Chine et la mer, sécurité et coopération régionale en Asie orientale et du Sud-Est (La)

La Chine et la mer, sécurité et coopération régionale en Asie orientale et du Sud-Est

Sous la direction de Hugues Tertrais,

L’Harmattan, collection Inter-National, Paris, novembre 2011 

Les signes de l’émergence d’une puissance maritime chinoise se multiplient. La Chine n’avait encore jamais eu de flotte commerciale et militaire à vocation mondiale, comme elle semble maintenant en prendre le chemin.

L’intérêt de la Chine pour la mer remonte pour l’essentiel à l’époque de la dynastie des Song (Xe-XIIIes.) mais elle se recentre sur l’espace continental à partir du XVesiècle, alors que les premiers navires portugais se lancent à l’assaut de la planète. La mer deviendra le lieu par où le malheur arrive (navigateurs européens menaçants au XIXesiècle et force de frappe occidentale imposant à Pékin de multiples pertes de souveraineté dans la zone littorale et maritime). Hong Kong passe en 1842 sous souveraineté britannique (traité de Nankin) et les premières « concessions » sont autorisées. La guerre sino-japonaise de 1894-1895, conflit naval rapidement gagné par Tokyo, assure à ce dernier la souveraineté sur l’île de Taiwan (Formose) et fait reculer l’influence chinoise sur la Corée. Le Japon annexera ensuite la Mandchourie et tentera, par l’invasion militaire, d’imposer un protectorat à l’Empire du Milieu. Après sa défaite en 1945 et après la révolution chinoise de 1949, la zone littorale et insulaire séparant la Chine du Japon constituera une frontière et un nouvel enjeu.

Cet ouvrage est composé de trois parties. La première concerne les héritages historiques et examine les relations qu’entretient depuis 1954 la Chine avec la mer, donc avec une bonne partie de ses voisins, en termes de sécurité et de coopérations régionales. Le monde est passé de la confrontation soviéto-américaine (années 1990), à un monde d’abord unipolaire avec la puissance américaine puis multipolaire avec une nouvelle centralité qui se situe en Asie, région qui acquiert une position forte, à défaut d’être stable. Les relations de la Chine et de son espace maritime sont devenus le lieu où se joue une partie des relations internationales de demain. La Chine s’en tient par la force des choses dans les années 1960, à la défense côtière, face à la VIIeflotte américaine, justifiant pour Pékin plus de 400 « avertissements sérieux » à Washington. Une véritable ambition maritime chinoise est en train de naître, la Chine affirmant ses droits sur un espace maritime considérable : une flotte submersible entre en activité en 1954. La Chine exige de passer de la défense côtière à une autre échelle stratégique, celle permettant de s’assurer le contrôle d’une vaste zone économique exclusive et au-delà. L’actuel développement de la Chine suppose en effet de participer à la sécurité des grandes routes d’approvisionnement. Sa stratégie maritime accompagne sa montée en puissance. Les métropoles portuaires structurent ce corridor maritime de l’Asie de l’Est dont la Chine n’est que l’une des pièces. Les enjeux sont multiples et l’édification d’une marine de guerre accompagne cette adaptation stratégique. La deuxième partie traite des nouveaux enjeux. Avec le lancement des réformes en 1978, tous les moyens sont bons pour acquérir des technologies étrangères, occidentales. Et se met en place, de part et d’autre du Pacifique, un rapport de forces entre Chine et États-Unis qui ressemble de plus en plus à une nouvelle bipolarisation. Les États-Unis ne relâchent pas leur surveillance. Par leurs propres zones de souveraineté dans le Pacifique occidental, ils sont géographiquement plus proches qu’il n’y paraît du littoral chinois et y entretiennent un système de sécurité combinant alliances, partenariats et important dispositif militaire. Que penser, dans ce contexte, des nouvelles relations sino-russes avec, en août 2005, des manœuvre militaires communes ? La question énergétique est importante pour l’avenir de la zone et l’espace maritime apparaît comme un parvis géant où convergent l’essentiel des ressources, un hub énergétique dont la Chine serait capable de prendre le contrôle. Le rapport de la Chine à la mer est l’un des éléments les plus sensibles du tournant actuel de l’histoire de la région. Mais à qui appartiennent les eaux du Pacifique et comment y gérer les tensions ? La troisième partie traite des lieux de tensions où la chine apparaît maîtresse du jeu.

Ainsi ont participé à cet excellent ouvrage : Christopher Goscha (La « piste Ho Chi Minh » maritime, itinéraire méconnu), Nicolas Vaicbourdt (Un test : la crise des détroits-1958), Pierre Journaoud (La perception des attachés de défense français dans la zone), Yang Baoyun (Vu de Beijing : évolution de la conception maritime de la Chine depuis les années 1950), François Gipouloux (Mondialisations, tradition maritime chinoise et Méditerranée asiatique) Alexandre Sheldon-Duplaix (Les transferts de technologie dans le développement de la marine chinoise), Colonel Loïc Frouart (L’océan Pacifique dans la vision stratégique américaine), Hervé L’Huillier (Vers un « hub » énergétique ?), Antoine Frémont (Les ports chinois et la route maritime de l’Asie), Amiral Alain Oudot de Dainville (Vu de Paris : les contraintes de « l’ascension pacifique »), François Campagnola (l’espace maritime chinois et le droit international de la mer), Sébastien Colin (Entre Chine et Corées, une délicate délimitation), Philippe Pelletier (Le litige sur-insulaire Senkaku-Diaoyutai), Nguyen Thi Hanh (La question de la frontière maritime dans le golfe du Tonkin), Général (2s) Daniel Schaeffer (La stratégie chinoise en mer de Chine du Sud), Général d’Armée (CR) Christian Quesnot (Postface).

Catherine Bouchet-Orphelin, Asie21