La vision de la Russie, situation et perspectives, par le président Vladimir Poutine, Rémi Perelman, Asie21, janvier 2015

En décembre 2014, le président Vladimir Poutine a exprimé à trois occasions la façon dont il voyait la situation actuelle et l’avenir de son pays.

  • Le 4 décembre, discours annuel à l’Assemblée fédérale ;
  • Le 18 décembre, conférence de presse ;
  • Le 26 décembre, son approbation de la « nouvelle doctrine militaire » russe.

Remarque : des regroupements par sujets ont été opérés dans les notes livrées ci-après et ne reprennent pas la séquence des propos tenus en séance. Il ne s’agit pas d’une revue in extenso des thèmes abordés, seuls ont été rapportés et résumés ceux qui sont susceptibles d’intéresser les lecteurs de ce site.

***

1)    Les points principaux du discours annuel du président V. Poutine

à l’Assemblée fédérale de Russie, le 4 décembre 2014 

 

L’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie – Российская Федерация – est constituée de deux chambres : le Conseil de la Fédération (la Chambre haute) et la Douma d’État (la Chambre basse).

Modernisation

L’économie doit être à la hauteur du rôle historique et géopolitique de la Russie.

La Russie doit améliorer radicalement sa compétitivité, se libérer du « tout hydrocarbure », élever le niveau général de l’éducation et encourager l’excellence comme la spécialisation. L’objectif – sanctions ou pas – est de ne plus dépendre des technologies importées.

Plus précisément :

L’enseignement et la formation. En 2020, au moins la moitié des centres de formation professionnelle devront offrir des cycles dans les 50 domaines d’activité les plus utiles pour le pays, au niveau international le meilleur. 5 000 bourses présidentielles annuelles de 20 000 roubles (environ 300 €) par mois seront attribuées aux meilleurs étudiants. L’éducation civique et le patriotisme feront l’objet d’initiatives : ainsi, en 2015, la célébration du 70e anniversaire de la victoire de la Grande guerre patriotique ;

Les milieux universitaires, la recherche, les grands organismes scientifiques, les expatriés affectés dans les universités ou les entreprises de haute technologie devront se sentir impliqués, il faudra combler le fossé entre la recherche et l’ingénierie ;

Le secteur bancaire : demander aux principales banques, qui seront recapitalisées à cette fin, d’introduire des « mécanismes de financement de projets » ;

Le secteur industriel : faire croître la productivité de plus de 5 % par an, encourager les efforts en matière de qualité, créer un courant d’innovation scientifique et technologique permanente, fournir au monde des idées et des technologies nouvelles dont la Russie soit fière, à l’instar de ce qui a été fait dans le domaine nucléaire et spatial, mettre l’accent sur les technologies les meilleures en vue de respecter les normes environnementales les plus strictes ;

NB. Au cours de la défunte période de stagnation Brejnev/Andropov/Gorbatchov, l’innovation russe s’était arrêtée en même temps que tout le reste, et la Russie a perdu du terrain technologiquement par rapport à l’Occident.

L’efficacité de l’action publique : il faut combattre le désordre et l’irresponsabilité qu’entraîne la routine bureaucratique. Libéraliser les activités en allégeant les contrôles ;

La détérioration de la situation financière : nous allons stabiliser la pression fiscale pendant 4 ans, encourager le retour des capitaux, porter le taux de croissance économique au dessus de la moyenne mondiale d’ici à 3-4 ans, lutter contre l’évasion fiscale, contrôler avec rigueur les dépenses des agences étatiques, ou le niveau des prix lors des appels d’offres publics, notamment pour la défense (les détournements de fonds sont une menace pour la sécurité nationale et seront traités aussi sévèrement que  le financement du terrorisme).

 

Adaptation de l’économie

D’ici 3 à 5 ans, produire en Russie le maximum de produis alimentaires et de médicaments de la meilleure qualité. Réduire la dépendance du pays aux technologies étrangères, en favorisant les industries d’équipement industriel (machines-outils) et énergétique, notamment pour l’exploitation du sous-sol y compris sur le plateau continental arctique ;

Le programme de substitution aux importations encourage la création de grands groupes industriels compétitifs en Russie et sur les marchés internationaux (These companies exist in Russia. They are highly efficient and have export potential – very good potential. But they are short of capital, technology, personnel and equipment).

