Chine : Siniser la religion dans un avenir indéfini

1,00

Venant après diverses déclarations et manifestations relatives à la politique religieuse du Parti, une haute responsable du régime en expose l’essentiel dans un média officiel. Réaliste, le propos expose qu’en éradiquant avec brutalité la pratique religieuse, le Parti s’aliénerait des millions de concitoyens. En revanche, il doit guider les religions vers l’enracinement national et la sinisation avant étouffement.

Description

FAITS

Le 8 août 2016, Sun Chunlan 孙春兰, chef du département du Front uni du travail (ministère de la sécurité de l’État (Guoanbu, 国家安全部, l’agence de sécurité et des services secrets de la RPC) déclarait dans un article publié par Qiushi (求是 : rechercher la vérité), bimensuel publié par le Comité central du PCC : « Le Parti doit tolérer, guider et, dans un avenir indéfini, siniser la religion. »

  • L’article expose les principes adoptés par le Parti à l’égard de la religion. Estimant que celle-ci comporte des aspects positifs autant que négatifs et considérant les quelque 200 millions de croyants déclarés en Chine, Sun reconnaît son importance et envisage sa coexistence avec le socialisme pendant un temps, long et indéfini avant extinction finale.
  • Entretemps, le Parti devra « diriger » les diverses religions vers un « meilleur chemin » (le « Dao », ) en facilitant enracinement et sinisation pour les rendre compatibles avec la culture et la société chinoises.
  • Il lui faudra résoudre les incohérences qui peuvent exister entre loi et enseignement religieux, procéder à l’instruction des « masses religieuses » en matière d’État de droit et les encourager à respecter autant la Chine que leur foi.
  • Sun note en conclusion qu’il y aurait danger à vouloir interdire la pratique religieuse par la force : le Parti s’aliénerait les masses religieuses et l’État serait déstabilisé.

Cet article est l’épilogue provisoire de différents événements récents relatifs à la politique religieuse du Parti. En bref, le bureau des affaires religieuses avait annoncé en 2014 l’explicitation d’une théologie chrétienne « compatible » avec la culture chinoise et le socialisme. L’absence de suite avait entraîné la mise en cause, le 6 juin 2016, de ce Bureau, devenu administration d’État pour les affaires religieuses, AEAR, (direction « trop faible », incapacité à appliquer la politique du Parti et à contrôler les groupes religieux du pays). L’accusation avait été précédée, les 22 et 23 avril 2016, d’une réunion sur la politique religieuse présidée par Xi Jinping où avait été réitérée la doctrine en matière de contrôle des religions et leur nécessaire « sinisation » – afin de préserver le pays de toute « infiltration venue de l’étranger ». « Nous devons guider et éduquer les cercles religieux et leurs adeptes aux valeurs socialistes fondamentales », avait-il déclaré. Les conclusions présidentielles ont été aussitôt distillées auprès de 150 responsables catholiques réunis en « session de formation » du 20 au 24 juin.

NB : Sun Chunlan est une femme politique chinoise née en 1950, qui a gravi très rapidement les échelons de la hiérarchie du Parti avant d’être nommée en décembre 2014 à son poste actuel, au sein d’un ministère sensible.

Rappel. Au XVIIe siècle, le jésuite Matteo Ricci avait adapté la liturgie et les textes scripturaires à la culture chinoise. Ironie : le Saint-Siège y avait mis fin au début du XVIIIe siècle pour cause potentielle de confusion. […]

Rémi Perelman, Asie21

Extrait de la Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n°98 septembre 2016