux extrémités (section 1, Faisalabad-Gojra, 58 km, ouverte en mars 2015 et section 4, Khanewal-Multan, 45 km, ouverte en novembre 2015) tandis que les deux sections intermédiaires restent à construire :
– la section 2 (Gojra-Shorkot), 62 km, financement (en millions de dollars): ADB, prêt : 178, Département du développement international du Royaume-Uni : subvention de 92, Pakistan, 47; travaux en cours, achèvement prévu en 2019 ;
– la section 3 (Shorkot-Khanewal, 64 km). C’est au financement de cette dernière que la BAII a décidé de contribuer avec un prêt de 100 millions de dollars sur un coût total de 273, aux côtés du Pakistan (34 millions de dollar), du Département du développement international du Royaume-Uni (subvention de 90,7 millions de dollars) et de la BAD (prêt de 172 millions de dollars), celle-ci assurant l’administration de l’ensemble des fonds. L’achèvement des travaux est prévu en 2017.
3 – Projet Indonésie
La BAII a choisi d’investir en Indonésie, non dans les grandes infrastructures de transport, où le besoin est si criant qu’il paraissait presque assuré que ce serait l’objet de sa première opération., mais dans l’amélioration de l’habitat, en clair, dans les infrastructures urbaines et services publics des bidonvilles. En mai 2016, le ministre indonésien des finances, Bambang Brodjonegoro, déclarait aux médias locaux que son pays présenterait à la BAII pas moins de 6 à 7 projets – énergie, routes, alimentation en eau – en 2016 et 2017 pour un coût de 2 milliards de dollars.
Le projet concerne l’amélioration des conditions de vie de 9,7 millions d’habitants de bidonvilles dans 154 villes ou agglomérations en agissant sur les services publics (transports urbains, gestion des déchets solides, assainissement, alimentation en eau potable, sécurité incendie, services sociaux). L’implication des intéressés sera recherchée. Les opérations correspondantes sont prévues sur une durée de 5 ans, de septembre 2016 à juin 2021. Leur coût est évalué à 1 743 millions de dollars, le financement étant assuré pour 1 310 millions de dollars par l’Indonésie à divers niveaux (entre 2 et 5 % du budget des collectivités locales, 3 à 5 % de celui des provinces) et organisations privées, la Banque mondiale et la BAII (prêt sur 16,5 ans avec un délai de grâce de 7 ans, au taux standard de la BAII pour des prêts garantis par un État), chacune pour 216,5 millions de dollars. La Banque islamique de développement devrait intervenir mais le document officiel de la BAII du 9 juin 2016 ne fournit aucun chiffre à cet égard. La responsabilité de la mise en œuvre revient au ministère indonésien des travaux publics et de l’habitat
Ce projet prend place, en le prolongeant, dans le programme indonésien 2016-2019 d’éradication des bidonvilles (National Slum Upgrading Program, NSUP), cofinancé avec la Banque mondiale.
4 – Projet Bangladesh
Le gouvernement du Bangladesh a bénéficié d’un prêt de 165 millions de dollars accordé par la BAII pour la mise en oeuvre d’un programme d’amélioration de la distribution de l’électricité dans le pays. Le projet comporte deux volets :
- La fourniture de 65 000 transformateurs, de l’équipement nécessaire à la pose de 75 000 km de ligne à basse tension et de 2,5 millions de compteurs électriques pour permettre le raccordement d’autant de foyers au réseau électrique en milieu rural. Ces fournitures seront remises sous la supervision du Bangladesh Rural Electrification Board aux coopératives pour l’électrification rurale (Pally Bidyut Samities) ;
- L’amélioration du réseau des sous-stations grâce au remplacement du matériel des sous-stations obsolète au regard de leur isolation et de 85 km de lignes aériennes de distribution existantes à 33 kV par des câbles souterrains. La mise en oeuvre se fera sous la responsabilité de la Dhaka Electricity Supply Company.
L’attribution des marchés correspondants se fera après appel d’offres.
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[1] De Roubtsovsk, au sud-ouest de la Sibérie à Dogharoun, à la frontière afghane, via le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et l’Afghanistan.