Mieux exporter. Un organisme de crédit et d’assurance à l’exportation sera opérationnel en 2015. Dans les 3 ans à venir, Roseximbank sera recapitalisé à hauteur de 30 milliards de roubles (406 millions d’euros) et le volume des exportations devrait croître de 30 %. D’ici à 2018, la croissance annuelle de l’investissement productif devrait parvenir au niveau de 25 % du PIB, en d’autres mots, investir en Russie autant que le Russes économisent au lieu d’expatrier ces capitaux. Pour cela, le système bancaire doit être stabilisé et la dépendance du marché financier national doit être réduite pour ne plus être victime des risques extérieurs.

 

Aménagement du territoire et équipement

Intégration : former une nation à partir d’un empire, développer les franges arctiques du pays, élever le niveau de dialogue entre l’Etat et la population, encourager les initiatives et activités civiques et le patriotisme (We have become aware of the indivisibility and integrity of the thousand-year long history of our country).

Le retour de la Crimée est justifié, non seulement pour son importance stratégique mais également parce qu’il s’agit du berceau du christianisme russe. Ce fait historique permet d’invoquer « l’unité spirituelle des ancêtres » à l’œuvre pour forger le sentiment d’appartenance à une même nation. Le prince Vladimir, baptisé en 988, principal fondateur de la « Sainte Russie » fit du christianisme la religion d’Etat, marquant, d’un côté les débuts de la Russie kiévienne comme un Empire respecté, et de l’autre posa les jalons du développement culturel spécifique à l’Europe Orientale.

Doter la Russie d’infrastructures, notamment routières, de bonne qualité et en doubler la longueur.

La loi instituant les zones de développement prioritaire (priority development areas, PDA) devra être votée sans tarder. Le statut de PDA sera étendu aux villes à mono-industrie. Les PDA devront jouer un rôle majeur pour le développement de l’Extrême-Orient russe. Des plans ambitieux ont été formulé pour cette région et le Far East Development Fund sera recapitalisé. Vladivostok sera déclaré port franc doté d’un régime douanier avantageux, à l’instar de Sébastopol. En 2015, les dépenses des régions destinées à créer des parcs technologiques seront remboursées par l’État ;

Élaborer un plan d’ensemble pour le développement des territoires arctiques (la Russie possède la presque totalité de la partie nord du continent eurasiatique, à peu près 1/6 de la surface des terres émergées) appuyé sur l’aménagement de la route de transit (Northern Sea Route), ainsi que celui de la côte Pacifique, comme région d’activité, notamment commerciale, tournée vers les pays riverains de cet océan.

Population

Améliorer :

  1. la démographie. La natalité est bonne :fin 2014,la population russe devrait dépasser les 146 millions d’habitants, Crimée comprise ;
  2. l’état sanitaire : la transition vers un système d’assurance-maladie devrait se terminer. Un système central de veille sanitaire, et la formation continue des médecins devraient prochainement voir le jour.

Sécurité et relations extérieures

Ouverture. La Russie veut promouvoir activement toutes relations avec l’extérieur (affaires, humanitaire, scientifique, culture et éducation) même si « certains pays essayent de construire un « rideau de fer ». Les liens avec l’Europe et les États-Unis seront maintenus, de même que la coopération avec l’Afrique et le Moyen-Orient, tandis que ceux avec l’Amérique du Sud seront restaurés et amplifiés. En tant que puissance du Pacifique, la Russie exploitera le large potentiel qu’offre le dynamisme de l’Asie-Pacifique ;

Noter que, sans relâche, les États-Unis s’efforcent de construire un système global de défense antimissile y compris en Europe, ce qui constitue une menace pour la Russie ; au cours des deux dernières décennies, l’ambition de l’OTAN a été de mener une politique expansionniste dans ce qu’elle appelait l’ « espace post-soviétique »…

Éliminer le terrorisme tchétchène et toute agression susceptible de provoquer un scénario à la yougoslave conduisant au démembrement du territoire national ;

L’Union économique eurasienne va être pleinement opérationnelle dès le 1er janvier prochain. Ses principes fondamentaux doivent être rappelés : égalité, pragmatisme et respect mutuel entre membres, ainsi que la préservation de l’identité nationale et la souveraineté de l’État ;

Ukraine : Ouvertement ou non, « nos amis américains » – ont toujours manipulé les relations que nous avons avec nos voisins. Condamnation d’un coup d’État fondé sur une erreur : « Yanouchkovitch n’a pas refusé de signer l’accord d’association avec l’UE, mais a voulu reporter la décision pour mieux en étudier les termes ». C’est une tragédie pour le sud-est du pays. L’Ukraine est un pays ruiné que nous avons beaucoup aidé (33 MM$).

