Révolutions chinoises dans le commerce africain

Note de lecture

Le Temps de la Chine en Afrique. Enjeux et réalités au sud du Sahara., sous la direction de Jean-Jacques Gabas et Jean-Raphaël Chaponnière (Asie21), Karthala, 2012, 216 pages, 23 euros

Révolutions chinoises dans le commerce africain,

Joël Ruet, Le Monde, 20 juin 2013

Par Joël Ruet (CNRS, associé à l’Iddri-Sciences Po)

Un fantasme hante la communauté internationale, mal à l’aise face à une nouvelle réalité : les investissements chinois enfermeraient les économies africaines dans une spécialisation appauvrissante, qu’elle soit agricole, énergétique ou minière.
Ce livre bat en brèche ces idées reçues, hormis le cas de certains pays “faillis”. Les produits agricoles sont en effet minoritaires dans les échanges sino-africains, et les produits chinois concurrencent plus les marques occidentales que les fabrications locales.
Des exceptions existent, comme au Nigeria, au Cameroun, au Kenya ou en Afrique du Sud, car ces pays disposent de tissus industriels qui les mettent en concurrence avec les produits chinois, y compris… en Chine.
Enfin, la diaspora chinoise a créé des milliers de sociétés ignorées des statistiques internationales. Au travers d’études de cas, de l’Afrique du Sud au Zimbabwe, le livre note “l’extrême rapidité des changements de comportement des acteurs”. Loin de tout enfermement, la Chine accompagnerait-elle le changement ?

A L’EST, DJIBOUTI OFFRE UN DÉBUT DE RÉPONSE
Si ce livre se concentre sur la Chine – devenue depuis 2010 le premier partenaire commercial de l’Afrique, devant les Etats-Unis -, un autre ouvrage, du think tank londonien Chatham House (Djibouti : Changing Influence in the Horn’s Strategic Hub – “Djibouti : les changements de stratégie dans le hub de la Corne de l’Afrique” -, avril 2013), aborde deux autres questions : comment s’organise le commerce à l’intérieur du continent, et comment le commerce africain se connecte au commerce mondial. Quel est l’équivalent africain de Rotterdam ou du delta de la rivière des Perles, portes respectives de l’Europe et de la Chine ?

En Afrique de l’Ouest, tout reste ouvert ; mais, en Afrique de l’Est, Djibouti offre un début de réponse. Servi par l’histoire, ce “laboratoire maritime international des grandes puissances”, explique l’auteur, David Styan, a vu son gouvernement pousser une vision d’ampleur régionale : devenir “le” débouché international de l’industrialisation éthiopienne, en créant un port moderne au nord du port actuel, à Tandjourah.

Un pari risqué : l’interconnexion électrique au voisin éthiopien a signé la perte de la souveraineté énergétique du pays, mais Djibouti y a gagné en compétitivité. Le port a attiré en 2012 des investissements chinois dans des terminaux spécialisés. Loin de l’expansion à tous crins, Pékin recherche d’abord la rentabilité économique.

Le gouvernement envisage une véritable révolution macro-économique : supprimer les barrières douanières, en misant sur les recettes fiscales du rebond de la croissance que l’on en attend. Une Afrique qui change décidément très vite peut avoir de telles ambitions.

Le Temps de la Chine en Afrique. Enjeux et réalités au sud du Sahara. Collectif, sous la direction de Jean-Jacques Gabas et Jean-Raphaël Chaponnière (Asie21), Karthala, 2012, 216 pages, 23 euros.

Joël Ruet (CNRS, associé à l’Iddri-Sciences Po)

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