Philippines : Le président Duterte et le retour de l’autoritarisme ?

Depuis son accession démocratique au pouvoir en juin 2016, le président philippin a fait beaucoup parler de lui. Son programme électoral, à la fois ultra sécuritaire et populiste, inquiétait déjà les observateurs. Les premiers mois de son mandat ont confirmé les craintes sur d’éventuels enchaînements pernicieux. Sous des aspects un peu rustres et un discours peu élaboré, Rodrigo Duterte détruit les fondamentaux régaliens et entretient un climat de peur et d’intimidation. Alors qu’il bénéficie d’un taux de popularité toujours élevé, le président soulève un trouble profond quant à ses motivations, ses pratiques, ses dérives et les conséquences d’un certain cynisme sur une culture politique violente et inégalitaire.

FAITS

Le 7 mars 2017, la Chambre des Représentants a approuvé – en troisième lecture – la réintroduction de la peine capitale pour trafic de drogues, suspendue en 2006. Le Sénat doit encore donner son approbation.

Le 23 février 2017, la sénatrice Leila de Lima est arrêtée dans le cadre d’une enquête où elle est soupçonnée de trafics de drogues. La sénatrice était dans le collimateur de R. Duterte avant même son arrivée à la présidence en raison de son combat pour les droits de l’homme et de ses accusations portées envers le président alors qu’il était maire de Davao. Elle avait déjà subi les foudres du président qui avait juré « de la détruire publiquement ».

En novembre 2016, le maire d’Albuera, Rolando Espinosa, lui aussi accusé de trafics de drogues au terme d’une enquête rapide et bâclée, était retrouvé mort dans sa cellule, tué par des officiers de police. Ceux-ci ont déclaré avoir découvert des sacs de métamphétamines et de marijuana dans la cellule. Une semaine plus tôt, Samsudin Dimaukon, un autre maire accusé de trafics, était lui aussi tué par des policiers lors d’un contrôle.

Comme Leila de Lima, les deux élus réfutaient les allégations.

En août 2016, lors d’une interview télévisée, le président Duterte avait lu une liste de 150 noms de responsables prétendument accusés de trafic de drogues et leur avait demandé de se rendre aux autorités ; aucune preuve ne venait étayer les accusations et la présidence a reconnu un peu plus tard des erreurs dans la liste. […]

Sophie Boisseau du Rocher, Asie21

Extrait de la Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n°104 mars 2017