Birmanie – États shan

Birmanie – États shan, de Sao Sanda Simms

Great Lords of the Sky : Burma’s Shan aristocracy. Asian Highlands Perspectives (AHP) 48, 2017 (476 p.) http://bit.ly/2v

Sao Sanda – The Moon Princess: Memories of the Shan States. Bangkok, River Books, 2008 (309 p.).

Les Seigneurs du Ciel, c’est ainsi que l’on appelle dans les langues tai/thai les princes qui ont régné sur des territoires qui couvraient le nord de la Thaïlande, le Laos, les États shan de Birmanie et des régions limitrophes du Yunnan et notamment les Sipsong Panna. Dérivé de Siam, Shan est le nom attribué en birman à ces Tai du nord et du nord-est.

À l’aide de documents puisés aux meilleures sources, d’archives personnelles, d’une riche documentation photographique, de témoignages et de souvenirs, Sao Sanda Simms, fille de Sao Shwe Thaik, le saopha (prince régnant) de Yawnghwe et premier président de l’Union de Birmanie en 1948, retrace l’histoire de ces principautés qui ont disparu avec le coup d’État du général Ne Win en 1962. Celui-ci mettait fin au statut fédéral et consacrait l’hégémonie des Birmans sur les nombreuses ethnies qui composent le pays.

Les principautés tai ou thai ont une longue histoire et si l’on se laissait aller à une comparaison, leur situation n’est pas sans rappeler celle des entités politiques qui ont subsisté en Europe jusqu’à l’unification allemande sous la férule de la Prusse à la fin du XIXe siècle. À une différence près, la Birmanie est une mosaïque de populations diverses et les principautés shan ont été le jeu du partage des puissances coloniales entre la Chine, l’Empire britannique, la France et accessoirement le Siam. Ainsi des peuples proches par la langue et la religion, essentiellement le bouddhisme, se sont trouvés séparés par de nouvelles frontières (voir p.36). Certains de ces États étaient à la fois tributaires de l’empereur de Chine et du roi birman. Le roi de Luang Prabang lui-même, devenu roi du Laos, avait reçu un sceau impérial chinois qui lui fut rendu par l’administration coloniale française.

Sao Sanda expose les péripéties traversées par les princes shan tout au long de leur histoire, sous la monarchie birmane, pendant la colonisation britannique, qui divisait pour régner, puis sous l’occupation japonaise et enfin le régime militaire birman. Elle retrace aussi l’histoire et la généalogie des différentes familles qui ont régné sur ces terres.

Au moment de l’indépendance de la Birmanie en 1948, le choix d’un président shan aux côtés d’un Premier ministre birman avait pour but de cimenter l’unité de la nouvelle Union de Birmanie dans sa pluralité ethnique. C’est ce que l’on a appelé l’esprit de Panglong du nom de la conférence qui en février 1947 avait réuni les chefs des peuples minoritaires avec les fondateurs de la Birmanie nouvelle et en particulier le général Aung San, père d’Aung San Suu Kyi. La stabilité de ce pays devait reposer sur l’harmonie et des rapports d’égalité entre les différents peuples qui la composent. Le coup d’État du général Ne Win en 1962 a été fait pour contrer la désintégration du pays et l’anarchie qui se développait, beaucoup plus que pour instaurer le socialisme birman.

Le problème des Rohingya, qui a pris un tour international, amplifié par sa composante religieuse, reste pour un Birman une affaire somme toute marginale en regard des rapports qu’il doit entretenir avec les Shan, les Karen, les Môn, les Kachin, les Chin et les autres ethnies qui forment la Birmanie.

Sao Sanda a accompli un immense travail d’érudit qu’elle était probablement la seule à pouvoir mener à bien. Les États shan n’existent plus en tant que tels, mais leur langue reste vivante et leur histoire ne peut être effacée. Son étude aide à comprendre la complexité du problème d’une unité birmane non achevée et des soubresauts parfois violents de l’histoire de ce pays entouré de voisins souvent hostiles.

Jean Perrin, Asie21

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