***

2)    Les points principaux de la conférence de presse du 18 décembre

du président Vladimir Poutine (Moscou, Centre du commerce international)

Propos liminaires du président

Le budget fédéral 2014 se solde par un excédent d’environ 1 200 milliards de roubles (15,375 milliards €, soit 1,9 % du PIB), a démographie est bonne, notamment grâce au capital maternité de 429 408.5 roubles (5 900 euros). Les réserves de la Banque Centrale se montent à $419 milliards (€372). La récolte de blé de la saison 2014 a été extrêmement bonne : 104 millions de tonnes (2012 : 71 millions de t.) ;

Le mur de Berlin est tombé, mais d’autres rideaux de fer se sont édifiés : la volonté d’expansion vers l’est de l’OTAN, le système de défense anti-missile à nos frontières. Nous avons ouvert nos frontières et nous avons « qu’ils » soutenaient ouvertement le terrorisme dans le Caucase du Nord…

Réponses du président à certaines questions des journalistes

AsiePacifique, Chine

Les Américains se tournent vers l’Asie-Pacifique pour des raisons économiques plus que politiques, car la croissance rapide de cette région offre de nouvelles opportunités au monde. La demande en énergie de pays comme la Chine, l’Inde, le Japon ou la Corée du Sud, progresse par bonds successifs. Pourquoi négligerions-nous cette région ? Les projets que nous mettons en œuvre dans cette direction sont prévus depuis longtemps, bien avant que ne surviennent les difficultés que connaît notre économie.  Les deux parties trouvent réellement leur intérêt dans le contrat avec la Chine. Les prix ne diffèrent pas sensiblement de ceux que nous pratiquons avec l’Europe, si ce n’est le coefficient propre à chaque marché. Le bénéfice que nous en tirons est l’accumulation d’un gigantesque pactole qui va nous permettre, non seulement d’exporter du gaz vers l’Asie, mais surtout, de commencer à relier nos deux réseaux gaziers de l’est et de l’ouest. Nous amorçons ainsi la phase suivante, le plus importante, en nous rendant capables de fournir dans ces deux directions selon la demande des marchés respectifs. Ce projet est ainsi porteur de bénéfices potentiels dans le domaine gazier. Inutile de dire également que cet énorme projet est créateur de nombreux emplois, producteur de ressources, notamment fiscales, à tous niveaux. Enfin, il va permettre à notre Extrême-Orient de trouver une nouvelle vie.

 

Turquie

La Russie et la Turquie ont de nombreux intérêts régionaux en commun. De plus, de nombreux problèmes régionaux ne peuvent être résolus sans son aide. C’est la raison pour laquelle nous développons de nombreux liens avec ce pays ;

La croissance économique de la Turquie réclame un surcroît d’hydrocarbures. Nous avons construit le Blue Stream pipeline il y a plusieurs années et aujourd’hui, nous n’avons aucune raison d’opposer un refus à leur demande. Nous avons trouvé un accord sur l’ensemble du projet. Quant à un éventuel hub européen, construit à la frontière turque ou grecque, il ne nous appartient pas d’en décider, c’est l’affaire de nos partenaires européens. S’ils veulent une source stable d’énergie venant de Russie sans risque de transit, alors bravo ! Alors nous construirons un gazoduc vers la Macédoine via la Grèce, prolongé vers la Serbie et le centre gazier autrichien de Baumgarter. Sinon, nous ne le ferons pas. Le problème est qu’il n’existe pas, et pour longtemps, de fournisseur plus fiable et moins cher que la Russie.

ÉtatsUnis

Nous disposons de deux bases militaires hors de Russie, toutes deux situées dans des zones d’intense activité terroriste : au Kirghizstan, à la demande de son gouvernement après une attaque de militants afghans, et au Tadjikistan, à la frontière de l’Afghanistan. Notre présence y est justifiée et parfaitement compréhensible.

Les ÉtatsUnis, eux, disposent de nombreuses bases, disséminées tout autour du globe.  Que font les forces armées américaines et leurs armes nucléaires tactiques en Europe ? Par ailleurs, les dépenses militaires de notre pays en 2015 sont prévues à hauteur de 50 milliards de dollars environ, alors que le budget du Pentagone récemment approuvé par le Congrès, s’élève à 575 milliards,  plus de dix fois supérieur au nôtre. Et on nous accuse de mener une politique agressive ? Projetons-nous nos forces aux frontières des États-Unis ? Qui installe des bases de l’OTAN et d’autres infrastructures militaires près de chez nous. Quelqu’un a-t-il engagé un dialogue avec nous à ce sujet ? Personne. On nous dit »ce sont nos affaires, chaque pays a le droit de d’assurer sa sécurité comme il l’entend. Très bien, nous aussi. Qui s’est retiré du Traité ABM, l’une des pierres angulaires du système global de sécurité ? Ce n’est pas nous, les Américains l’ont fait unilatéralement. Ils sont une menace pour nous en déployant des bases de missiles, non seulement en Alaska, mais en Europe, en Pologne et en Roumanie, tout près de chez nous. Qui poursuit donc une politique agressive ?

Chine

Le représentant de l’Agence de presse chinoise Xinhua demande au président Poutine de décrire les relations russo-chinoises et leur évolution prévisible au cours des prochaines années et de qualifier la coopération russo-chinoise au sein des organisations, les BRICS et l’Organisation de coopération de Shanghai, l’OCS, qui tiendront leurs sommets à Oufa* en 2015. Réponse du Président :

Je dirai d’abord que l’OCS a été créée à la suite de la chute de l’Union soviétique pour résoudre les problèmes frontaliers entre la Chine et les nouvelles républiques issues de l’URSS. À ce titre, la coopération a été très satisfaisante. Nous n’avons pas, Dieu merci, de conflits à la suite des règlements ni de difficulté pour engager des relations bilatérales. Tous les problèmes ont été résolus dans le respect des intérêts de la Chine et des autres membres de l’OCS, y compris la Russie. L’OCS est allé plus loin que son mandat initial, en examinant de nouvelles demandes. Ceci ne serait pas arrivé si la communauté internationale et les pays membres de la SCO n’avaient pas éprouvé le besoin de continuer à travailler ensemble

L’Iran, le Pakistan, l’Inde, et plusieurs autres pays ont montré de l’intérêt pour travailler avec nous. L’Inde et le Pakistan ont déposé leurs dossiers en vue d’obtenir le statut de membre à part entière. Ceci va influencer de façon certaine les relations entre la République populaire de Chine et la Fédération de Russie. La Chine est le premier partenaire commercial de la Russie, avec un montant de 90 milliards de dollars en 2014. Ce chiffre est en croissance malgré la morosité du climat économique global et je suis sûr que cala va continuer. Notre priorité est de diversifier nos relations commerciales et nous nous sommes résolument engagés dans cette direction. Nous sommes très attentifs à accroître la part des produits de haute technologie dans notre offre commerciale. Comme on le sait, nous construisons des centrales nucléaires et nous allons continuer si la Chine le souhaite, nous travaillons ensemble dans l’exploration de l’espace et la construction aéronautique, dont des avions et hélicoptères de transport de charges lourdes. Nous travaillons également ensemble dans plusieurs autres secteurs prometteurs, mais le plus important est que, sur la scène internationale, nous portons un intérêt commun à la stabilité du monde. Nous travaillons en liaison étroite avec les Nations unies et son Conseil de sécurité. La coopération entre la Russie et la Chine dans le cadre de ce forum est certainement un important facteur de la situation internationale.

* Oufa (Уфа) est la capitale et la plus grande ville de la république russe de Bachkirie.

Iran

Au journaliste de Delevoy Iran qui disait avoir observé une quasi absence de relations entre la Russie et l’Iran au cours des 12 derniers mois, le président Poutine a répondu :

Le président iranien et moi avons pris des dispositions pour relancer entre nos deux pays, en diversifiant leur structure et en augmentant les volumes, nos échanges commerciaux qui, effectivement, se sont ralentis. Mais ces échanges ne dépendent pas que de nous, mais aussi du contexte économique global. L’économie de l’Iran, producteur de gaz, est largement dépendante des cours mondiaux du gaz et du pétrole. Leurs prix ont chuté. Y a-t-il une collusion entre l’Arabie saoudite et les États-Unis pour punir l’Iran ou influencer l’économie russe ou celle du Venezuela ? Peut être ou pas… Est-ce une bataille entre les producteurs traditionnels d’énergie et ceux qui tirent leurs ressources du fractionnement du sous-sol ? Quand les prix atteindront leur plancher, alors certains disparaîtront et le marché repartira à la hausse. Mais on ne peut en être certain.

Revenons à la diversification de nos échanges. Nous travaillons sur la construction mécanique, la construction d’avion et cherchons d’autres façons de diversifier le secteur du pétrole et du gaz. Notre ministre de l’Énergie est allé plus d’une fois en Iran et a invité nos partenaires en retour.

La recherche d’un compromis a été très compliquée. Finalement nous avons trouvé une solution mutuellement acceptable. Elle dépendait de nombreux calculs difficiles, vraiment une foule de problèmes, mais dans l’ensemble, nous les avons résolus. Les deux côtés ont montré leur bonne volonté et ces contrats, y compris ceux sur le pétrole, devraient être avantageuse pour toutes les parties.

Après tout, ce n’est pas le Gouvernement qui vend le pétrole iranien, mais des entreprises appropriées, et en conséquence les contrats doivent être avantageux pour eux. Ceci n’est pas facile, mais nous sommes sincèrement intéressés et cherchons toutes les façons d’augmenter notre commerce.

Par ailleurs, nous travaillons avec nos partenaires et amis iraniens à l’établissement d’un programme nucléaire civil. Je pense que nous sommes sur le point d’y parvenir. À mon avis les leaders iraniens sont très souples et je ne comprends même pas pourquoi les accords finaux sur le programme nucléaire iranien n’ont pas encore été signés. J’espère que ceci sera fait dans un avenir proche et alors nous verrons des changements considérables dans nos relations économiques.

Nous n’avons aucune restriction liée quelque pression extérieure que ce soit. Nous avons promis de construire une centrale nucléaire et nous l’avons fait.

Nous venons de signer les contrats relatifs à notre nouvelle coopération et nous en exécuterons les termes. La suite revient à des questions strictement techniques de mise en œuvre.

***

3)    Les points principaux de la « nouvelle doctrine militaire » russe, approuvée le 26 décembre par le président Poutine

La doctrine 2014 (« nouvelle doctrine militaire » russe ou doctrine militaire révisée) reprend en grande partie les termes de la précédente édition de 2010. L’improbabilité d’une guerre à grande échelle contre la Russie amène ses rédacteurs à confirmer la posture défensive de la Russie. Elle liste néanmoins le nombre croissant de menaces pour la stabilité (disputes territoriales, interférences dans les affaires internes des pays, utilisation stratégique des armes dans l’espace). La Russie pourrait employer l’arme nucléaire en réponse – capacité de seconde frappe – « à l’usage d’armes nucléaire ou autres armes de destruction massive contre le pays ou ses alliés ou en cas d’agression impliquant des armes conventionnelles qui menaceraient l’existence même de l’État russe ».  La doctrine, et c’est nouveau, pointe l’OTAN comme la première menace pour la Russie.

Elle introduit le concept de « dissuasion nonnucléaire » (maintien d’un haut degré de préparation des forces conventionnelles) et évoque pour la première fois la possibilité d’utiliser des armes conventionnelles de précision « as part of strategic deterrent measures » pour repousser une agression étrangère. Exemples d’armes conventionnelles de précision : missiles sol-sol ; missiles de croisière lancés d’un sous-marin ou d’un aéronef ; bombes guidées ou obus d’artillerie.

La doctrine prône une participation active aux organisations régionales de sécurité telles que le Commonwealth of Independent States et l’Organisation de coopération de Shanghai.

Elle mentionne la nécessité pour l’armée de protéger – y compris en temps de paix – les intérêts russes dans l’Arctique, qui prend ainsi un caractère explicitement stratégique, où se joue une vaste compétition internationale (à laquelle participent notamment les États-Unis et la Canada) pour ses gisements d’hydrocarbures et autres ressources, dont la fonte des glaces permet d’entrevoir l’exploitation.

Le document note la menace que constituent le renforcement des capacités offensives de l’OTAN aux frontières de la Russie (en Pologne et dans les États baltes) et le déploiement des systèmes de défense antimissile en Europe centrale (Pologne et Roumanie). Déjà exprimé dans la version de 2010, le ton alarmiste de celle 2014 s’est amplifié avec l’annonce du rejet, par l’Ukraine, de son statut de non-alignement, rejet qui donne à Kiev la possibilité de se porter candidate à l’OTAN.

NB. Amener l’armée ukrainienne aux normes OTAN serait une tâche énorme. L’Allemagne et la France sont sceptiques à l’égard d’une telle éventualité.

***

ANNEXE

Rappel. La Russie (Россия, Rossiïa), en forme longue la Fédération de Russie (Российская Федерация, Rossiïskaïa Federatsiïa), est le plus vaste pays de la planète. Population fin 2014 : environ 146,5 millions d’h. Situé en Asie du Nord (74,7 % de sa superficie) et en Europe (25,3 % de sa superficie), son territoire, dix-sept millions de km2, compte plus de 9 000 km de Kaliningrad à Vladivostok et neuf fuseaux horaires.

***